

Bel Abbès a les inconvénients de toutes les villes qui ne s'ouvrent pas sur la mer. Il fait souvent très chaud en été. Le climat a en plus changé, constate Salim qui gère une société spécialisée dans l'élaboration d'études pour l’environnement. "Il y a un grave problème de déforestation aggravé par le terrorisme qui a sévi ces dernières années".
Parmi les endroits où se rendent les habitants pour fuir la chaleur, il y a un lac appelé Sidi Mohamed Ben Ali. L'appellation n'est pas fortuite. A deux pas du lac, il y a un petit mausolée où les gens viennent quêter la baraka. C'est à moins de dix kilomètres de la ville que s'étale ce lac qui attire surtout des pêcheurs et quelques inconscients et jeunes baigneurs. Des noyades ont été enregistrées, mais beaucoup de gens, des adolescents surtout, ne s'empêchent pas de plonger dans les eaux profondes. Des hommes enfourchent leurs mobylettes, très répandues à Bel Abbès pour aller taquiner la carpe toute la journée. "C'est un endroit tranquille où on n'entend ni klaxon, ni cris", estime El Hadj qui préfère nous parler d'un autre lac. Sarnot est à quatre kilo
mètres. Du temps de la colonisation, c'était l'endroit rêvé pour les familles de colons qui s'adonnaient même aux plaisirs de l’aviron. Face au lac où barbotent quelques canards noirs, il nous fait part de ses colères. "Il n'y a pas d'autorité. Un endroit pareil doit être protégé. On ne doit pas par exemple pêcher à tout moment. Parfois, on remonte des espèces qui sont pleines d'œufs". Le long d'un rivage de près de quatre kilomètres, au milieu des roseaux, ils sont nombreux ces jeunes qui lancent leurs cannes au loin. On peut voir aussi beaucoup de couples qui viennent en voitures. Des familles avec enfants déroulent des tapis pour déjeuner à l'ombre des pins. "Il y a une totale sécurité, nous dit Ali, professeur au lycée Meftahi. Les gendarmes passent souvent et je n'ai jamais vu quelqu'un importuné". Pourtant, cet endroit aurait pu être mille fois mieux. Outre les détritus comme les canettes de bière, les restes de repas qui jonchent la pinède et le pourtour du lac, on ne trouve aucun restaurant.
Il y a certes une gargote mais "sans électricité on ne peut que proposer des limonades", nous dit le jeune qui gère cette bicoque. En 2004, une enveloppe de 500 millions de dinars a été dégagée par l'APW pour réaliser une étude sur l'aménagement d'un espace de détente et de loisirs. Rien n'a été fait depuis. L'APC de Aïn Trid, dont dépend le lac, avance l'argument des moyens et des priorités. Pourtant, Dieu sait quelles rentrées un tel endroit aurait pu assurer.
D'autres familles de Bel Abbès préfèrent les plaisirs de la plage. On se rend surtout sur le littoral de Témouchent. A Targa, Bouzedjar ou Sidi Djelloul. En voiture, c'est à un peu plus de deux heures de route entre l'aller et le retour.
Au centre- ville, un jeune a trouvé l’astuce. "Moi, nous dit Abdelkrim, 23 ans, je vis en fonction des occasions. Je choisis ce qu'il faut vendre. Les vêtements pour l'Aïd, les affaires scolaires à la rentrée". En ces derniers jours d'été, celui qui tient à préciser être un fervent supporter de l'USMBA propose des excursions à la plage pour 250 DA par personne. "La location du bus payé, je gagne 1500 DA à peu près", nous dit-il.
Bel Abbès a beaucoup souffert du terrorisme. Cette page sanglante semble définitivement tournée. Le soir venu, au centre-ville ou même dans des quartiers populaires comme Sidi Djillali, les gens se promènent tranquillement, font leurs achats. Beaucoup de femmes, de jeunes filles sortent et arpentent les rues. Les commerces sont ouverts jusqu'aux environs de 23h. On peut voir des femmes en groupes et des jeunes adossés à la rampe qui entoure le jet d'eau Emir-Abdelkader. Les salons de glaces débordent. A la fin du boulevard, on peut visiter l'une des curiosités de la ville, le fameux château Djenane Bastide où Napoléon 3 séjourna en mai 1865. Aujourd’hui, il abrite les services de la douane. Toutefois, cette atmosphère peut être trompeuse. "Il faut éviter les endroits isolés comme les ruelles d'El Graba où les agressions sont monnaie courante", nous avertit un habitant. La consommation de stupéfiants malgré les efforts de la police reste un véritable fléau, nous avoue un habitant de Sidi Yacine.
En tout état de cause, à l'image d’Oran, les villes de l'Ouest connaissent un entrain, une gaieté qu'il est difficile d'imaginer dans le centre-ville d’Alger.