Société - Que reste-t-il de mai 68 ?
40 ans après, que reste-t-il de Mai 68 pour ceux qui l'ont vécu ? Les événements ont-ils bouleversé leur vie, modifié leurs valeurs ? Toutes les réponses de l'enquête de SPlanet et OpinionWay auprès des 15-25 ans de l'époque...
1. D'accord avec le mouvement à 63 %
Trois des personnes interrogées sur quatre durant l'enquête se sont, à l’époque, sentis concernés par les événements : 63 % se définissent comme étant à l’époque "sympathisants" du mouvement contre 12 % d’"opposants".
A une grande majorité cependant, les personnes interrogées étaient spectatrices des événements, puisque seuls 31 % disent s’être alors activement engagé, d’une façon ou d’une autre (27 % de sympathisants et 4% d’opposants).
Détail significatif : parmi les électeurs de droite d’aujourd’hui, 39 % étaient dans le camp des sympathisants de l’époque contre 87% des électeurs de gauche ! Plus précisément, parmi les électeurs du premier tour des dernières présidentielles, le taux de sympathisants passe de 88 % chez Ségolène Royal à 65 % chez François Bayrou et 47 % chez Nicolas Sarkozy.
2. Mai 68 a changé la vie de deux tiers d'entre vous
La génération des 15-25 ans de l'époque, sur laquelle portait l'enquête SPlanet-Opinion Way, a incontestablement été marquée par Mai 68. Au-delà des faits (les manifestations, les affrontements, les barricades), beaucoup en gardent encore le souvenir nostalgique d’un moment important d’espoirs, de rêves d’une société meilleure. Le tout dans une grande exaltation, la fête, la transgression des interdits. Avec toutefois un goût d’inachevé, de désillusion, voire de manipulation pour certains...
Mais le souvenir est aussi, pour beaucoup, celui de la "chienlit", du désordre incontrôlable, des restrictions d’essence ou de produits alimentaires, des peurs de l’inconnu et de la guerre civile.
Deux tiers de cette génération estiment que cette période a influencé leur vie ou leurs idées (65 %) : 20 % n’hésitent pas à parler d’une profonde influence, plus particulièrement chez ceux qui furent sympathisants actifs à l’époque (46 %) et les électeurs de gauche d’aujourd’hui (35 %).
Moins prévisible : 70 % des hommes estiment avoir été influencés, contre seulement 60 % des femmes, mais également 70 % des CSP+ contre 54 % seulement des catégories modestes.
Mai 68 : le triomphe de l'individualisme
Mai 68 semble avoir fait triompher l’individualisme sur le collectif si l’on en croit le fait que les personnes interrogées se disent beaucoup plus sensible que leurs parents aux valeurs de l’épanouissement personnel (70 %), aux libertés individuelles (62 %), ou au respect de la tolérance (54%).
A l’inverse, 71 % estiment attacher moins d’importance à la religion.
Mais cette génération des 15-25 ans de l'époque constate également que toutes les valeurs seraient en recul chez leurs enfants, et plus particulièrement la responsabilité, le travail et l’autorité.
4. Faut-il un nouveau Mai 68 ?
Seule une minorité de la génération la plus concernée à l’époque pense qu’il faudrait un nouveau Mai 68 pour changer profondément la société française (38 %). Un clivage profond apparaît sur cette question entre les électeurs de gauche (64 %) et les électeurs de droite (11 %).
Parmi les protestataires actifs de Mai 68, ils restent 63 % à souhaiter une répétition de l’Histoire.
La minorité qui souhaiterait un autre Mai 68 évoque plus particulièrement la nécessité de changer les mentalités pour replacer les libertés, la solidarité et l’individu au centre des préoccupations, afin de contrer l’emprise croissante de l’économie et de l’argent.
A l’inverse, les principales raisons données pour rejeter cette éventualité sont, au-delà des doutes sur le bilan du mouvement, le fait que les mentalités et le contexte ont changé. La mondialisation est perçue comme un facteur incontournable qui rendrait impossible une solution nationale. Le principe de la confrontation violente est rejeté, la réforme apparaît préférable à la révolution.
5. Qu'est-ce qui doit changer dans la société ?
A défaut de révolution, les personnes interrogées par SPlanet et OpinionWay restent en attente d’évolutions. Elles ont établi une hiérarchie précise des priorités de progression pour la société française.
Au premier rang, un thème déjà au centre des événements de Mai 68 : l’éducation (87%), devant un thème embryonnaire à l’époque : l’environnement (76 %). Viennent ensuite deux thèmes majeurs de l’époque : l’égalité hommes/femmes (59 % en global et 67 % pour les femmes) et la répartition des richesses (58 %).
Résultat, sans doute, d’une évolution positive de la situation, ils sont à peine plus de la moitié à placer la défense de la démocratie, la liberté d’opinion, la place du travail dans l’existence parmi ce qui doit évoluer en priorité dans la société française.
Enfin, altruisme ou réel épanouissement, ils ne sont que 48 % à vouloir faire évoluer en priorité la place des plus de 50 ans dans la société...
6. Pourquoi descendriez-vous dans la rue aujourd'hui ?
La génération des 15-25 ans de Mai 68 reste prête à s’engager, mais de façon très variable selon les thèmes et les profils.
Les sujets qui pourraient les faire descendre dans la rue sont, dans l’ordre : les droits de l’Homme, la protection de la démocratie, le pouvoir d’achat, la paix dans le monde, la protection de l’environnement et la sauvegarde de l’emploi. A l’inverse, la liberté sexuelle est considérée comme un acquis et ne mobiliserait plus cette génération.
Globalement, les électeurs de gauche sont nettement plus enclins à la manifestation de rue que ceux de droite, l’écart étant le plus marqué sur le thème de la défense des droits des salariés (54 % contre 12 %).
Indicateur possible d’une amélioration de la condition féminine, les femmes de cette génération placent la non discrimination seulement au 10e rang de leur hiérarchie, avec seulement 30 % prêtent à manifester sur le thème.
Enfin, alors que les plus aisés placent la protection de la démocratie au premier rang de leurs mobilisations, celle-ci n’occupe qu’une modeste 11e place pour les plus modestes, tandis que la lutte contre la faim dans le monde est chez eux beaucoup plus mobilisatrice (41 % contre 28 % chez les plus aisés).
7. La base de l'enquête
Cette étude en ligne a été réalisée par OpinionWay auprès de son panel seniors.
612 personnes de 55 à 65 ans ont été interrogés du 30 avril au 02 mai 2008. Echantillon représentatif, redressé sur le sexe, l’âge, l’activité et la région.
Source : Seniorplanet
Le Pèlerin