Le Château de Lavelanet
Le nom de Lavelanet, qui s’écrivait autrefois l’Avellanet, vient du roman, avelano, ou abelano (noisette), et du latin avellanetum (lieu planté de noisetiers). Les collines entourant la ville de tous côtés auraient été autrefois, bien plus qu’aujourd’hui, envahies de noisetiers, et la cité aurait emprunté son nom à cet arbuste. Les armes de la ville confirment cette étymologieo : un noisetier arraché, en chef une croix ; les couleurs non indiquées. De plus, le sceau des anciens consuls portait dans le champ une croix surmontée d’un noisetier, et pour devise : apud Avelanetas rector ecce.
Le caractère romain des substructions des deux énormes tours de l’antique château féodal, semble devoir conférer à Lavelanet une origine très ancienne, et on peut avancer qu’une bourgade existait en ce lieu avant la conquête romaine puisque les Romains jugèrent opportun de construire des fortifications dans le défilé du Touyre. D’autre part, le nom de Castelsarrasin donné à l’antique château et qui s’est perpétué jusqu’à nos jours, rappelle sans conteste le séjour des Maures dans ce lieu, et il est fort probable que ces terribles envahisseurs se retranchèrent longuement derrière les murailles de ce castel auquel la tradition populaire a conservé ce qualificatif bien évocateur.
Cependant, le fait authentique le Plus anciennement connu qui se rapporte à la localité est la prise de ce même château, en 1212, lors de la guerre des Albigeois. L’historien Pierre de Vaux Sernay (ou Cernay) rapporte dans son histoire des Albigeois : « ... Guy de Montfort (frère de Simon), l’archevêque de Rhems, Robert élu évêque de Laon, Guillaume, archidiacre de Paris, et Enguerrand de Boua, a qui le chef des croisés avait donné une partie du comté de Foix. Ils s’arrêtèrent sous les murs d’un château nommé Avelanet. Ils le prirent bientôt d’assaut et en passèrent les habitants au fil de l’épée. A la nouvelle de ce sac, les habitants des châteaux voisins brûlèrent leurs propres habitations et cherchèrent un abri dans la fuite... »
Quelques siècles plus tard, Lavelanet devait subir encore les horreurs des guerres de religion : « ... Sera mémoire comme le vingt-neufviesme jour d’août 1622, Le Peyrat, La Bastide et Lavelanet furent bruslés par l’armée conduite par Mgr le comte de Carmaing, qui tuèrent tout autant d’habitants! Qu’ils en purent attraper. Et furent pendus ou passés par les armes, dix catholiques ou huguenots à cause de leur rébellion.... Signé Brustier. » (Archives du Peyrat).
On a situé à tort l’antique château dit de Castelsarrasin sur la colline du Plantaurel, à 663 m d’altitude, au nord-est du centre de la ville. On ne remarque, en ce lieu, que les restes d’une construction fort modeste mesurant 5 m de long sur 3 m de large, avec les traces d’une muraille un peu plus développée face au midi. Ces vestiges, que nous avons naguère bien examinés, ne peuvent indiquer l’emplacement d’une forteresse, mais plutôt celui de quelque ancienne tour de guet ou de signalisation qui dépendait du château et qui devait se mettre en liaison avec lui ou avec d’autres forteresses voisines.
Le véritable château avait été construit au pied de cette même colline, à l’endroit où le Touyre forme une gorge assez étroite. On remarque encore aujourd’hui, à cet endroit, des vestiges très apparents de ces anciennes fortifications qui, comme la plupart des autres châteaux forts, furent édifiées au début du Moyen Age, vers les IX ème ou X ème siècles. La forteresse qui avait été occupée antérieurement par les Sarrasins devait, vraisemblablement subsister depuis les Romains.
L’enceinte du château du Moyen Age était défendue, à l’angle nord-est, par le donjon enchassé dans le roc, ce donjon était relié, vers le nord, au moyen d’une courtine soudée à deux petites tourelles, dont on aperçoit encore des substructions à I angle nord-est. Le tout était bâti sur les rochers à-pic surplombant, à 20 m de hauteur, la gorge du Touyre. Les deux tours étaient séparées par un fossé de 5 m de large, taillé dans le roc. La porte principale, que Ton voit encore, était défendue par une barbacane située à quelques mètres des tours.
A l’est, la forteresse était défendue par d’immenses remparts de 2 m d’épaisseur qui dressent encore des ruines imposantes à une dizaine de mètres de hauteur. Ces remparts étaient crénelés et un chemin de ronde courait le long des merlons percés d’archères. De plus, un fossé de près de 5 m, de large, creusé au pied des remparts, augmentait encore d’une façon notable les moyens de défense de ce côté.
Au midi la défense était assurée par un mur rempant, muni de parapets. Une tour en bois garnie de hourds s’élevait à l’angle sud-est; la charpente du sommet en était disposée en encorbellement pour en battre le pied.
A l’angle sud-ouest une tour carrée, qui subsiste encore, aux murs de près de 2 m d’épaisseur, abritait l’église primitive et. fut convertie en clocher vers l’an 1538. M. de Cauma, architecte diocésain de l’époque, avait fait surmonter cette construction d’un dôme supportant une tour octogonale percer de huit grandes ouvertures romanes; cette construction, menaçant ruine, fut démolie vers la fin du XIX ème siècle.
A l’ouest les remparts, surmontés de créneaux et d’un chemin de ronde, reliaient la tour du clocher à la poivrière du mur septentrional. Ici les remparts avaient 8 m de hauteur et étaient. protégés par un fossé de 5 m de large et 1 m 50 de profondeur ; ce fossé était alimenté par une dérivation du Rieutort, ou ruisseau de, Massabrac (de Bénaix).
La barbacane était munie d’un pont-levis et d’une poterne. K ntre elle et la poivrière, dans la courtine, avait été aménagé le four banal qui existe encore dans son état primitif, en face de l’église.
Dans le « Cartulaire de Mirepoix », dressé par F. Pasquier, nous relevons les renseignements suivants : Anne de Lévis, fille de Jean de Lévis IV, épousa le 10 décembre 1487, au château de La garde, Galaubie de Panassac d’Espagne. Elle reçut en dot 4 000 livres et les habits nuptiaux, après renonciation, de sa part, à tous ses droits sur les biens paternels et maternels. A l’instigation de son mari, elle réclama un supplément de légitime à ses frères : Jean de Lévis V, seigneur de Mirepoix, sénéchal de Carcassonne, et Philippe, évêque de Mirepoix. Sur le refus des deux frères, l’affaire fut portée devant le Parlement de Toulouse, et Anne de Levis, dame de Panassac, présenta à ce Parlement un mémoire donnant le relevé de tout ce que le frère aîné possédait en fiefs, immeubles, château et rentes diverses.
Dans ce mémoire, présenté en 1510, le château de Lavelanet est mentionné comme défensable et d’une valeur d’au moins vingt mille livres tournois. Le mot défensable, qui n’est usité aujourd’hui que pour indiquer qu’une forêt peut être livrée au pacage des animaux, s’employait autrefois pour un château qui était en état de se défendre lui-même, donc encore debout.
Par sa position idéale dans cette gorge étroite, à la frontière des comtés de Foix et de Raziès, cette forteresse surveillait admirablement l’ancien pays d’Olmes dont elle occupait à peu près le centre. Par l’intermédiaire de la tour d’observation bâtie sur la colline, elle guettait l’ennemi dans la vallée du Touyre, en amont et en aval, dans la vallée de l’Hers à l’est, par la trouée
de Saint-Jean-d’Aiguës-Vives, et dans la vallée du Douctoure à l’ouest. Elle se mettait en liaison avec les châteaux de Villeneuve-d’Olmes, de Montferrier, lesquels retransmettaient les signaux à des forteresses plus éloignées : Puyvert au levant, Roquefixade au couchant, etc...
Une partie des substructions du château féodal serevit de base à un manoir de la Renaissance qui fut au XVII ème siecle, la demeure d’une branche cadette de la famille de Lévis, la branche de Lomagne. Au moment de la Révolution de 1789, ce manoir appartenait aux frères Jean Baptiste Honoré et Paul Marie Raimond, qui se réfugièrent à Marseille. Cette construction devint ensuite la propriété de la famille Caussou, et le manoir abrita pendant de nombreuses années de riches collections paléontologiques et préhistoriques qu’avait amassées le félibre Arthur Caussou, ainsi qu’une bibliothèque contenant quelques livres rares.
L’une des salles de ce manoir avait conservé une cheminée monumentale de style roman, ornée d’une hotte sur laquelle était sculptée le blason de Beranger d’Avelanet portant, à la pointe de l’écu, la date 1204; cette hotte semblait provenir de l’antique château féodal.
Source : l’Ariège et ses Châteaux féodaux (éditions Résonances)
Le Pèlerin