
Incertitude - Le ministère du Travail continue à affirmer haut et fort que le taux de chômage est en nette régression l’estimant à 9 % pour 2012.
«Cette déduction résulte d’une enquête réalisée auprès de 20 314 ménages établis sur le territoire national et ce, d’octobre à novembre 2011 et le sous-emploi lié au temps de travail étant défini comme l’effectif des personnes occupées qui effectuent un nombre d’heures de travail insuffisant par rapport au nombre d’heures», tient à préciser notre économiste. Cela inclut, selon lui, «les sureffectifs dans les entreprises publiques, les administrations et les emplois temporaires de moins de 6 mois souvent improductifs, avec la prédominance des emplois rentes, qui sont comptabilisés pour 8 heures de travail plein ce qui donnerait un taux largement supérieur à 20 %».
Cette enquête vient se greffer au rapport de l’OIT qui place l’Afrique du Nord devant des régions qui devraient être touchées par un taux de chômage supérieur à 26 % ces prochaines années et pourraient même augmenter encore à l’horizon 2017. Ces résultats dénotent un échec flagrant de la politique de l’emploi menée par les différents gouvernements qui se sont succédé.
Ils sont la conséquence notamment du «dépérissement du tissu industriel représentant moins de 5 % du PIB. Et ils trouvent leur explication surtout dans les contraintes de l’environnement qui touchent tant les entreprises algériennes qu’étrangères souvent mises en relief dans les rapports internationaux de 2008/2011», explique M. Mebtoul.
Un échec qui ne saurait, d’ailleurs, tarder à se traduire par une grève nationale, promettent les 600 000 jeunes recrutés dans le cadre du pré-emploi. Leurs revendications se résument au maintien des postes d’emploi existants, l’annulation des concours d’embauche et le payement des arriérés.
Ces jeunes qui qualifient ce dispositif de «contrat d’esclave» comptent inaugurer la rentrée sociale par des manifestations et des sit-in devant les sièges des wilayas. Ils ont fini par se rendre à l’évidence.
Les contrats de préemploi ne sont qu’une manœuvre de plus pour absorber leur colère en ces moments d’incertitude et d’instabilité que connaît la région du Maghreb.
L’espoir d’une confirmation, tant attendue, à leur poste d’emploi s’est définitivement éclipsé devant les témoignages des premiers bénéficiaires toujours à la case départ, des années après.
Dans l’éducation nationale, dans les différentes administrations publiques ou dans les collectivités locales, ils sont unanimes à déclarer leur ras-le-bol et sont plus que jamais convaincus que le préemploi rime avec «esclavagisme».
Les avis se rejoignent pour dénoncer l’incapacité des pouvoirs publics à avoir une politique d’embauche claire et efficace.
Conséquence - Le chômage et l'exode rural seraient parmi les premiers facteurs générant de la délinquance et de la violence chez les jeunes, selon Maître Ben Brahem.
Outre le chômage, Fatma Ben Brahem met en cause l'éclatement de la structure familiale et les divorces. Pour elle, ces enfants sans ressource ni prise en charge et «n'ayant plus de repères sont exploités par des réseaux de banditisme».
Cette catégorie peut plus facilement tomber dans le piège de la drogue que d’affronter la vie. «Sous l'effet de psychotropes, les délinquants commettent souvent l'irréparable et sont envoyés en prison, ce qui n'arrange en rien les choses», tient-elle à rappeler. Ces jeunes sans formation ont du mal à trouver un emploi d’où l’importance de créer de nouveaux centres de rééducation pour leur prise en charge, suggère maître Ben Brahem qui, à titre illustratif, évoque le centre d’El-Mohammadia.
Notre avocate affirme que «la majorité des accusés que j’ai dû défendre sont des chômeurs. Le chômage crée l’oisiveté qui est à l’origine de tous les fléaux».
Il faut savoir qu’ils sont quelque 1 700 jeunes à comparaître, chaque année, devant les tribunaux pour diverses affaires.
«Chaque année, pas moins de 1 700 jeunes et mineurs sont poursuivis en justice pour différentes infractions à la loi, dont 804 pour des affaires criminelles», a indiqué le président de la Fédération nationale des associations pour la sauvegarde de la jeunesse (FNASJ).
Ce chiffre pourrait bien être revu à la hausse dans les années à venir si des mesures adéquates ne sont pas prises, assure Abdelkrim Abidat Il propose à cet effet de réfléchir à des projets à même de créer des postes d’emplois capables de résorber ce nombre de chômeurs en croissance constante. Abdelkrim Abidat appelle dans ce contexte aussi à ouvrir de nouveaux centres culturels et de loisirs pour «lutter contre l'oisiveté, principale cause de la délinquance et de la violence». Abidat évoque à ce titre l’autre problématique qui vient se greffer au chômage dont souffrent nos jeunes et qui ne fait qu’accentuer le phénomène de la violence et de la délinquance.
Il s’agit de la démission des parents, «notamment le père», estime le président du FNASJ. «Les parents sont souvent démissionnaires et ne jouent pas leur rôle. Pour la même raison, des milliers de jeunes sont renvoyés des établissements scolaires chaque année», déplore M. Abidat.
L’Afrique du Nord continue à enregistrer le plus fort taux de chômage des jeunes, atteignant 27,5 % en 2012, suivie du Moyen-Orient avec 26,4 %, écrit cette organisation onusienne. «En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les taux de chômage des jeunes devraient demeurer supérieurs à 26 % ces prochaines années et pourraient même augmenter encore dans certaines parties de ces régions», peut-on lire aussi dans le rapport de l’OIT.
Contrairement à cette tendance, le taux de chômage de cette catégorie de personnes en Afrique subsaharienne est relativement moins important avec 12 % en 2012 et un pronostic de 11,8 % en 2017. Mais d’une manière générale, le taux de chômage à l’échelle mondiale «va encore s’aggraver parmi les jeunes en raison des retombées de la crise de l’euro. Même dans les pays qui enregistrent des signes précoces de reprise de l'emploi et où des postes vacants s'ouvrent, de nombreux jeunes chômeurs ont du mal à décrocher un emploi», relève l'OIT.
«Cela conduit au découragement et à l'augmentation du taux de ceux qui ne sont ni au travail, ni scolarisés, ni en formation parmi les jeunes», a relevé Ekkehard Ernst, auteur de ce rapport. «Il y a aujourd'hui environ 5 millions de jeunes dans les pays développés qui entrent dans cette catégorie», a-t-il ajouté.
Il est, par ailleurs, permis d’espérer chez les jeunes issus des pays développés avec une économie solide puisque l’OIT prévoit une diminution sensible du taux de chômage au cours des prochaines années. Pour Ekkehard Ernst, «cela fait suite à la très forte hausse du chômage des jeunes dans toutes les régions depuis le déclenchement de la crise».
Si on s’en tient aux conclusions d’Ekkehard Ernst, «le taux de chômage des jeunes dans les économies développées devrait reculer progressivement pour passer de 17,5 % en 2012 à 15,6 % en 2017».
Un chiffre qui affiche tout de même une certaine augmentation par rapport à 2007 qui a enregistré un taux de chômage de 12,5 %.
«Une bonne partie du recul du taux de chômage des jeunes ne saurait être imputée à un redressement du marché du travail, mais plutôt au découragement d’un grand nombre de jeunes gens qui finissent par quitter la main-d’œuvre», explique, en outre, le rapport. «Ces jeunes découragés ne sont pas comptabilisés parmi les jeunes sans emploi. Néanmoins, le déclin attendu du chômage des jeunes dans la région des économies développées ne devrait pas suffire à tirer le taux de chômage de l’ensemble de la population vers le bas», est-il encore écrit dans le rapport.
Les chiffres avancés par ce document font également état d’un taux mondial de chômage des jeunes de l’ordre de 12,9 % d’ici à 2017 contre 12,7 % en 2012.
Sortir les jeunes chômeurs de la précarité demeure ainsi la priorité de toutes ces régions citées précédemment.
La solution préconisée par Ekkehard Ernst est le «recours à des systèmes de garanties d'emploi et à la priorité accordée à la formation. Cela pourrait contribuer à sortir les chômeurs de la rue pour les intégrer à des activités utiles, leur offrant une protection contre de nouvelles tensions économiques».
«Espérons que Sellal dépassera le statu quo suicidaire actuel»
InfoSoir : Quel constat faites-vous de l’économie algérienne en 2012 ?
A. Mebtoul : Après 50 années d’indépendance, l’économie algérienne se caractérise par 98 % d’exportation d’hydrocarbures à l’état brut et semi-brut et l’importation de 70 à 75 % des besoins des ménages et des entreprises qu’elles soient publiques ou privées. Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach ont engrangé entre 2000 et 2012 environ 560 milliards de dollars, allant vers 600 milliards de dollars fin 2012. Le président de la République a annoncé au dernier trimestre 2011 que 500 milliards de dollars seront mobilisés entre 2004-2014. A ce jour aucun bilan n’a été réalisé. Mais le fait important malgré ces dépenses colossales est que le taux de croissance moyen entre 2004-2011 est de 3 % montrant une disproportion entre ces dépenses et les impacts économiques ce qui se répercute sur la situation sociale qui deviendrait explosive en cas de chute brutale des cours des hydrocarbures.
L’enquête de l’ONS d’août 2012 révèle que le tissu économique national est fortement dominé par les micro-unités dont les personnes physiques à 95 % (888 794) alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5 %, soit 45 456 entités. La structure de l’emploi en est le reflet avec une très forte concentration des entreprises au niveau de la tranche d’effectif 0-9 occupés, où sur les 934 250 entités économiques, près de 914 106 se situent sur la tranche d’effectifs 0-9 salariés, soit 97,8 % de l’ensemble des entités économiques. Il y a lieu de noter que seules 932 entités économiques emploient 250 occupés ou plus. Par strate, environ 83,7 % des entités économiques employant moins de dix salariés sont dans le secteur urbain. Facteur important, 3,9 millions d’Algériens travaillent dans l’informel. L’enquête révèle aussi l’incapacité d’absorption du marché du travail qui n’arrive plus à suivre le flux de main-d’œuvre en quête d’emploi. Nous assistons à des discours contradictoires sur le taux de chômage. La population active dépasse les dix millions en 2012 et la demande d’emploi additionnelle varierait entre 300 000 à 400 000 personnes par an. Pour le ministère du Travail, le taux de chômage est en nette régression l’estimant à 9 % pour 2012. Le 1er septembre 2012, l'ONS annonce que la population en sous-emploi par rapport au temps de travail est estimée à 1 718 000 occupés en 2011, soit un taux de sous-emploi de 17,9 %,
Le rapport, publié à Genève le 5 septembre par le Forum économique mondial de Davos, a passé au crible les 144 pays les plus importants économiquement dans le monde et rétrogradé l’Algérie de trois places. Elle figure à la 144e place, c'est-à-dire à la dernière pour l’innovation. Parmi les cinq, sur les seize facteurs, qui entravent le développement économique en Algérie figurent les lenteurs bureaucratiques (1), l’accès au financement (2), la corruption (3), l’absence d’infrastructures (4) et le manque de main-d’œuvre qualifiée. Selon le recensement de l’ONS, près de 40% des chefs d'entreprises considèrent que les délais de création d’une entreprise sont longs : par secteur juridique, 40,1 % des entreprises privées contre seulement 24 % des entreprises du secteur public. Pour les formalités administratives, 43,9 % des chefs d'entreprises estiment que le dossier administratif afférent à la création de l’entreprise est complexe contre 39,3 % qui déclarent le contraire.
A la question de savoir s’il est permis d’espérer pour les nouvelles générations, le Dr Mebtoul affirme rester confiant «car l’Algérie recèle d‘importantes potentialités, surtout les compétences humaines richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures, actuellement marginalisées, tant au niveau local qu’à l’étranger, pour surmonter la situation actuelle». Pour cela, il appelle outre à «une profonde moralité des personnes chargées de diriger la Cité, à revoir l’actuelle politique socio-économique qui ne peut que conduire à l’impasse et donc à l’implosion sociale à terme. Supposant un réaménagement profond des structures du pouvoir». Cela implique, selon lui, «une nouvelle gouvernance par des réformes structurelles économiques et politiques solidaires». Pour notre expert, «on ne saurait ignorer les bouleversements mondiaux à la fois positifs mais pervers sans une nouvelle régulation de l’économie mondiale, devant insérer les projets futurs de l’Algérie dans le cadre de l’intégration du Maghreb, pont entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, continent d’avenir pour la stabilité et une prospérité partagée de la région». «L’Algérie peut, cependant, mieux faire» conclut-il.