Les grands projets de Toulouse - La bataille des transports
TGV, nouvel aéroport, grand contournement autoroutier, ligne B du métro... A Toulouse, dans le domaine des transports, les dossiers brûlants pullulent. Leur issue déterminera l'avenir de la métropole dans les trente ans qui viennent.

Mettre Toulouse à trois heures de Paris… Voilà l'enjeu, du moins en apparence.
3 questions à Robert Marconis, géographe, professeur à l'université du Mirail.
Dans le meilleur des cas, Toulouse ne disposera d'un TGV qu'en 2017. Longtemps après Lyon, Lille, Marseille ou Bordeaux. Ce retard est-il pénalisant?
- Indéniablement. La région Midi-Pyrénées a toujours été difficile d'accès. Or, pour résoudre ce problème, les communications aériennes ne suffisent pas. Pour des raisons culturelles évidentes, Toulouse a délaissé les liaisons ferroviaires à grande vitesse. Mais, aujourd'hui, c'est autour d'elles que se construit l'Europe des métropoles. Et la concurrence fait rage: pour s'installer, les entreprises privilégient les villes disposant d'un TGV. Face à Bordeaux, Montpellier ou Marseille, Toulouse souffre d'un lourd handicap.
La liaison avec Paris suffira-t-elle à le surmonter?
- Ce n'est pas sûr. Nous nous sommes trop focalisés sur cette liaison avec la capitale. Dans la logique de régionalisation qui prévaut actuellement en Europe, il faudrait plutôt mettre l'accent sur les communications avec l'Espagne et les autres métropoles du sud de la France. Par ailleurs, il est tout autant nécessaire d'améliorer les déplacements à l'intérieur de l'agglomération, qui sont aujourd'hui un critère pris en compte par les entreprises lorsqu'elles s'installent.
Comment doit-on procéder?
- Les élus doivent reprendre la main. Ils ont trop longtemps laissé l'agglomération s'étaler, sans maîtriser ni canaliser son développement. Des zones se sont urbanisées à leur guise, sans que l'on pense à assurer leur desserte par les transports en commun. Résultat: la voiture règne en maître, le périphérique est saturé et les transports publics sont sommés de résoudre la quadrature du cercle. Il faut sortir de cette politique de laisser-faire et concevoir, enfin, un vrai schéma de développement urbain.
Car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la future ligne de TGV Paris-Bordeaux-Toulouse n'a pas pour seul objet de relier plus rapidement la Ville rose à la capitale. Son rôle est bien plus large: désenclaver la région Midi-Pyrénées; l'intégrer au réseau européen de la grande vitesse; amorcer le développement d'un axe de circulation rapide entre l'Atlantique et la Méditerranée; poser le premier jalon d'une nouvelle ligne TGV permettant de briser la frontière pyrénéenne. Bref, selon ses promoteurs, il s'agit bel et bien de faire franchir un pas décisif à la préfecture de Haute-Garonne. En effet, avec la mondialisation et la construction européenne, Toulouse est entrée, qu'elle le veuille ou non, en concurrence avec d'autres métropoles. Un combat féroce où chacune cherche à attirer capitaux, entreprises et touristes. Une bataille acharnée, dans laquelle les transports tiennent une place prépondérante.
Bien sûr, si on la compare à d'autres capitales régionales, Toulouse n'est pas réellement à plaindre. Son climat, sa qualité de vie, son dynamisme économique - malgré les difficultés actuelles d'Airbus - en font une ville particulièrement attrayante. Depuis le recensement de 1999, son aire urbaine (l'équivalent de son bassin d'emploi) connaît d'ailleurs une croissance démographique soutenue, de l'ordre de 17 000 à 18 000 habitants supplémentaires par an.
Mais toute médaille a son revers. Conséquence directe de ce succès: les infrastructures de transport sont, à terme, menacées d'étouffement. Hors d'âge, le réseau ferroviaire régional peine déjà à accomplir sa mission. D'ici à 2020, les bouchons parfois homériques que connaît le périphérique toulousain seront devenus son lot quotidien. Quant à l'aéroport de Blagnac, il devrait, en 2030, atteindre le chiffre de 11,9 millions de passagers par an (contre 6 millions en 2006) et connaître, lui aussi, les affres de la saturation.
Un diagnostic préoccupant, sur lequel s'accorde l'ensemble des acteurs politiques et institutionnels. «Nous sommes en retard», concède ainsi le maire (UMP), Jean-Luc Moudenc. «Les transports en commun doivent être massivement développés», surenchérit Pierre Izard, le patron (PS) du Conseil général. «Nous avons besoin de plus de mobilité», martèle Claude Terrazzoni, président de la chambre de commerce et d'industrie.
Mais ce bel unanimisme s'estompe dès qu'il s'agit de discuter des remèdes. «Contrairement à d'autres collectivités, il existe ici une incapacité à travailler ensemble sur les équipements structurants, confie Jean-Louis Chauzy, président du conseil économique et social régional. Nous préférons les démêlés à la mêlée.» De fait, si l'on excepte celui du TGV, rares sont les dossiers qui ne provoquent pas d'épiques joutes politiques. «Ici, le consensus est presque impossible, soupire André Viau, le préfet de région. Et plus l'on tarde à s'accorder, plus les solutions sont difficiles à trouver.»
Car l'implantation d'un aéroport, d'une autoroute ou d'une ligne de chemin de fer prend du temps et se fait rarement sans douleur. D'abord, c'est naturel, elle suscite l'opposition de tous ceux qui craignent de voir s'installer, au bord de leurs fenêtres, une incontestable source de nuisances. Ensuite, pour financer ces immenses chantiers, l'Etat, désargenté, s'adresse aux collectivités locales. Lesquelles ne peuvent payer qu'au détriment de leurs autres politiques. Enfin, elle porte atteinte à l'intégrité d'un territoire, en fragilisant des zones environnementales remarquables, en ravageant de riches terres agricoles, en balafrant le paysage. Autant d'enjeux primordiaux que L'Express explore.
Crise au sommet chez Tisséo
Pierre Izard n'en démord pas: impossible, pour le moment, de reprendre sa collaboration avec la mairie sur les questions de transport. Le président du conseil général n'a toujours pas digéré la remise en question de l'accord qui liait le département et l'agglomération dans la gestion du syndicat mixte des transports en commun (Tisséo). Les termes de ce contrat, conclu en 1972, étaient simples: chacune des deux collectivités s'acquitte de 48% des charges et la présidence - avec sa voix prépondérante - est tournante. Mais, en janvier 2006, un amendement voté par l'Assemblée nationale revient sur cette alliance objective. Ce texte donne systématiquement la majorité aux communautés d'agglomération de plus de 400 000 habitants. Une disposition taillée sur mesure pour Toulouse, dont Jean-Luc Moudenc reconnaît d'ailleurs «être l'inspirateur». Conséquence de cette «manœuvre sauvage», selon l'expression de Pierre Izard, le conseil général claque la porte du syndicat mixte. Désormais, il ne financera plus que «les projets qu'il juge conformes à ses principes et à ses analyses». Une position qui n'inquiète que modérément le maire: «Les choses se tasseront après les élections.»
Source l’Express.fr
Le Pèlerin