Bougeons… et en ville….Marchons…
Au marcheur méritant qui sait en déjouer les pièges (bruit pollution, omniprésence de la voiture) pour y découvrir les lieux qui l'enchantent. « Ma promenade préférée me conduit du jardin du Palais Royal jusqu'au jardin du Luxembourg en passant par le Louvre et la Seine, confie une amie parisienne. Quand je réalise que je viens de passer huit heures à mon bureau sans interruption, que j'ai mal au dos et que cela me porte sur le système, je sors et je marche d'un bon pas sur ces chemins qui m'apaisent. » Excellent moyen de renouer avec soi-même quand tout s'agite autour de soi, la flânerie urbaine est également une expérience d'ouverture au monde. Une fine pluie sur le visage, les premières fleurs du printemps, l'odeur de la terre mouillée, une vitrine qui attire le regard : celui qui va à pied jouit à sa guise du temps et de l'espace.
Il s'offre ce luxe ! ….Petits bonheurs piétons Gaëlle, 31 ans
« Me perdre dans les rues de ma ville, sans plan ni boussole, est mon plus grand plaisir.En musardant, je pousse des portes, je découvre des jardins, je fais de belles rencontres... Ces moments de flânerie, où je me sens ailleurs, débarrassée de mon rôle social, matérialisent ma liberté. »
« Le flâneur des villes se délivre de l'urgence, affirme l'anthropologue David Le Breton. Il avance à son rythme, s'imprègne des saveurs du monde, se met en disponibilité de découvertes. A sa façon, l'homme en marche résiste à sa condition d'homme assis et réapprend à vivre par le corps. »
Gymnastique douce
Depuis l'homme de Neandertal, notre corps n'a pas foncièrement changé. Bipède nous étions, bipèdes nous sommes restés, et notre nature profonde est de marcher d'un lieu à un autre. « Marcher, que ce soit en ville ou en pleine nature, c'est se donner une chance de retrouver l'équilibre de notre corps d'homme mis à mal par la sédentarité, atteste Sophie Duméry membre de la commission médicale de la Fédération française de randonnée pédestre (FFRP)
1.Marcher à cinq kilomètres à l'heure (c'est-à-dire d’un bon pas), une demi-heure à une heure par jour, tout en respirant pleinement, permet de prévenir et de lutter contre les maladies cardio-vasculaires, l'obésité, le diabète, l'ostéoporose et la maladie d'Alzheimer. C'est aussi se délester des tensions et respirer mieux en mettant son souffle au rythme de son pas. » Comme si les rues, les jardins, les marchés, les trottoirs des villes pouvaient nous rendre plus présent à notre corps, et donc à nous-même... Cécile Gateff a connu ces moments où le corps se dérobe. Atteinte d'un dysfonctionnement de la thyroïde à l'origine de nombreux malaises, elle fut longtemps dans l'impossibilité de se déplacer seule dans Paris. Dans Marcher pour vivre, elle décrit comment la marche a participé de sa guérison en complément de son traitement. « Privée de mes longues balades en ville, je devais me contenter d'allers-retours dans une entrée de garage pour renforcer ma résistance, me dépenser physiquement et éliminer les toxines, raconte-t-elle. Aussi réduits semblaient mes efforts, j'y puisais pourtant de plus en plus de confiance, je dormais mieux, je luttais mieux. C'est incroyable le pouvoir de la marche ! Aujourd'hui, lorsque je rentre du travail en marchant, j'éprouve une joie profonde à poser un pied devant l'autre. Je ne suis plus qu'un souffle et ce souffle, c'est la vie. »
Danielle, 60 ans
« Pour moi, les villes sont des terrains de jeux que l'on n'a jamais fini d'explorer. Quand j'arrive dans une ville étrangère, je l'aborde avec gourmandise, comme une aventurière. ..Je traque les signes sur ma route et quand je tombe sur une jolie fontaine, une façade qui me plaît, je sors mon appareil de photos. Je collecte toutes ces impressions de voyage comme des trésors. »
Des Effets antistress
Trente et un millions de Français (presque un sur deux !) déclarent marcher « pour le plaisir ». Parmi eux, de plus en plus de piétons citadins accros à leur promenade de santé. Des flâneurs sur bitume qui, le regard haut et fureteur, marchent jusqu'à ce que joie s'ensuive. « Au début, j'avais simplement besoin de m'oxygéner le cerveau, se souvient Sylviane, 58 ans. J'ai commencé par un quart d'heure de marche quotidienne, puis mon corps en a réclamé plus. Quand je marche, je n'arrive plus à rentrer chez moi : je ressens une excitation profonde en même temps qu'une sorte de béatitude totale. Je plane ! » Le délicieux vertige que décrit Sylviane ressemble à l'état de flux décrit dans les conclusions d'une étude réalisée à l'université de Duke, aux Etats-Unis3 : un état de plaisir dû à la sécrétion des endorphines, hormones cousines de la morphine, qui bloquent les circuits de la douleur et inondent le cerveau émotionnel. Selon les chercheurs américains, une demi-heure de « marche vive » pratiquée, sans courir, trois à cinq fois par semaine, aurait le même effet qu'un antidépresseur. La marche, un antidote simple et gratuit pour l'urbain stressé 7 Franck, 42 ans, chef d'une entreprise qui vient de déposer le bilan, confirme avec enthousiasme : « Quand je traverse les quartiers de Paris, il me semble que je retrouve ma place dans la société. Porté par le bouillonnement des rues, je peux déposer mon fardeau de soucis dans le corps de la ville. Ainsi, je me sens porté et prêt à repartir du bon pied. »
Une voie de transformation
« L'aventure est au coin de la rue. » Comme le souligne André Breton dans Nadja, la flânerie citadine réintroduit l'imprévu dans notre quotidien. Soudain, au hasard des lieux, des rencontres, des visages, on se laisse surprendre par ses idées, ses intuitions ou encore ses audaces, qu'on est libres de capter au vol ou de laisser filer... « Un jour, au cours d'une balade, je suis tombée en arrêt devant la vitrine d'une galerie d'art, s'étonne Gaëlle, 31 ans. Il y avait là une sculpture très grande (et surtout très chère) qui me fascinait, je ne sais trop pourquoi. J'ai fait la folie de ma vie, je l'ai achetée d'un coup et je n'ai jamais regretté. »
En dépit de la foule et du bruit, marcher « rêveusement » nous reconnecte à nos désirs profonds. « C'est un détour pour se rassembler à soi et se relier à ses ressources d'endurance et de créativité », insiste David Le Breton, pour qui se perdre en ville est à la fois une respiration des sens et du sens : une façon de s'inventer des chemins là où l'horizon semblait bouché.
La Marche détend des pieds à la tête. Elle affûte les sens, titille la curiosité, provoque les rencontres... La marche en ville : un formidable moyen de cheminer vers soi.
Seul ou à deux, en méditant ou en conversant, battre le pavé de nos villes nous entraîne toujours au-delà du connu, sur le chemin de la métamorphose. Comme un voyage qui commencerait juste en bas de chez soi.
Allez, on se lance!
1. On recherche les itinéraires les moins pollués et les heures de faible fréquentation.
2. On saute du métro ou du bus quelques stations avant son arrêt habituel.
3. On trouve un square agréable proche de son lieu de travail pour marcher pendant ses pauses.
4. On commence par des marches de courte durée (dix à vingt minutes) et on augmente progressivement son temps de balade.
5 On note ses heures de promenade sur son agenda et on les respecte. L'essentiel est d'être régulier.
6. On porte son attention sur ses sensations et sur sa posture. Epaules basses, poitrine ouverte et respiration abdominale, c'est ainsi que l'on se détend le mieux.
7 On avance à vive allure (cinq ou six kilomètres à l'heure) pour bénéficier de l'effet antistress.
8 On laisse ses peurs et ses pensées négatives à la maison. Une fois dehors, on ne pense plus qu'à oxygéner le corps et l'esprit
9 On prévoit un chapeau, de la crème solaire et de l'eau pour s'hydrater régulièrement. On emporte aussi un livre, un carnet de croquis, son appareil photos, au cas où.
10 Et surtout, on éteint son portable !
Source Fédération Française de Randonnées Pédestres (FFRP)
Le Pèlerin