Kouchner a plaidé pour l'Union pour la Méditerranée : Alger se donne encore le temps
Discussions «très prometteuses», visite «fructueuse mais tout n'est pas réglé». C'est ainsi que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a qualifié ses discussions avec le président Abdelaziz Bouteflika au sujet du projet d'Union pour la Méditerranée.
«Nous avons eu l'occasion d'éclairer un certain nombre de directions qui, à mon avis, du point de vue de la France, sont très prometteuses et j'espère que le président Bouteflika partage mon sentiment», a dit M. Kouchner à l'issue d'un entretien suivi d'un déjeuner avec le président algérien.
Quelques propos flatteurs aussi en direction de l'Algérie, «pays clé dans le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM)» et aussi «nos relations avec le Maghreb commencent par l'Algérie». Concernant les postes au sein de l'UPM, déjà distribués selon des informations publiées dans la presse, le ministre français a assuré que «rien n'a été décidé concernant la présidence et le secrétariat de l'UPM».
Qu'attend-il de l'Algérie ? «Sa participation mais aussi sa contribution effective pour la concrétisation de ce projet». Une manière de dire qu'il ne s'agit pas d'un projet entièrement concocté à Paris ou en Europe, où le rôle des pays de la rive sud de la Méditerranée se limite à celui de spectateurs. «L'UPM n'est pas une action venue du Nord à titre humanitaire, mais une initiative commune qui fera l'objet de concertation» entre les deux pays des deux rives de la Méditerranée. «Nous sommes en pleine discussion pour que le projet de l'UPM soit réalisé avec l'Algérie et aussi avec les autres partenaires», a-t-il indiqué. La déclaration sur l'UPM, qui doit être proclamée à Paris, «est encore à l'état de brouillon et nous n'en publierons rien avant que l'Algérie et d'autres pays n'aient apporté leurs propositions». «L'Algérie est un pays clé» pour l'UPM, a-t-il indiqué, en précisant que les invitations pour le sommet des candidats à l'UPM, prévu le 13 juillet à Paris, n'avaient pas encore été envoyées. Beaucoup d'insistance en somme sur un projet qui a donné l'impression de n'être débattu qu'en Europe.
« Valeur ajoutée »
Côté algérien, pas de rejet de principe, mais aucune annonce définitive. C'est un projet «qui mérite notre attention», dans la mesure où «il est porteur de la valeur ajoutée et a pour objectif d'initier une coopération multilatérale entre les deux rives de la Méditerranée», a indiqué Mourad Medelci dans un langage d'économiste. «C'est un projet qui devrait être là pour assurer la coordination des projets promis à la réalisation dans les meilleures conditions possibles».
Le décryptage en paraît presque aisé: Alger se donne encore le temps. Le 13 juillet 2008 reste relativement loin et il n'est pas urgent de se prononcer. La situation dans les territoires occupés et notamment à Gaza est déjà critique et rien n'indique qu'elle ne sera pas dramatique au moment de la tenue de ce sommet où Israël sera présent. Ainsi, sans dire non, l'Algérie pourrait s'abstenir ou du moins réduire son niveau de représentation au sommet de Paris en cas d'aggravation de la situation à Gaza. Sans être plus palestiniens que les Palestiniens, l'Algérie n'est pas dans la posture des Etats arabes qui entretiennent des relations avec Israël. Selon M. Bernard Kouchner, le président Bouteflika a «non seulement posé des questions mais a apporté des réponses aux questions et aux problèmes qui se posent entre» l'Algérie et la France. Aucune indication sur la nature des questions et des réponses à propos de problèmes qui «ne sont pas tous le fruit de notre histoire commune mais ils sont également le fruit des temps nouveaux, du temps du développement de l'UPM et de la place de l'Algérie et de la rive sud» de la Méditerranée.
On aura cependant l'affirmation de Bernard Kouchner que le projet d'Union pour la Méditerranée « doit être différent et sera différent de ce que l'on a appelé le processus de Barcelone». Le propos paraît renvoyer un débat européen qui semblait avoir été tranché. L'on se souvient que la dénomination d'Union pour la Méditerranée est intervenue après de laborieuses discussions franco-allemandes. Les Allemands ont signifié depuis que l'Union pour la Méditerranée ne devait pas être autre chose qu'une redynamisation du processus de Barcelone. Le processus euroméditerranéen de Barcelone a été lancé en 1995 et il s'est étiolé notamment en raison du conflit du Moyen-Orient. S'agit-il pour Bernard Kouchner de différencier l'UPM du processus euroméditerranéen pour en conjurer l'échec et signifier que la question du Proche-Orient ne doit pas interférer ? Mais dans ce cas, en déchargeant l'UPM de toute ambition politique, elle devient une démarche économique fondée sur la réalisation de projets concrets. C'est sans doute plus réaliste, mais c'est assurément loin des ambitions initiales.
Source le Quotidien d’Oran
Le Pèlerin
amirouche 03/06/2008 16:06
Le Pèlerin 03/06/2008 16:25