De nombreux lacs andorrans et ariégeois se serrent contre les parois, incrustés ou suspendus dans les pentes. Les Pallars, en revanche réservent de plus grands "plas" aux nappes scintillantes.
Paysage andorran
Si ces hautes vallées cachent encore isards, lagopèdes et coqs de bruyère, l'ère des montreurs d'ours est désormais bien finie….Un passé récent nous fera état de tentatives de réintroduction…. L'Ariège était autrefois leur pays d'origine d'où ils partaient pour parcourir la France à la mauvaise saison. Ainsi ma mère a vu l'ours faire de la bicyclette sur la place de Cazères. Mes grands-parents tenaient une auberge où les montreurs d'ours provenant d'Ercé avaient coutume de s'arrêter. Pendant qu'ils prenaient leur repas ils enfermaient l'ours à la cave; mais un jour il se détacha, s'enivra en buvant du vin aux barriques et alla dans la cuisine où il fit une belle peur à ma grand-mère qui le vit se dresser devant elle et se mettre à danser. Dans les flancs des Pyrénées ariégeoises l'homme s'est particulièrement distingué par ses œuvres artistiques. Il suffit de visiter le Tuc d'Audoubert, les cavernes de Niaux ou la grotte de Bédeilhac, pour voir à quel point ces chasseurs magdaléniens étaient de fins sculpteurs et de merveilleux peintres. En témoignent les bisons façonnés dans l'argile du Tuc d'Audoubert, uniques au monde, et le cheval barbu de Niaux , ancêtre des chevaux de Mérens.
L'Andorre, enserrée dans un écrin de granit comme une perle, naturelle, avec ses crêtes découpées, ses pâturages opulents et ses lacs, est restée enfermée dans une vie traditionnelle jusqu'à l'arrivée de l'automobile. Comme dans la plupart des vallées pyrénéennes les églises romanes, en belles pierres, se retrouvent en Andorre. En 1278, un traité assure un statut particulier à ses sept vallées en les mettant sous la double tutelle de l'évêque de la Seo de Urgel et du comte de Foix. Cette situation spécifique leur vaut les privilèges fiscaux à'aujourd'hui, et le mercantilisme a envahi les fonds de vallées, boursouflés d'une succession de boutiques qui attirent des files ininterrompues de voitures... Certains véhicules suivent goudrons et pistes le plus haut possible, mais les pics, dont certains dépassent les 2 900 mètres, restent heureusement à l'écart de ces mouvements de l’ouïe.
C'est ici et sur les premiers 3 000 de l'orient, Pique d'Estats et Montcalm, que les perturbations atlantiques se heurtent aux effluves méditerranéens.
un couple qui hésite à descendre vers Aulus, en plein brouillard. Manifestement le ciel est dérangé : quelques grêlons blanchissent les sommets et dégringolent dans le cirque de Cagateille. Nous sommes les seuls à admirer les curieux effets de ce givre éphémère. Le petit lac de Couillac, admirablement posé sur un replat de la crête, nous permet de boire sans avoir à faire fondre la neige. Le lendemain, depuis le Certescans, la vue est enfin dégagée. Retrouvant une carcasse de vache desséchée curée par les vautours, nous nous demanderons comment diable elle a pu grimper jusque-là. Sans doute est-elle montée par des vires, avant de se coincer les pattes entre les blocs sans pouvoir en sortir. Au port de Marterat nous sommes en retard pour les retrouvailles. Inquiets, Bertrand et Jean-François s'avancent à notre rencontre et René filme notre arrivée. Nos chaussures ont souffert : nous en sommes déjà à la deuxième paire, des schistes tranchants ayant fendu les semelles.
Le mont Rouch est un merveilleux belvédère : les Pyrénées prennent de l'ampleur côté sud et des sierras à explorer s'étendent sur de nouveaux horizons. Monts rouges ou pics blancs ne manquent pas, une trentaine ont été recensés, mais celui-ci est le plus reculé, avec 2 000 mètres de dénivelée depuis la vallée. Des crêtes périlleuses en rocher délité et gispet suivent ses rebonds vers le port de Salau. Nous épions un renard qui s'en va prudemment, tandis qu'une cinquantaine d'isards débouchent au port de Salau en même temps que nous. Un Saint-Gironais, que nous venons de saluer sur la Rouge, les a rabattus en revenant par le versant Pallars. Il nous offre de l'eau bien fraîche et du pâté d'isard. Ce port de Salau garde les vestiges d'échanges importants entre la vallée du Pallars et celle du Salât. Des ruines en longueur ne manquent pas de surprendre : elles sont le signe d'une phénoménale exploitation forestière. Jusqu'en 19 H, les gros troncs de la forêt de Bonabé grimpaient le long d'un câble sans fin et redescendaient à Salau sans autre énergie que leur propre poids. Un million d'arbres gigantesques sont ainsi passés en France. Dans les réserves, les isards détalent par dizaines. Phénomènes d'agilité, ils sont très nombreux sur ces hauteurs qui nous conduisent au port d'Aula. En revanche, les moutons qui s'aventurent sur les sentes aériennes des isards risquent de ne plus revoir les fleurs des jasses ariégeoises : chaque année certains s'égarent ici et se tuent.
Nous restons un bon moment au pic de Barlonguère pour regarder les évolutions des chocards qui virevoltent le long des fissures comme des feuilles mortes emportées par les courants ascendants. Les petits lacs, bien abrités, sont encore gelés. Pourtant, jusqu'au Val d'Aran, en passant par l'escalier monumental de la Mail de Bulard, les crêtes deviennent plus débonnaires. La borne 420 marque la frontière au port d'Orle, mais nous l'abandonnons au pic de l'Homme : elle file vers le Pont du Roi alors que nous suivons la ligne du partage des eaux. Nous allons maintenant arpenter les crêtes souveraines vers les sources de la Garonne.
Source La Grande Traversée des Pyrénées par Louis Audoubert
Le Pèlerin