Pyrénées - Les coulisses du Cirque de Gavarnie
Célèbre pour ses cascades et ses montagnes en gradins, le cirque de Gavarnie, Hautes-Pyrénées, offre une multitude de randonnées. Vers 1860, des bergers aragonais ouvrirent une voie pour se hisser au sommet du premier gradin : l'échelle des Sarradets.
Comme chaque été, le sentier qui mène au fond du célèbre cirque de Gavarnie prend, dès le début de la matinée, des allures de procession. D'un pas lent et régulier, suivez ce petit sentier qui s'en va buter contre ce premier gradin, vertical et parfois surplombant sur plus de 350 mètres. Pas après pas, ce monde que vous trouviez si merveilleux, prend des allures hostiles. Aussi quel n'est pas votre soulagement lorsqu'au tout dernier instant, le passage s révèle enfin. Fini le doute et les angoisses, les échelles des Sarradets n'étaient donc pas un mythe, mais bel et bien, comme on vous l'avait affirmé, une bonne grosse vire avec un cheminement bien tracé. Ce passage, qui n'a d'échelle que le nom, est en effet un itinéraire qui ne comporte aucune difficulté et - si ce n'est sa pente qui en a fait souffrir plus d'un -s'avère un moyen particulièrement efficace pour se hisser au sommet du premier gradin du cirque, voire même d'en descendre. En déduire qu'il ne comporte aucun danger serait pourtant une grave erreur. On ne compte plus, en effet, ceux qui, par mauvaises conditions, s'y abîmèrent. Russell, lui-même, faillit un jour y périr alors qu'une tempête, semblable à celles qu'il avait essuyées en Patagonie, le surprit à la descente. Il ne dut son salut qu'à sa parfaite connaissance de cette montagne. Mais il se fit là une telle frayeur que lui, l'ermite de « la Vignemale », en vint presque à aimer la vie civilisée à son retour parmi les hommes. Vous l'aurez compris : ici, la pluie, l'orage, la neige ou le brouillard transforment très rapidement l'aimable camino para los abuelos (chemin pour les grands-parents) en itinéraire infernal.
Refuge de la brèche de Roland.
À l'époque où le cirque de Gavarnie répondait encore au nom d'Ouïe du Marbore, on le nommait l'escalier des Sarradets. Bien avant le traité franco-espagnol de 1862 donnant le libre accès des estives des Espuguettes et des Sarradets à nos voisins d'outre-Pyrénées, ce furent vraisemblablement les bergers aragonais qui ouvrirent cette voie ô combien aérienne. Prenant plus tard l'appellation d'échelles, certains y trouvèrent aussitôt matière à jouer sur le mot. C'est ainsi qu'un été, parce qu'aux dires du berger Auguste de trop nombreux barreaux manquants en interdisaient le passage, un tout jeune nouveau venu dût chercher un autre cheminement : plus d'un mois et demi durant, le jeune berger emprunta alors la vire herbeuse, nettement plus scabreuse, qui sinue juste en contrebas des Échelles.
Pour la famille Vergez qui, depuis longtemps, veille aux destinées de YHôtel du Cirque, les Échelles occupent une place prépondérante. En effet, en juillet 1842, un aïeul maternel, le guide André Lapasset, les fit découvrir au jeune duc de Montpensier. Le fils du roi Louis-Philippe en fut si heureux qu'il lui accorda la concession d'exploitation de ce qui ne sera, au début, qu'une simple baraque. En dignes descendants du célèbre guide de Gèdre, les Vergez portent au cirque un attachement tout particulier et les gradins de la «fantastique muraille ne comptent plus les voies d'escalade frappées de l'estampille Vergez. Après bien des péripéties verticales en compagnie de ses amis Mallus et Adagas, Jean Vergez, le patriarche, reste pour sa part la mémoire la plus vivante du site prestigieux et devient intarissable dès lors que l'on vient à en aborder l'histoire. Bruno, son fils, se rappelle avec émotion sa première escapade aux Échelles : il n'avait alors que 12 ans.
Le souffle haletant, les muscles durcis, c'est « à la gagne » que vous grignotez, lacet après lacet, les dernières centaines de mètres de raidillons qui mènent au sommet des Échelles. Les nombreuses pauses sont l'occasion de vous abandonner dans la contemplation de cette montagne grandiose qui se révèle maintenant sous un autre jour. Sous l'effet du vent, la Grande Cascade ondule en de lourds festons et laisse apparaître un arc-en-ciel. Comme un gigantesque mille-feuille, la roche laisse divaguer d'amples arabesques ; au-dessus, quelques névés dégoulinants font penser à un nappage meringué. Couronnant le tout, les pics ont soudain perdu de cette austérité qui tout à l'heure les consacrait invincibles : ils vous livrent maintenant tous les recoins secrets de leurs parois. Un seul mot vous vient à l'esprit. Fantastique !
De l'eau fraîche, un carré de pelouse accueillant, il est 11 heures du matin et le soleil vous gratifie de ses bienfaisantes caresses. Comme la marmotte qui baguenaude là-bas, sur une plaque de neige, face à la Grande Cascade, profitez pleinement de ces instants magiques et refaites le plein d'énergie. Car, si le plus dur est passé, il va falloir encore crapahuter. une vingtaine de minutes à peine, pour atteindre le refuge des Sarradets. Revigorés et ragaillardis, vous avalez maintenant la moraine le regard rivé sur cette gigantesque échancrure que forme la brèche de Rolland. De l’autre côté du vallon, il règne sur le pic des Sarradets une certaine animation : la roche répercute l’écho des ordres échangés par les grimpeurs. Au bout du chemin, la silhouette refuge dressé sur son promontoire se précise. Le glacier de la brèche voit le ballet discontinu des randonneurs. Il est 13 heures et une bonne descente vous attend. Tant mieux !
Nous devons vous l'avouer main-vous êtes arrivés ici : les quelques 1200 mètres que vous avez montés, il faut les redescendre. Aussi, serez vous heureusement surpris si vous entreprenez cette belle balade en début de saison. Car, si l’hiver a tenu ses promesses, une succession de névés va vous introniser maître de la divine chute. Piolet en main, vous prenez pied sur la neige ramollie et, après un rapide examen de la déclivité, vous attaquez le toboggan de front. Position légèrement fléchie, un rien sur les talons et une solide prise en main de la « pioche » conjuguée à un appui franc et massif sur ledit instrument : vous glissez à toute allure sur les premières pentes à l'aplomb du Doigt de la Fausse Brèche et ralentissez en toute sécurité l'inclinaison finissante. La descente de début de saison vous ravira lorsque vous parviendrez aux vertes pelouses de la vallée de Pouey Aspé. Vous retrouvez alors les troupeaux de vaches ou de moutons et les terrains à isards. Toujours aussi curieuses, les marmottes s'effarouchent si peu à votre vue qu'il est parfois difficile de les deviner tout près du sentier. L'épaisse moquette herbeuse qui amortit chacun de vos pas renforce ce sentiment diffus de toucher le paradis terrestre. Un à un, les sommets du cirque se révèlent à nouveau, mais sous un angle différent. Les arbres, eux aussi, refont leur apparition. L'arrivée à la pointe du plateau permet d'admirer la douceur de la Prade Saint-Jean et son chapiteau calcaire que l'ombre commence à gagner.
À proximité de la Prade, arrêtez-vous et postez-vous sur un rocher, légèrement en retrait du chemin. Vous ne tarderez alors pas à saisir un des plus beaux moments de Gavarnie, l'un des plus méconnus aussi. Lancés au galop, chevaux et mulets viennent de finir leurs « huit heures » et rien ne semble plus pouvoir les arrêter dans leur course folle vers les plateaux environnants. Assis sur votre rocher, vous vivez là le plus beau final de la représentation de ce cirque, grandeur nature, et ce numéro-là porte le nom de liberté.
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Accès
À partir de Lourdes ou du col du Tourmalet, prendre à Luz-Saint-Sauveur la direction de Gavarnie (D 921). Parkings au centre du village.
Cartes et Guides
IGN Top 25 n° 1748 OT
Gavarnie, Luz-St-Sauveur,
Parc national.
IGN Parc national n° 275 Gavarnie, Néouvielle ;
Guide Olivier Pyrénées centrales volume 1 :
Informations complémentaires :
Cet itinéraire est à proscrire en cas de brouillard ou de risque d'orages (très violents dans le cirque).
Source « Pyrénées Magazine » information relayée par
Le Pèlerin