Multimédias – France - Loi sur le piratage : répression à tous les étages
Messages d’avertissement, coupures pour six mois ou un an, amendes pour les opérateurs qui ne collaborent pas : le projet de loi contre le piratage se précise. Les acteurs du web en appellent au gouvernement.
Le gouvernement prépare un nouvel arsenal contre le piratageLe projet de loi sur le piratage révèle sa vraie nature. Examiné par le Conseil d’Etat avant d’être défendu par le gouvernement devant l’Assemblée, le texte circule désormais sur internet et créé la polémique. En cause, son caractère particulièrement répressif. Alors que le développement de plates-formes sans DRM et la révision de la chronologie des médias sont expédiés en quelques lignes, la majeure partie du document de 25 pages est en effet consacrée à la batterie de mesures censées convaincre les Français de ne plus télécharger illégalement.
Pour faire bonne figure, les auteurs du projet jouent toutefois sur les mots. Les messages d’avertissement, envoyés aux pirates par la nouvelle Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'internet, sont ainsi qualifiés de « recommandations ». Recommandations qu’il sera particulièrement judicieux de suivre. Car en cas de récidive, l’autorité pourra décider d’une coupure de l’abonnement de six mois à un an, que les fournisseurs d’accès devront entériner sous peine d’amende de 5000 euros. Une perte plus courte pourra être aménagée si le fautif reconnaît les faits. Privé d’internet, il devra en tout cas continuer à payer son abonnement, sera fiché et ne pourra pas souscrire à une autre offre. En revanche, le téléphone et la télévision, en « triple play », seront préservés.
Pour les acteurs de l’internet, c’est déjà trop. « Bannir, même temporairement, des internautes de la société de l'information, ce n'est pas seulement les empêcher de télécharger des contenus illicites, c'est aussi et surtout leur interdire toute utilisation d'un vecteur de communication et d'expression devenu indispensable », estime l’Association des services internet communautaires (ASIC), dans un courrier envoyé au gouvernement dont le site PCInpact a fait état. L’association, qui réunit des groupes comme Google, Dailymotion, Yahoo et Microsoft, juge cette sanction « disproportionnée » et rappelle que le mécanisme de la « réponse graduée » a été condamné par le Parlement européen. Le 10 avril, les eurodéputés ont en effet adopté un amendement, déposé par les socialistes Michel Rocard et Guy Bono, appelant à éviter de couper l'abonnement des internautes.
Une obligation de surveillance
En amont, la procédure de détection du piratage est aussi mise en cause. « L’ensemble de ce dispositif ne repose pas sur le délit de contrefaçon mais sur une obligation de surveillance », détaille le projet de loi dans son introduction. Concrètement, c’est à chacun de s’assurer que son accès n’est pas utilisé pour du piratage. Aux familles d’assumer la prévention. Seule issue pour éviter la coupure, l’installation sur son poste d’outils de « sécurisation efficaces », c’est-à-dire de filtrage, qui pourront être proposés par le FAI. « Reste à démontrer que de tels dispositifs de filtrage "efficaces" existent comme le prétend la loi, à expliquer comment prouver qu'ils étaient installés [et] ont été contournés », dénonce cette fois la Quadrature du Net, qui se présente comme « un collectif de citoyens français qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés publiques ».
Le débat parlementaire s’annonce donc houleux. La semaine dernière, les producteurs de disques avaient appelé le gouvernement à accélérer l’adoption de la loi. « Il ne serait pas acceptable, vu les engagements du Président de la République, que le texte passe en première lecture à l'automne », déclarait le directeur général du Snep, Hervé Rony. « Il faut des dizaines de milliers de messages pour que les gens aient le sentiment que les choses changent », espérait-il alors, en marge de la publication des chiffres du secteur, toujours en net déclin. « La baisse est plus forte que ce qu'on craignait et on ne sait pas où elle s'arrêtera », commentait alors Hervé Rony.
Source JDN
Le Pèlerin