
Pensez, expliquent ceux qui défendent ce paradoxe: le pétrole cher, c'est le début de la fin d'un produit qui mine notre environnement. C'est une incitation puissante à changer ses habitudes de consommation; à économiser l'énergie; à investir dans le solaire, l'éolien, la biomasse, l'hydrogène; à transporter les marchandises par rail plutôt que par camion; à construire des pistes cyclables... C'est la seule façon de mettre un coup d'arrêt au réchauffement suicidaire de la planète, et de contenir la montée des océans: la flambée des prix réussira là où les hommes ont échoué. Pour sauver l'environnement, ces derniers n'ont-ils pas enchaîné en vain, depuis plus de 30 ans, conférence sur conférence, sans aucun résultat tangible? Le pétrole cher, c'est l'occasion de refaire le monde!
Ceux qui se réjouissent ainsi n'ont peut-être pas tort, dans une vision rêvée de notre vie à long terme. Mais gare à ne pas être trop béat! La réalité est, pour l'instant, loin de correspondre à leur raisonnement.
D'abord, les industriels ne réagissent pas toujours à la flambée des prix comme on pourrait le souhaiter. Plutôt que de mettre le cap vers des énergies nouvelles, les groupes pétroliers mettent les bouchées doubles pour forer, toujours plus loin, toujours plus profond, toujours plus sale. Total vient ainsi d'annoncer des investissements d'un milliard d'euros par an dans les sables bitumineux canadiens, dont l'exploitation est, selon les organisations écologistes, très polluante. "Le groupe ne fait quasiment rien en matière d'énergies propres au regard de ses moyens financiers phénoménaux. Cette stratégie est lamentable!", déplorent les Amis de la terre.
Ensuite, très concrètement, la cherté du pétrole a des conséquences dramatiques pour les ménages les plus vulnérables. En France, les pêcheurs ne sont pas les seuls concernés. Le sont tous ceux qui se chauffent au fuel ou au gaz, tous ceux qui, en zone rurale notamment, ne peuvent pas se passer de voiture. Pour les familles pauvres, la hausse des prix du pétrole est un cauchemar. L'Etat doit intervenir pour les aider à s'y adapter. Pas forcément en baissant les taxes sur le fuel ou l'essence. Le gouvernement peut aussi aider au financement de l'isolement des maisons, à l'achat de véhicules qui consomment peu, à l'équipement de chauffe-eau solaires...
Dans le domaine de l'environnement, comme ailleurs, il n'existe pas de "main invisible" qui résoudrait, par la simple magie de l'évolution d'un prix, tous les problèmes. Les cours du pétrole, assurent les experts, vont continuer à grimper. Avant de pouvoir crier "vive le pétrole cher", il faut s'assurer que les gouvernements s'engagent à accompagner, en y mettant les moyens, ce changement d'ère.
La revanche de la nature
Le problème n'est pas l'utilisation de la matière première qu'est le pétrole, mais sa sur utilisation. À des fins de profits insatiables pour certain, pour la satisfaction de quelques envies aussi gloutonnes et destructrices qu'égoïstes et inutiles pour la grande masse des privilégiés.
À qui profitent ces prix élevés ? se demande-t-on plus haut. Et qui va encore payer ? Mais payer quoi si le produit pétrolier disparaît ? Et avec quoi quand ils auront asséché nos porte-monnaie aussi sûrement que leurs foutus puits ? En vérité, leur machine insensée est en train de s'enrayer grave et ils le savent.
Bien sûr que la grande crise énergétique qui s'annonce provoquera des dégâts dans toutes les couches de la population. Bien sûr qu'elle conduira à des fuites en avant suicidaires vers d'autres sources d'énergie et de gains. Mais les compagnies pétrolières peuvent toujours se jeter à corps perdus ans dans leurs forages déments. Il y a fort à parier qu'ils vont se retrouver un beau jour le nez dans la tourbe comme les chercheurs d'or délirants de la conquête de l'Ouest. Les shadoks aussi pompaient.
Car la Nature est en passe de donner un coup de poing sur la table. De prendre sa revanche à notre détriment. En nous privant d'une manne que nous avons gaspillée, elle va nous contraindre à en rabattre sur notre ambition et notre arrogance. Elle finira par réussir ce que nous avons été incapables de faire : nous raisonner et ne pas péter plus haut que nous avions le cul.
Il est très bien l'article de Pascal Riché, mais je ne partage pas son espoir final. "Avant de pouvoir crier "vive le pétrole cher", il faut s'assurer que les gouvernements s'engagent à accompagner, en y mettant les moyens, ce changement d'ère."
Allons voyons, c'est l'inverse qui est en train de se produire. Effarés devant le sable qui se dérobe sous nos pieds, nous portons à nos têtes les plus hallucinées d'entre nous. Non, c'est bien la Nature qui va avoir le dernier mot. Avec hélas les inévitables dégâts collatéraux qui en découleront. Mais aussi j'espère, le secours de ces "résistants" providentiels que les grandes crises font souvent apparaître.
Pour ma part, j'attends et espère désormais ce moment incontournable avec impatience et calme.
Source Rue89.com
Le Pèlerin