Réformes en Algérie (2006/2008)
Quel bilan ? (I)
«Rien n’est plus trompeur que l’évidence»
Il existe un divorce entre la propension du gouvernement à afficher un bilan positif de l’investissement et d’amélioration du niveau de vie des Algériens et les derniers rapports 2006/2008 des institutions et des organismes internationaux qui dressent un bilan très mitigé.
1.- Le gouvernement : un bilan positif
Pour le conseil du gouvernement, en date du 22 janvier 2008, il est annoncé 9374 milliards le PIB pour fin 2007 ( le triple par rapport à 1999) dont 4140 pour les hydrocarbures (plus de 40% du PIB), soit 135 milliards de dollars US donnant 3 968 dollars par tête d’habitant contre 3 478 en 2006, avec un taux de croissance global 2007 de 3,1%(contre 5,5% prévu) et le produit intérieur par tête d’habitant serait passé de 3 487 , en 2006, et à 3 713 dollars, en 2007, et prévu à 4 136, en 2008. Le gouvernement dans la loi de finances 2008 table sur un taux de croissance de 5,8% global et 6,8% hors hydrocarbures, dynamisé essentiellement par le BPPH et certains segments des services via les hydrocarbures. Et ce, grâce au programme de soutien à la relance économique qui a été de 7 milliards de dollars US, entre 1999/2003, et qui est passé de 55 au début de 2004, à 100 fin 2005, 140 fin 2006 et à 180 milliards de dollars fin 2007 (déclaration du chef du gouvernement le 23 novembre 2007 reproduit par l’officielle APS). Les importations pour 2007 ont été de 27 milliards de dollars US en CAF et les exportations 60 milliards de dollars, encore qu’il faille ne pas analyser uniquement la balance commerciale mais la balance de paiement qui tient compte des mouvements de capitaux. Car, des exportations de plus de 58 milliards de dollars d’hydrocarbures doivent prendre en compte les transferts de capitaux des associés de Sonatrach et, également, le coût de l’assistance technique, de l’importation des biens et services et du coût réel de ce secteur pour avoir le solde final net restant à l’Algérie.
Quant à la dette extérieure, elle serait inférieure à 4 milliards de dollars soit 3% du PIB contre 4%, en 2006, et 16% fin 2005, et plus de 50% en 1999; des réserves de change de plus de 40 mois d’importations contre 4,6 en 1999. L’Algérie aurait plus de 100 milliards de dollars de réserves de changes, fin 2007, dont, selon la déclaration du gouverneur de la Banque d’Algérie, en octobre 2007 (repris par l’APS), plus de 43 milliards de dollars placés en bons de Trésor américain et plus de 10 dans des banques internationales cotées appelées AAA. Des investissements en intention de 20 milliards de dollars étaient attendus, en 2007 (revu à la baisse fin 2007). L’indice de pauvreté serait en baisse de 54%, avec un Smig fixé à 120 euros, et tenant compte du rythme d’accroissement de la population active, fin 2007, estimée à 10, 51 millions avec un taux de croissance, depuis 1999, de 2,5% contre 4,2% entre 1990/2000, le taux de chômage serait de 12,3% en 2006 et 11,8% fin 2007, contre 27,3% en 2001. Dans ce contexte, les différentes lois de finances 2000/2007 dont celle de 2008 tablent sur le cours d’un baril de 19 dollars US bien que le prix du brent moyen est passé de moins 30 dollars, en 200/2001 à 65,4, fin 2006, à une moyenne de 75 dollars fin 2007. Pour les prévisions 2008, cela donne 35% de déficit budgétaire. Mais si l’on prend un cours moyen de 70 dollars le baril, le déficit est ramené à 3% du PIB et en excédent pour 75 dollars. La raison invoquée est une plus grande rigueur budgétaire, stériliser les liquidités au niveau de la Banque d’Algérie afin d’éviter toute dérive inflationniste, de dynamiser le fonds de régulation qui s’est établi à 3 000 milliards de dollars, fin 2006, 3 215 milliards de dollars fin 2007. La dette publique est passée de 1 780 milliards de dinars fin 2006 à 1 050 fin 2008 (15% du PIB contre 32,6% fin 1999) et les dépenses publiques de 62% du PIB, fin 2007, contre 34% fin 1999. Par ailleurs, il a été consacré pour 2008, 150 milliards pour l’assainissement des déficits des APC et plus de 40 milliards de dollars, entre 1971/2007, ( et encore 4 milliards de dollars dans la loi de finances 2008) aux entreprises publiques. Le gouvernement estime que l’inflation a été de 1,6%, en 2005, 3% en 2006, 3,5% en 2007, dont seulement 3,3% pour les biens de consommation et serait de 3%, en 2008, (pour l’officiel selon des raisons essentiellement externes dues à l’envolée des prix comme le blé, la farine sur le marché international). Ainsi, le gouvernement pour préserver le pouvoir d’achat, tout en préservant la stabilisation macro-économique, a prévu 166 milliards de dinars pour la nouvelle augmentation des salaires de la fonction publique (1,6 milliard d’euros), des subventions estimées globalement, entre 280/ 300 milliards de dinars (2007/2008), dont 163 milliards de dinars pour la farine, la semoule et le lait et une somme colossale de plus de 10% du PIB au titre de la solidarité nationale. Toutefois, le gouvernement reconnaît les faiblesses structurelles de l’économie algérienne reflétée par des taux de croissance inférieurs entre 2006/2007 par rapport à 2004/2005 déjà faible, en termes réels, le faible niveau des exportations hors hydrocarbures (2% entre 2006/2007, une production hydrocarbures de plus de 40% dans le PIB et plus de 70% des recettes fiscales, un divorce entre le taux d’épargne public et le taux d’investissement d’environ 30% du PIB). Il promet de dynamiser l’investissement à l’avenir. Ainsi, il est prévu la simplification des procédures fiscales, la baisse de IBS de 30 à 25%, de nouveaux modes de financement dont le crédit bail, des réformes du foncier et du système financier (rappelons que les créances douteuses publiques et privées, les banques malades de leurs clients ont nécessité plus de 5 milliards de dollars ces dernières années pour leur assainissement). Le gouvernement reconnaît, également, que ces résultats sont insuffisants notamment en matière de politique d’investissement créateur de valeur ajoutée, d’emplois utiles malgré tous les avantages de l’ANSEJ ( emplois des jeunes ), de l’ANDI (organe chargé de promouvoir l’investissement).
2.-Les organismes internationaux : l’Algérie peut mieux faire
Pour ces organismes, il y a effritement du système algérien d’information et les données officielles ne sont pas crédibles selon les tests de cohérence et les comparaisons avec des pays similaires et le FMI l’a fait savoir au gouvernement algérien dans un mémorandum adressé courant 2005 sur l’effritement du système d’information algérien rappelant que le développement n’est pas une question seulement de textes juridiques et d’argent mais de cohérence, de visibilité dans la démarche impliquant une moralité des institutions et une meilleure gestion. Dans ce contexte, pour 2006/2002, concernant l’Algérie, excepté la stabilité macroéconomique ( classement 2e dans le rapport de Davos 2007/2008), et les réserves de changes qui expliquent la bonne notation récente de la Coface (janvier 2008) existent des dysfonctionnements importants reflets de la faiblesse de la réforme globale expliquant la stagflation,(croissance faible combinée avec un retour de l’inflation, en 2007, et certainement pour 2008). Les rapports de la Banque mondiale durant, le second semestre 2007, consacrent l’examen de deux dossiers fondamentaux pour l‘Algérie, à savoir le Fonds de régulation et le plan de soutien à la relance économique. Concernant le Fonds de régulation, il n’est pas un fonds pour les générations futures, comme en Norvège, mais un fonds de stabilisation de l’économie pour prévenir les retours conjoncturels du cours du brent. D’où l’importance d’une vision à long terme afin de déterminer la part des recettes que l’Etat doit épargner, chaque année, pour maintenir la richesse par habitant provenant des hydrocarbures. Aussi, la modification des règles de gestion du Fonds de régulation des recettes (FRR) requiert l’adoption d’un cadre à long terme permettant de décider chaque année du niveau approprié des dépenses à effectuer à partir des recettes des hydrocarbures. La Banque mondiale préconise la transformation de ce fonds en un compte épargne/financement totalement intégré au budget afin d’éviter les obstacles au financement des niveaux viables des dépenses publiques. Concernant le bilan du plan de soutien à la relance économique, le rapport souligne l’importance du programme de soutien à la relance économique, le constat est que chaque projet a fait l’objet de six (6) réévaluations en moyenne avec des retards de 6,5 ans. La Banque mondiale doute que ce programme, qui n’a pas de cohérence mais serait une compilation de projets avec des affectations budgétaires spécifiques sans objectifs précis sur les impacts économiques et sociaux puisse pérenniser la croissance, de promouvoir un développement fiable à moyen et long termes, avec le risque d’un gaspillage croissant, faute d’une bonne gouvernance et d’un secteur privé algérien concurrentiel dont l’émergence est freinée par de multiples contraintes d’environnement (bureaucratie), système socio-éducatif et financier inadaptés, l’inexistence d’un marché du foncier). Ces analyses se reflètent dans le rapport de 2008 de la Fondation Héritage en collaboration avec le journal financier de référence mondial le Wall Street Journal sur les libertés économiques où l’Algérie a été classée, en 2008, 102e contre 137e sur 157 pays, en 2007, l’économie algérienne, (amélioration de 0,6% de l’indice global), étant une des économies les moins libres avec la République du Congo, le Zimbabwe et la Birmanie. Pour le classement de World Economic Forum 2007/2008 (Davos), regroupant la majorité des milieux économiques et financiers mondiaux, sur 131 pays, l’Algérie perd 4 places par rapport à 2006/2007, occupant la place 81e. L’Algérie a obtenu des mauvaises notes en matière d’efficacité du marché de la main dœuvre( 124e place) ; du développement technologique (105e -école primaire et santé, 67e rang ; enseignement supérieur 94e rang corroborant le dernier classement international de l’Université de Shanghai des meilleures universités, à travers le monde, où l’Algérie est classée 6995e sur 7000.
(A suivre)
Source la Nouvelle République
Le Pèlerin