Le Canal du midi ou la magie du temps retrouvé
Le sol se dérobe sous les pieds. Lentement. Comme dans un disque 45 tours ramené à 33 ou un film au ralenti. La surface de l'eau se plisse à l'impact de l'étrave. Il fait chaud et le soleil coule à travers le feuillage dense des platanes qui fait un tunnel au dessus du ciel. Affalée dans des fauteuils sur le pont de la vieille péniche en bois qui fait du sur place, la cinquantaine de touristes est plongée dans une rêverie absolue, confondue dans le ronflement du moteur. Attitude quasi hiératique, en parfaite adéquation avec la nouvelle vocation du canal du Midi, classé en 1996 au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco. On est loin de l'agitation qui régnait autrefois de part et d'autre du chef d'oeuvre construit sur une courte période de 14 ans, de 1667 à 1681, par Pierre Paul Riquet, gentilhomme originaire de Béziers, fermier général du Languedoc, qui engloutit toute sa fortune dans des travaux somptuaires, un chantier de 12 000 ouvriers, dont il ne vit pas la fin. Envisagé du temps de Henri IV et réalisé sous Louis XIV. Une partie importante du trafic maritime entre Bordeaux et Sète, qui croisait par la route de Gibraltar allait emprunter cette nouvelle voie navigable reliant l'Atlantique à la Méditerranée. Alimentée par un système de captage des eaux de la Montagne Noire, au débit régulé par des réserves d'eau, comme le lac de Saint Ferréol à Revel. Les céréales du plat pays, le vin des coteaux et des plaines, toutes les productions régionales, marchandises diverses, mais également passagers, transitent alors par le canal qui poursuit sa route sur 240 kilomètres dans des paysages somptueux, grandioses et intimes, d'une largeur moyenne de 20 mètres et d'une profondeur de 2 mètres environ, entre Toulouse et Sète, entre villes et bourgades. Une révolution. La vie s'installe et s'organise à proximité des embarcadères, le commerce prospère, contribuant à développer des productions telles lupe pasfel ou la garance, ou re la poterie. Et toute la main d'œuvre attachée à l'activité, à la traction des embarcations par les chevaux depuis les chemins de halage. Des hostelleries sont construites dans le voisinage des 328 ouvrages d'art (130 ponts, 50 aqueducs), et surtout des écluses au nombre de 63 du seuil de Naurouze, ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et la Méditerranée et Sète. Un système judicieux qui permet par l'intermédiaire d'un système de remplissage de bassin de franchir des dénivellations de terrain, des marches d'escalier dans l'eau : 189 mètres en amont du seuil de Naurouze à la Méditerranée ; 48 écluses entre Toulouse et Sète. Moments de tension et de vie aussi, entre bateliers et éclusiers tout à leurs affaires, arrimant les lourdes embarcations pour une meilleure stabilité dans le sas au moment du remplissage et de la pression de l'eau. Tranches de vie saisies sur le vif de la mémoire, entre gens du canal et populations des villages désenclavés, sorties de l'anonymat comme un lapin d'un chapeau de prestidigitateur, avec leurs abbayes romanes, leurs églises gothiques, leurs savoir-faire et leurs traditions. Tout (ou presque) est resté à sa place depuis l'avènement du moteur sur le canal, qui a inversé la tendance, et retrouvé une nouvelle vie avec le tourisme fluvial. Sur des embarcations particulières ou de location pour la plupart, le monde entier découvre chaque année en plus grand nombre, la magie d'un univers au charme authentique et intact, qui permet de mieux mesurer le temps. A l'aune d'une dimension sans doute plus humaine.
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Le Pèlerin