2005 - Le référendum du 29 septembre sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale
Le retour maléfique des taux de participation de 100%
Les référendums en Algérie semblent avoir cette caractéristique d’être particulièrement prisés par les faiseurs de chiffres électoraux des laboratoires du pouvoir. C’est pour cette raison que la fête est toujours totale à l’occasion de chaque référendum pour les laborantins de ces cercles de décision occultes, qui ne manquent certainement pas de s’en donner à cœur joie en ces occasions.
Les choses sont bien évidemment plus simples que dans les configurations particulièrement complexes des élections législatives ou locales, dont les résultats ont toujours soulevé les passions des foules, y compris du temps du parti unique avec les inextricables luttes entre tribus sourcilleuses à en mourir de tout ce qui touche à l’honneur de la représentation publique de la tribu, qui se devait d’être portée à bras-le-corps quand ce n’est pas au bout du khchem. Le plus souvent d’ailleurs, fusils en joue. Dans le cas des référendums, il suffisait en effet de déterminer un taux de participation «politiquement correct» (en général plus ou moins 80%) puis le taux de «oui» (celui qui dépasse 95% recueille en général les faveurs des décideurs) et l’opération de répartition des quotas de chaque wilaya pouvait commencer. En série… Pourtant, l’opération de traitement des chiffres des référendums, nous avertit le Journal officiel, devrait faire l’objet d’un peu plus de retenue et de pudeur. En effet, le Journal officiel, qui a l’âge exact de l’Algérie(1), jour pour jour, ouvrit son premier numéro un certain 6 juillet 1962 par la publication des résultats de la réponse franche et massive que les Algériens donnèrent alors à la question qui leur avait été posée par la puissance coloniale «Voulez-vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ?» Le taux de participation était ce jour-là de 91,87%, le taux d’abstention s’élevait à 9,13% et les résultats laissèrent même transparaître le chiffre de 25 565 Algériens qui votèrent… contre l’indépendance de leur propre pays. Dans un pays comme l’Algérie qui connaît le prix réel de la liberté, le taux de participation à ce référendum ayant rendu la liberté aux Algériens devrait être protégé comme la prunelle des yeux des 37 millions d’Algériens. Et c’est à la Constitution de l’ériger comme Kassamen en chiffre inviolable et pour l’éternité, avec ses deux chiffres après la virgule ! Il devrait devenir inaliénable, imprescriptible et incessible pour le bas et vil commerce électoral, exactement comme la terre arrosée du sang du million et demi de braves qui en ont permis la libération et des dizaines de milliers qui en ont maintenu le cap républicain aux temps des vents contraires de l’histoire, particulièrement dramatiques. A partir de là, toutes les séries statistiques électorales se rapportant aux taux de participation qui s’autoriseront la liberté de dépasser ce seuil moral, patriotique, historique et qui auront l’outrecuidance et la suffisante verticalité d’afficher publiquement ces chiffres doivent être disqualifiées et leurs auteurs jugés pour… haute trahison ! Que dire alors des différents référendums organisés par l’Algérie depuis l’indépendance dont les chiffres sont tout simplement invraisemblables, dictés par une paranoïa qui n’a d’égal que le déficit en légitimité de ceux qui y ont eu recours avec une insatiabilité sans repères moraux et politiques décents. Le dernier de ces référendums en date peut être cité : c’est celui qui a permis de «faire adopter par le peuple algérien» la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Plus de la moitié des wilayas aurait réalisé des scores de participation supérieurs au taux de participation des Algériens au référendum d’autodétermination de 1962. Khenchela et Adrar se sont particulièrement distinguées en laissant libre cours au zèle sans chiffre après la virgule de leurs walis, véritables éradicateurs de l’esprit civique de leurs citoyens : ces deux wilayas exposent des taux de participation se rapprochant de 99% ! Même Blida, dont nous avons calculé par curiosité la moyenne de participation à toutes les élections depuis l’ouverture politique de 1989 (51,05% ), se permet d’afficher un taux de 98,34% ! Mais là encore, les taux de participation les plus démentiels resteront à jamais et pour l’histoire les taux de 100% mis sur le compte de près d’une dizaine de communes des wilayas de Laghouat, Batna, Tamanrasset, Sidi-Bel-Abbès, El Bayadh et El-Tarf. Dans la commune la plus peuplée, pour ne citer qu’elle, celle de Tadjemout, dans la wilaya de Laghouat, ce sont les 5 620 inscrits qui ont tous voté… pour la réconciliation nationale. Chadli a fait des émules… depuis 1979, mais cette fois-ci, c’est dans les contreforts du Djebel Amour et non à l’étranger !
(1) Le JORADP aura le 6 juillet prochain un demi-siècle
Source Le Soir d’Algérie
Dossier réalisé par M’hand Kacemi
A suivre
Le Pèlerin