L’identité c'est la culture: littérature, art
Portrait de Mohamed Dib.
Lecture de Jean Pélégri.
C'est justement Mohamed Dib qu'il faut citer pour donner sens à l'œuvre et à sa réception: «Or Jean nous fait nous confesser et il est le seul écrivain algérien à avoir été capable de le faire, et c'est ce qui fait tout le prix de son œuvre, à nos yeux» (Dib ne parle pas là de confession au sens chrétien du terme, mais d'une venue de mots que l'on ne sait pas toujours trouver pour dire certaines réalités profondes de ses souffrances, là où elles rejoignent l'universel).
«La discrétion dont les critiques ont obstinément et désobligeamment fait preuve à l'endroit des écrits de Jean Pélégri, à mon sens, s'explique ainsi: ils ont eu affaire à quelque chose qu'ils ne connaissaient ni ne comprenaient, et cette chose qu'ils ne connaissaient pas et persistent à ne vouloir ni connaître ni comprendre, s'appelle l'Algérie. Que fait alors un critique en pareil cas ? Il passe à autre chose qui serait... à sa portée.»
Mohamed Dib, préface du livre de Dominique Le Boucher, Jean Pélégri, l'Algérien ou Le Scribe du Caillou (éd. Marsa, Alger, 2000).
Le passage précédent contient l'essentiel de ce que ce petit volume voudrait donner comme message. En écho, on pense à ce que confiait Camus quand il revenait à Alger après un séjour à Paris, d'après des témoignages publiés dans des revues associatives culturelles: il « sentait» que les difficultés de communication avec certains intellectuels français étaient liées à son identité algérienne («Celui qui les gêne en moi, c'est l'Algérien », disait-il à peu près, et il l'écrira dans Le Premier homme). On continuera la réflexion, en fonction des témoignages qui vont dans la même direction, pour parler de vécus moins prestigieux: ceux qui revendiquent leur algérianité se sentent plus facilement reconnus ainsi par des Algériens que par les Français de France. Donc Jean Pélégri, par exemple, par son œuvre, et son identité affirmée et reconnue, Pied-Noir à l'algérianité revendiquée et portée par l'écriture (ou portant l'écriture). Jean Pélégri dérange une certaine vision des critiques et des intellectuels, il casse le confort, il ne rentre pas dans le portrait du Pied-Noir mental qui sert de référence obligée à une certaine bonne conscience. Et, en plus, il aime les siens, il ne trahit jamais sa communauté : il ne se présente pas comme un Pied-Noir singulier (même s'il l'est par son génie et par sa particulière lucidité de toujours), il revendique son appartenance autant que son exigence de vérité et son amour de l'Algérie de toujours et de maintenant. Être Pied-Noir ce serait, pour certains qui ne le sont pas, se conforter à une image grossière qui ne correspond, pour Pélégri, Diaz, et les autres, à rien de « vrai ». Et sur ce point, les témoins «ordinaires» insistent souvent: sentiment d'une identité volée, interdite, d'une injonction mortifère (Soyez vous ! Ne soyez pas Pied-Noir !). Comme si on ne supportait pas d'aller au-delà de l'écran... «S'il faut en plus se prendre la tête, où on va ! », écrit encore Mohamed Dib dans cette même préface, toujours au sujet des critiques et de leur « discrétion » à l'égard de l'œuvre de Jean Pélégri.
Au-delà de cette œuvre, on trouvera, parcours ici, bibliographie plus loin, quelques pistes pour « lire » les Pieds-Noirs (par leurs livres ou ceux des autres) et, ainsi, prendre conscience de la richesse culturelle immense d'un groupe humain, qui, plus qu'une communauté seulement (mais aussi), est un peuple, car il en est sans territoire effectif (même s'il y a territoire symbolique, affectif, lieu possible). Traverser les frontières et le temps, mesurer influences et partages
Parcours de lecture
Ton pays,
C'est toutes parts où des hommes.
Mon pays ?
Toutes parts où des soleils.
Gabriel Audisio
Nota : Ce texte tiré de l’œuvre ci-dessus indiquée est diffusé à des fins de vulgarisation de la culture Pied-Noir.
Que les auteurs en soient remerciés.
Votre serviteur un Pied-Noir d’Hussein-Dey se retrouve dans les propos de ce document.
Le Pèlerin