Algérie - Pouvoir, changement et société
En quelque quarante-huit heures, on aura enregistré quelques dizaines d’actions de revendication. À Alger, Batna, Bouira et ailleurs, les étudiants sont sur la brèche. Les agents de la poste et de l’Agence de presse officielle organisent des débrayages. À Constantine, le chantier de tramway est à l’arrêt. Au Sud, les employés de Sonatrach ont fait grève. L’usine d’explosifs de Miliana est bloquée, l’Inped, institut de gestion à Boumerdès, est paralysé. Les techniciens et scientifiques de la recherche nucléaire se mettent en grève. Les médecins résidents débraient… Les routes de Oued Tarfa, dans la wilaya de Batna, de Berrahal, dans la wilaya d’Annaba, ont été fermées. Des troubles sont signalés à Souk-Ahras et la wilaya d’El-Tarf s’est installée dans la protestation. La daïra et la mairie de Tizi Ghenif sont fermées par des citoyens. Près de six cents maires menacent de démissionner pour protester contre le nouveau code communal.
Des sit-in ou rassemblements des non-voyants, des administrés de la commune de La Casbah, des policiers radiés sont signalés. Les handicapés moteurs promettent de passer à la protestation et les enfants de moudjahidine prévoient une marche pour le 19 mars…
On oublie les veillées d’armes des agents d’autodéfense, des propriétaires de fusils de chasse saisis et d’autres foyers de tension. D’ici que les baltaguia, récente invention de la stratégie nationale de maintien de l’ordre, se trouvent des droits à revendiquer…
Et avec tout cela, l’Algérie officielle veut donner l’impression qu’il n’y a que les marches invariablement étouffées qui viennent hebdomadairement perturber la sérénité nationale.
Bien sûr, l’option pour une gestion financière de la paix civile a fait en sorte que tous les opportunismes corporatistes se réveillent pour emprunter le train de la protestation. D’où le caractère confus de cette nébuleuse contestataire. Le pouvoir, qui privilégie la revendication pécuniaire, et donc “apolitique”, pousse à l’expression “sociale” du mécontentement. Il espère ainsi transformer la frustration globale en une multitude de plateformes catégorielles.
En attendant que le tandem Sant Egidio-Alliance de gouvernement prépare la réponse du système à l’inévitable demande de changement. Celle qui, à l’instar des revendications des jeunes de la région, viendra exiger le changement. Et c’est, apparemment, Abdelhamid Mehri qui, du haut de ses quatre-vingt-cinq ans, est improvisé VRP du nouveau projet national.
Bien sûr, si, de l’autre côté, l’itinérant Ali Yahia Abdennour s’est improvisé délégué de l’aspiration à la rupture, l’équipe Belkhadem - Mehri peut prétendre personnaliser l’espoir. Étrange changement dont Bouteflika, à entendre Mehri, “constitue une partie importante”.
Mehri en renfort pour le parachèvement du coup d’État constitutionnel inachevé à cause des réticences que Bouteflika avait signalées en leurs temps. Le tout est peut-être de conjurer ces réticences en éloignant l’armée, non pas pour promouvoir la démocratie et la société civile, mais en s’arrogeant le monopole du projet national au profit d’un FLN réconcilié dans son intégrité de parti unique.
C’est cela qu’on appelle “l’Algérie, ce n’est ni la Tunisie ni l’Égypte”. Sauf que la société, qui gronde de partout, n’a pas dit son dernier mot.
Source Liberté Mustapha Hammouche
musthammouche@yahoo.fr
Le Pèlerin