Le paysage politique bouleversé
Multiplication du nombre de partis et abstentions
Avec les réformes politiques du président Bouteflika et en raison des dissidences dans plusieurs formations, on assiste à l'émergence de nouveaux partis politiques. Depuis la veille des législatives, le pays compte pas moins de 42 partis politiques créés. En quoi cela peut-il aider la démocratie ?
Le paysage politique est-il en train de changer radicalement ? On s'était habitué à une alliance présidentielle (le trio FLN-RND-MSP au pouvoir), le PT dans le soutien critique, le FFS, le RCD dans l'opposition avec, en parallèle, un certain nombre de petits partis interchangeables et quelques anciens du FLN ou des figures islamistes que l'on entendait intervenir de temps à autre dans le débat public. Il semble, cependant, que cette période est finie et c'est vers une toute autre configuration que l'on s'achemine. Le tout est de savoir si cela va contribuer à la démocratisation du pays ou à prolonger le statu quo, voire susciter une forte régression politique. Ce qu'il est permis de craindre.
L'on sait que tout cela est d'abord le fait des révoltes arabes et des réformes politiques initiées par le chef de l'Etat. Sans cela, le FLN et ses alliés en seraient encore à s'occuper exclusivement de renforcer leurs positions. On n'aurait pas vu, par exemple, le MSP quitter le giron du FLN pour polariser l'Alliance verte avec Nahda et El Islah, si en Tunisie et en Egypte les islamistes n'étaient pas montés au pouvoir. On n'aurait pas assisté, non plus, à la vague de dissidences qui n'a épargné aucun parti, si la conjoncture n'avait fait que les dernières législatives n'avaient en elles de grands enjeux pour l'avenir.
Bref, de puissants facteurs exogènes ont contraint notre paysage politique à s'y adapter et l'on voit depuis tous les efforts des autorités pour faire en sorte que l'onde de choc venue de l'extérieur soit absorbée ici avec le minimum de secousses. Tel est l'objet, entre autres, de la série d'agréments accordés à plusieurs nouveaux partis politiques dont l'annonce contribue à détendre et à apaiser le climat politique et à donner des gages, ici et à l'étranger, qu'il y a une volonté d'approfondir la démocratisation en Algérie.
Pour représenter quoi ?
La question la plus importante est alors la suivante : ces nouveaux partis sont-ils les porteurs des nouvelles idées nées dans le sillage des révoltes arabes ?
En principe, la question ne se pose pas, puisque c'est au contexte actuel que ceux-ci doivent leur création. Mais à l'examen, on se rend vite compte que les choses ne sont pas aussi évidentes.
Quand en 1989, la nouvelle Constitution pluraliste autorisait la création d'«associations à caractère politique», tous ceux qui avaient créé des partis, exception faite des anciens du FLN, étaient des militants qui se battaient dans la clandestinité pour pouvoir activer dans la légalité. Qu'ils furent islamistes ou laïcs, socialistes ou libéraux, conservateurs ou occidentalisés, tous voulaient d'abord la fin du régime du parti unique. En 1989, donc, les nouveaux partis étaient le produit d'un changement de régime qu'ils incarnaient parfaitement, autant par leur existence que par le parcours de leurs militants. Ils étaient donc en phase avec le contexte politique impulsé par la perestroïka en URSS et la chute du mur de Berlin plus tard. D'ailleurs, les partis concurrents du FLN avaient suscité une adhésion populaire qu'il est impossible aujourd'hui de rééditer.
Mais peut-on dire, aujourd'hui, que les nouveaux partis sont dans la même situation, qu'ils sont les représentants d'une alternative au système politique actuel ?
La réponse est simple, la majorité de l'opinion nationale n'y croit pas un seul instant. S'il y avait un doute là-dessus, c'est avec la drôle de campagne pour les législatives qu'il fut levé, tant les profils, les discours et les messages des candidats étaient d'un niveau très en deçà des attentes de la rue, si bien qu'à la fin, les candidats sont devenus sujets à la moquerie populaire sur les réseaux sociaux d'internet. Si au moins les candidats étaient sincères et désintéressés, le public leur aurait trouvé milles excuses. Mais non, à l'ambition personnelle non dissimulée se sont greffées une maladresse et une audace incroyables, un mélange aussi comique que pathétique !
On se souvient qu'à la veille des législatives, le ministère de l'Intérieur annonçait l'agrément de pas moins de 18 partis politiques. Il s'agit du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), du Front national pour la justice sociale (FNJS), du Front el moustakbal (FM), du Front de l'Algérie nouvelle (FAN), du Front de la justice et du développement (FJD, El Adala), du Parti el karama, du Front national pour les libertés (FNL), du Mouvement populaire algérien (MPA), du parti El Fedjr el jadid (PFJ), de l'Union des forces démocratiques et sociales (UFDS-El Ittihad), du Front du changement (FC), du Mouvement des citoyens libres (MCL), du Parti des jeunes (PJ), du Parti national algérien (PNA), du Parti des jeunes démocrates (PJD), du Mouvement des nationalistes libres (MNL), de Jil jadid (JJ), et du Parti patriotique libre (PPL).
Ensuite, trois autres partis ont été créés. Il s'agit du Parti de l'équité et de la proclamation de Naïma Salhi Naïma, du Front de la bonne gouvernance de Aïssa Belhadi et du Parti ennour el djazairi de Badreddine Belbaz.
De cette liste, honnêtement aussi difficile à lire qu'à retenir, on ne se souvient plus que du PLJ de Mohamed Saïd qui a commencé par reprendre l'appellation ambitieuse du parti des Frères musulmans d'Egypte avant de finir par annoncer la dissolution du parti. On retient aussi Al Adala de Abdallah Djaballah, un vieux routier de la politique. Et peut-être également le MCL de Abdelmadjid Menasra, le MPA de Amara Benyounès ou l'UFDS de Nordine Bahbouh, pour l'unique raison que ces personnalités étaient des ministres et donc bien connus des journalistes.
Quand aux autres, pour l'instant, ce sont des entités sans identité, des ovnis. Ils nous rappellent d'ailleurs ces petits partis qui, du temps de Liamine Zeroual, servaient à peupler le CNT (Conseil national de transition) ou à meubler les fameux rounds du dialogue national avec l'air de jouer de rôle d'alibi.
Le problème, c'est que la liste ne s'arrête pas là et bien malin, en dehors de Daho Ould Kablia, qui pourra dire combien il y a exactement de paris politique en Algérie. C'est qu'à peine l'état des lieux entamé, que le ministre de l'Intérieur vient d'annoncer une nouvelle fournée de partis politiques ; huit au total.
Il s'agit du Mouvement national des travailleurs algériens, de Hadidi Salem, le Parti du renouveau et du développement de Assyr Taibi, le Médiateur politique de Ahmed Larouci Rouibat, le Parti nouvelle génération libre de Abdelghani Touhami, le Parti de la voie authentique de Abderrahmane Sellam, l'Union nationale pour le développement de Mahfoud Gheraba et le Front pour le développement, la liberté et l'égalité de Tayeb Yennoune.
Peu avant, on annonçait aussi la création de trois autres partis. Il s'agit du Parti algérien vert pour le développement de Ali Amara, le Parti des fidèles à la patrie de Kamel Mostefa et le Front démocratique libre de Rabah Brahmi. Et, semble-t-il, selon la même source, les autorités continuent d'examiner d'autres dossiers.
Faut-il des balises ?
En 1989, pour reprendre la comparaison, on se souvient que le pays s'est vite retrouvé avec pas moins de 60 partis politiques. A la fin, c'est-à-dire à la révision de la loi qui les a vus naître, plus d'un tiers a été dissous par voie administrative, sans que les dirigeants de ces partis ne trouvent à redire.
Depuis, les grands partis politiques, le FLN et le MSP notamment, revendiquent que la loi ne permet plus l'existence de partis qui ne réalisent pas un score minimal aux élections.
Cette position, nous semble-t-il, est extrême. Car la Constitution algérienne garantit la liberté d'association, laquelle n'a besoin d'aucun justificatif. Deux personnes ou plus, selon l'esprit de ce droit universellement reconnu, peuvent s'associer autour d'une idée et militer pour la diffuser dans la société. Un parti politique est un collectif intellectuel et la qualité des idées ne se chiffre ni en implantation géographique ni en nombre de militants, encore moins en budget et moyens matériels. Surtout pas à l'ère des nouvelles technologies où un individu seul peut influer sur l'état de l'opinion, quand il dispose des arguments pour ce faire.
Si on demandait aux Algériens ce qu'ils pensent de ces partis politiques, c'est sûr, ils sont pour la liberté de création des partis. Mais ils diraient aussi des nouveaux partis ce qu'ils disent déjà de leurs aînés, c'est-à-dire qu'ils sont juste des tremplins pour des ambitions personnelles. Autant la société a besoin de s'exprimer et de prendre son destin en main, autant elle se méfie des opportunistes et des faire-valoir.
A ce défi, la solution ne peut être que collective. Si les autorités doivent garantir la liberté d'association, elles doivent aussi mettre des garde-fous pour moraliser la vie politique. Il n'est pas normal, par exemple, que l'on prétende donner aux Algériens une représentation digne de leurs aspirations tout en fermant les yeux sur le business et la «chkara» qu'on a vu dans la confection des listes électorale. C'est également la responsabilité des journalistes que de dénoncer ces affairistes qui veulent tromper les gens et s'en mettre plein les poches, alors que le pays a besoin de vrais patriotes. Car après la génération des opportunistes qui disent oui à tout, voici une autre, plus dangereuse, qui fait semblant d'incarner le changement, mais qui ne travaille qu'à ses propres intérêts.
Il faut dire aussi qu'il ne suffira pas que l'Administration et les médias jouent leur rôle pour que l'on obtienne un paysage politique conforme aux lignes de fracture qui traversent la société et producteurs d'idées progressistes.Il y a des choses que seul le temps peut faire. Obtenir une classe politique acceptable nécessite plusieurs étapes. On ne peut pas, en effet, exiger de nouvelles têtes et demander à ce que celles-ci aient de l'expérience, puisque par définition, ces nouvelles figures ne font que commencer. En revanche, et c'est là où les Algériens ne pardonnent jamais, la nouvelle génération se doit d'être intègre, propre et sincère. Tel sera le principal, sinon l'unique critère de la décantation qui s'annonce. Pour peu que le rythme de production des partis politiques nous laisse le temps de voir les choses évoluer…
L’avis du Pèlerin
La multiplication des partis semble être un gage de démocratie
En fait c’est un leurre
En effet tout parti doit avoir pour ambition de gouverner seul ou avec des alliés
La multiplication des partis ne fait qu’accroître leurs clivages et accroître leur impossibilité
Dans un pays où les fondements du système ne sont pas remis en cause, le futur appartiendra aux fortes coalitions
La désillusion sera grande au lendemain des élections d’autant plus que la proportionnelle avec seuil (porté à 7% pour les élections locales)
laminera ces mêmes partis et leur représentativité au sein des dites institutions ….Et l’on sera parti pour un tour de plus….générant le lot de frustrations et de rancoeurs
Charge au gouvernement de gérer ces rancoeurs….et de gérer le pourcentage des abstentionnistes lors des prochaines élections
Un jour le peuple s’éveillera et gare au gouvernement en place…..Il est vrai que tous ceux qui se sont succédés ont parié sur une profonde apathie de l’Algérien
Un jour le peuple demandera des comptes …Gare au réveil !
Source Les Débats nabil Benali
Le Pèlerin