Loi de finances 2008 et problématique du pouvoir d’achat des Algériens (II)
Source La Nouvelle République
Le Pèlerin
Par ailleurs, le besoin étant historiquement daté, cela renvoie à l’urgence de revoir le panier de consommation qui préside à l’élaboration de l’indice de l’inflation totalement dépassée, déterminant pour savoir si oui ou non l’on assiste à un amenuisement du pouvoir d’achat. Ce d’autant plus que le revenu global de la comptabilité nationale et le PIB global ont une signification limitée et l’important est d’analyser la destination par couches sociales selon l’importance des strates, fonction de l’évolution de la population algérienne. Car la réduction de la pression fiscale sur les revenus faibles a une portée limitée ne concernant qu’une tranche limitée des salariés mais avec le risque d’un nivellement par le bas et privilégier les couches rentières au détriment des couches utiles.
B. Les obstacles à la réussite de la réforme globale
Il y a unanimité sur le constat de l’effritement du système national d’information d’où l’urgence de son redressement tant pour la crédibilité nationale qu’internationale de notre pays. Comme il est admis et cela s’enseigne à la première année de licence en économie, que l’amélioration du pouvoir d’achat passe par une croissance soutenue hors hydrocarbures avec un taux de 7/8% sur 10 années couplé avec une politique salariale soutenant les segments utiles pour plus de production et de productivité dans le cadre des nouvelles mutations mondiales et non rentiers conciliant efficacité économique et équité pour plus de cohésion sociale, si l’on veut combattre efficacement le chômage et la pauvreté. Cela renvoie toujours à la levée des contraintes d’environnement, à l’urgence d’une cohérence dans la démarche de la réforme globale au sein de l’espace euro-méditerranéen et arabo- africain, espace naturel de l’Algérie, cibler les créneaux à avantages comparatifs en imaginant non pas une politique industrielle globale largement dépassée, vision de l’économie administrée mais celle d’une politique de l’entreprise, dont les organisations actuelles sont en réseaux, tenant compter des mutations profondes du système mondial, basées sur la connaissance et les besoins de plus en plus personnalisés loin des organisations hiérarchiques, à l’ère du XXe siècle qui se fondaient sur la matérialité.
Car les réserves de change ne sont pas un signe de développement car dues à des facteurs exogènes. Pour preuve, on importe presque tout et les exportations hors hydrocarbures ont été moins de 2% entre 2006/2007 malgré un taux de change environ 90/100 dinars un euro et 70 dinars un dollar, montrant les rigidités structurelles et la difficulté de l’émergence de l’entreprise (et des compétences qui la fondent) seule créatrice permanente de richesses du fait des contraintes d’environnement (système financier, foncier, non adaptation de la formation, bureaucratie, corruption socialisée, en fait une gouvernance mitigée du fait qu’existe un lien dialectique entre la gouvernance globale et la gouvernance de l’entreprise. Pour preuve, l’importance de la sphère informelle, produit, de la bureaucratie centrale et locale entretenant des relations complexes de corruption, qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation, selon deux méthodes de calcul entre 600 /800 milliards de dinars du PNB avec une intermédiation financière informelle limitant la cohérence de la politique économique globale. Comme nous assistons à la dominance du cash pour plus de 80% dans les importations et la fiscalité pétrolière qui avoisine les 75% moyenne 2006/2007. Dans ce contexte, les rapports internationaux 2007/2008 concernant l’Algérie mettent en relief des dysfonctionnements importants, reflets de la panne de la réforme globale où l’économique, le politique, le social et le culturel sont intiment liés. Ainsi, le classement de World Economic Forum 2007/2008 (Davos) qui porte sur un sondage de 11 000 chefs d’entreprise dans 131 pays pour 2007/2008, l’Algérie perd 4 places par rapport à 2006/2007. L’Algérie occupe la 81e place sur 131 pays recensés, Tunisie 32e, Maroc 64e, l’Egypte 77e, la Syrie 80e et la Libye 88e.
L’Algérie a obtenu une mauvaise note notamment en matière d’efficacité du marché de la main-d’œuvre (124e place) du marché financier (127e place) du développent technologique (105e et enfin le climat des affaires (114e place) - éducation et santé 67e rang ; enseignement supérieur 94e rang, corroborant le dernier classement international de l’Université de Shanghai des meilleures universités à travers le monde où l’Algérie et classée 6995e sur 7000, soit parmi les cinq derniers dans le monde. Dans le rapport de septembre 2007 de «Doing Business», l’Algérie est classée pour le climat des affaires à la 125e position sur 178 pays contre 116e position en 2006/2007 reculant de 9 points. Dans un autre rapport ,«Trade Logistics in the Global Economy» de novembre 2007 enquête sur 150 pays sur 800 transitaires déterminant la capacité d’accéder aux marchés internationaux pour expédier les marchandises, pour l’efficacité des procédures de dédouanement et autres autorités frontalières, elle est classée 148e (le dernier étant l’Afghanistan). En ce qui concerne la logistique commerciale, rapport de la Banque mondiale de fin 2007, l’Algérie est classée 140e sur 150, devançant uniquement des pays pauvres comme le Togo, le Niger ou l’Afghanistan. Lié à cet aspect, le coût à l’export (en dollars par container) : l’Algérie 1886 dollars contre 883 pour l’OCDE, soit plus de 50% de surcoût et le coût à l’importation dollars par container est pour l’Algérie 1606 et seulement 811 dollars pour l’OCDE, soit également 50% de surcoût. En ce qui concerne le taux de chômage selon le rapport du FMI de 2007, sans le travail informel serait de 22% en 2004, 21% en 2005 et 20% en 2006, la probabilité d’être chômeur augmentant avec le niveau de qualification. En matière de corruption, liée à l’Etat de droit et à la bonne gouvernance, Transparency International dans son rapport de 2007, l’Algérie qui était classée à la 84e position en 2005/2006, régresse à la 99e position en 2006/2007.
Pour l’organisme financier de référence the Economist en matière de la maîtrise urbanistique, de services culturels ; d’hygiène et d’environnement, l’Algérie était classée à la 125e position en 2005 et régresse à la 129e positon en 2006. Et pour clôturer, récemment en termes d’ouvertures économiques selon l’Institut américain CATO, l’Algérie est classée pour 2007 à la 120e position sur 123 pays recensés et selon Héritage Fondation, classement publié en collaboration avec le journal financier de référence mondial, le Wall Street Journal, l’Algérie se classe à la 137e place sur 157 pays, l’économie algérienne étant une des économies les moins libres dans le monde avec la République du Congo, le Zimbabwe et la Birmanie. Quant à l’indice de développement humain réalisé par le PNUD, beaucoup plus fiable que le PNB par tête d’habitant incluant les aspects sociaux (éducation, santé) l’Algérie pour 2006 est classée 102e sur 17 contre 103e place en 2005.
En résumé, pour améliorer le pouvoir d’achat des Algériens durablement, il est urgent d’éviter les replâtrages et d’accélérer la réforme globale en tenant compte de la mondialisation, car le principal défi du XXIe siècle pour l’Algérie sera la promotion des libertés économiques, sociales, culturelles et politiques par la maîtrise du temps. C’est la condition sine qua non pour une croissance véritable devant passer d’une société de rente à une société reposant sur le travail et l’intelligence et ce, afin atténuer le chômage et la pauvreté.
(Suite et fin)
Docteur Abderrahmane Mebtoul, expert international