Les Comptes de Toulouse face au catharisme
Fidèle au catholicisme, la dynastie des quatre Raimond de Toulouse sut pourtant composer avec les hérétiques tout en menant un jeu ambigu avec l'autorité pontificale.
C’est en 1093, à la mort de son frère Guilhem IV, que Raimond de Saint-Gilles prend le titre de comte de Toulouse sous le nom de Raimond IV. Il est alors âgé d'un peu plus de cinquante ans.
Ayant depuis longtemps scellé des alliances avec la hiérarchie catholique, le 7 mai 1096, il reçoit le pape Urbain II à Toulouse, où le pontife consacre l'église Saint-Sernin encore en chantier et prêche la première croisade. Au mois d'octobre suivant, le comte de Toulouse et sa femme Elvire partent pour la Palestine. La croisade révèle en Raimond IV un militaire accompli et courageux, fin stratège de surcroît. Mais il meurt en février 1105 en Terre sainte, sans être revenu dans son comté.
Ci dessus Sceaux de Raimond VI
Sceau de Raimond VII recto verso
Raimond V n'est pas le fils de Raimond IV, mais celui d'Alphonse Jourdain, auquel il succède en 1148 alors qu'il n'est âgé que de 14 ans. Quatre ans après son avènement, Toulouse est dotée du « stabilimentum », règlement municipal instituant le principe du capitoulat. Marié à Constance, fille unique du roi de France Louis VI, Raimond V va mener une politique riche en retournements, regardant d'abord vers le roi de France, puis, à partir de 1164, vers les Plantagenets. En 1163, le concile de Tours a mis en exergue les « funestes erreurs » qui sévissent chez certains chrétiens des Etats du comte de Toulouse. Les princes fidèles à l'orthodoxie romaine ont ordre de stopper l'hérésie cathare. Recommandation réitérée au concile qui se tient en 1165 à Lombers, dans le Tarn, et auquel assistent Raimond et Constance. Contrairement à son épouse, le comte de Toulouse fait preuve d'une certaine tolérance à l'endroit des hérétiques. Peu porté sur les croisades, Raimond est en effet un libéral dont la cour est ouverte aux plus brillants troubadours.
En 1177, soumis à des pressions de l'Eglise catholique, Raimond V reconnaît humblement qu'il n'a pas les moyens d'éradiquer l'hérésie cathare. Aussi, l'aimée suivante, le pape Alexandre III envoie-t-il à Toulouse une mission chargée d'extirper l'hérésie. En 1181, une nouvelle mission papale condamne quelques hérétiques toulousains. Mais Raimond V ne changera guère d'attitude vis à vis des hérétiques jusqu'à sa mort, survenue à Nîmes en 1194, à l'âge de 60 ans.
Lorsque Raimond VI succède à son père Raimond V, la situation tant politique que religieuse est fort complexe... et périlleuse. Raimond VI, qui n'a jamais abjuré le catholicisme, « apparut aux uns comme un protecteur hésitant et aux autres comme un fidèle suspect, alors qu'il n'était que tolérant et pacifique », affirme Roger Genty dans son ouvrage consacré aux comtes de Toulouse. Irrité et impatient, le pape Innocent III lui écrit en 1207 : « Impie, cruel et barbare tyran, n'êtes-vous pas couvert de honte de favoriser l'hérésie ? C'est donc avec raison que nos légats vous ont excommunié, et ont jeté l'interdit sur vos terres... ». Le 14 janvier 1208, au lendemain d'une rencontre tendue entre le comte et le légat du pape Pierre de Castelnau, ce dernier est assassiné. On n'est pas sûr que Raimond ait armé la main de l'assassin, mais Innocent III exploite la situation et, le 10 mars, excommunie le comte de Toulouse. L'année suivante, il prêche la croisade contre les cathares. Raimond plie. En juin, il fait une pénitence publique à Saint-Gilles et c'est du rang des Croisés qu'il assiste, en juillet, au massacre de Béziers, qui se solde par 20 000 morts. Pour sauver ce qui peut l'être encore, Raimond VI se rend à Rome en janvier 1210. Il y rencontre Innocent III, se confesse et semble se réconcilier avec le pape. Mais, date charnière dans les événements qui secouent le Midi, le 11 novembre 1215, le concile de Latran nomme Simon de Montfort comte de Toulouse (le fils de Raimond n'héritera que des terres de Provence).
Quelques mois plus tard, ce sont des Toulousains révoltés qui accueillent Simon de Montfort dans la capitale de son nouveau comté. Son règne sera de courte durée : le 25 juin 1218, alors qu'il assiège Toulouse, Simon de Montfort est tué par une grosse pierre projetée des remparts. Héritier de ses droits, son fils Amaury les transférera quelques années plus tard au royaume de France.
En état d'excommunication, Raimond VI meurt le 22 septembre 1222 et ne peut être enterré chrétiennement...
Raimond VII succède à son père. Il a 25 ans. Le jeune comte s'affirme vite comme un énergique défenseur du Languedoc et comme un excellent soldat. De fait, les premières années de son règne coïncident avec une reconquête languedocienne, mais, en 1222, le pape Honorais demande à Philippe-Auguste de faire valoir ses propres droits de souveraineté sur le comté que lui a transmis Amaury de Montfort. Après la mort de Louis VIII (1226), le jeune roi Louis IX et sa mère Blanche de Castille décident de lancer une nouvelle croisade sur le comté de Toulouse.
L'art de l'inertie
De guerre las et soucieux d'éviter de nouveaux massacres et de nouvelles sanctions contre ses Etats, Raimond VII fait amende honorable, le 12 avril 1229, devant Notre-Dame de Paris alors en cours d'édification. Le roi lui fait signer le Traité de Meaux qui prévoit, à long terme, le rattachement du comté au royaume, mais aussi la création de l'Université de Toulouse afin de faire triompher les enseignements traditionnels... exempts d'hérésie. En avril 1233, Grégoire IX, qui a assis l'Inquisition sur des bases juridiques, déclare sainte la persécution des hérétiques. En réponse, Raimond VII réaffirme sa position catholique et condamne solennellement l'hérésie. Pourtant, le peuple ne semble pas lui en vouloir, mettant ses prises de position sur le compte de la contrainte.
L'ambiguïté va perdurer. Lié par serment au roi de France, Raimond VII fait assiéger Montségur en 1240, mais sans excès de zèle : « Le siège de Montségur eut bien lieu. Mais dans des conditions telles, et avec un résultat si nul, qu'il apparaît vite évident que Raymond n'avait nullement l'intention de tenir da promesse », remarque Michel Roquebert. Ce qu'on sait, c'est que Raimond VII ne participe pas directement à l'affaire, comme il ne sera pas non plus du grand siège de 1243-44. De plus, il est vraisemblable que le massacre d'Avignonet, prétexte majeur de ce dernier événement, a été connu de lui, et même conduit par son bayle, Raimond d'Alfaro.
Désireux de concevoir un héritier mâle, Raimond VII aura été constamment en quête pathétique d'une épouse susceptible de lui donner le garçon espéré. Il meurt le 27 septembre 1449 à l'âge de 52 ans. Dès lors, le Comté de Toulouse peut devenir domaine royal.
Source Pays cathare Christian Maillebiau
Le Pèlerin