Aïd ou grève générale !?
Les fêtes de l’Aïd ont, depuis toujours, une saveur particulière. L’euphorie gagne généralement les ménages une semaine avant l’événement : on nettoie la maison de fond en comble, on embellit tous ses recoins, on s’ingénue dans la préparation des gâteaux et on y met les meilleurs atours pour recevoir dignement proches et amis. Il y a aussi une tradition ancestrale de solidarité et de communion qui accompagne cette circonstance heureuse. Les rencontres, les réconciliations, les échanges de visites, les cadeaux, les retrouvailles, le recueillement, et tant de chaleur humaine… L’Aïd, c’est tout ça à la fois. Les enfants, qui se mettent à l’occasion sur leur trente et un, rajoutent une note bien particulière aux réjouissances. Leurs éclats de rire, leurs jeux innocents et leurs minauderies égayent les foyers qui interrompent, ainsi, une espèce de routine ménagère. Seulement, le tableau n’est pas aussi plaisant en dehors de l’espace strictement privé. A la veille de la fête, les lieux publics se vident graduellement pour se figer complètement deux ou trois jours durant. En effet, les boulangers baissent leurs rideaux de fer, les restaurateurs prennent des vacances, les transporteurs se mettent en «hors service», et les échoppes ferment aussi sans aucun préavis. C’est la grève générale ! Cette mauvaise habitude crée à chaque occasion d’innombrables désagréments à l’ensemble des citoyens, notamment aux étrangers qui vivent dans notre pays et aux voyageurs qui atterrissent chez nous dans de telles conditions. On a, alors, tout le mal du monde à s’approvisionner en vivres, et le moindre déplacement –à défaut de transport en commun- relève du parcours du combattant. C’est devenu une règle ancrée dans le comportement de nos commerçants qui, sans crier gare, agissent en véritables «autocrates». Et, tant pis pour la clientèle ! On n’a pas cessé depuis toujours de dénoncer cette «démission» temporaire, mais le changement tant espéré tarde à se produire. Il est, désormais, grand temps de corriger ce «sale caractère» qui traduit un manque d’éthique et de moralité flagrant. L’union générale des commerçants et des artisans algériens (UGCAA) est, de ce fait, interpellée pour réfléchir sérieusement à un code qui sauverait l’honneur bafoué de la corporation. On doit penser, au moins, à garantir une permanence durant les jours fériés afin de témoigner un petit peu d’estime à ce client-roi qu’on méprise à chaque fête que Dieu fait. Les pouvoirs publics –à travers les directions du commerce et des transports- doivent aussi se saisir de cette lancinante question. On peut effectivement établir des plannings qui contraindraient les concernés à assurer un service minimum obligatoire. Car il s’agit, bel et bien, d’un gros problème qui entame en partie leur crédibilité, leur autorité et leur devoir de régulation du marché. De même, les associations de consommateurs -et la société civile de manière générale-, promptes à réagir lorsqu’il s’agit de dénoncer la hausse des prix, sont également tenues de soulever avec force cette question pour imposer le changement tant souhaité.
La fête sortira, alors, de l’espace domestique pour investir la sphère publique, et l’Aïd ne sera que plus beau !
Source la Tribune
Le Pèlerin