L’importation en hausse, l’arnaque aussi
Au-delà des importations records de véhicules vers l'Algérie constatés récemment par le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes où on parle de 418 665 véhicules importés ces neuf derniers mois, pour
5 milliards de dollars, le trafic, l'arnaque et la falsification des véhicules, eux, continuent d'alimenter les affaires des services de sécurité. Des milliers de véhicules sont, chaque année, volés. Alors que des dizaines d'employés exerçant chez différents concessionnaires automobiles sont arrêtés pour arnaque. Rétrospective.
L'Algérie est devenue, durant ces cinq dernières années, un pays consommateur de véhicules le plus important d’Afrique. Une réalité confirmée par les chiffres des Douanes algériennes. Renault Algérie est un cas de figure flagrant. En neuf mois, le groupe Renault a réussi à vendre 93 034 véhicules pour une valeur dépassant le 1 milliard de dollars. Alors qu'en 2011, Renault avait vendu, durant la même période (neuf mois), 57 918 voitures, soit une hausse de plus de 60% en matière de ventes. Face à ce «boom» des ventes, les Algériens ont confirmé leur intérêt porté aux quatre roues. Cette hausse fracassante de ventes de véhicules réalisée au cours des premiers mois de l'année en cours sera plus importante d'ici à la fin de l'année où on table déjà sur les 600 000 véhicules qui seront, à coup sûr, vendus par les concessionnaires, pour une bagatelle de plus de 6 milliards de dollars. Qui dit augmentation de vente de véhicules dit, aussi, prolifération de vols et trafics. Face à cette situation, les réseaux de trafic de véhicules ont triplé leurs activités en procédant davantage aux vols des voitures des particuliers et même celles appartenant aux sociétés privées et publiques. Alors que de plus en plus d'employés chez des concessionnaires automobiles s'intéressent à l'arnaque des clients qui se présentent, en masse, dans le souci d'acquérir un véhicule de leur rêve. Pis, des propriétaires de certaines Agences de location de voitures sont devenus la proie des réseaux de trafic de véhicules. Les services de sécurité ont déjà traité plus de 100 affaires de vols de véhicules auprès des Agences de location. Entre autres, il est important de rappeler quelques chiffres dévoilés par la Gendarmerie nationale. En neuf mois (janvier à septembre), 225 véhicules ont été falsifiés et 335 trafiquants arrêtés. La falsification des véhicules volés semble constituer une passerelle pour la criminalité organisée.
Clients arnaqués
En plus des retards flagrants dans les livraisons des véhicules neufs au profit des clients, certains concessionnaires sont versés dans l'arnaque. Comment est faite cette arnaque ? Récemment, les services de sécurité ont mené des enquêtes concernant de grosses commandes d'achat d'automobiles, faites par des personnes physiques et non pas par des sociétés, car seules les entreprises sont autorisées à faire ce genre de commandes. Ces dernières ayant une complicité dans certaines Agences de vente de véhicules et ont été «autorisées» par les responsables de ces boîtes pour y faire de grosses commandes de véhicules, alors que beaucoup de particuliers ont vu leurs demandes refusées. Le but des agences de véhicules était de satisfaire, au premier plan, les grosses commandes au détriment des particuliers qui, eux, se présentent uniquement pour faire une simple commande pour l'achat d'un seul véhicule. Il y a quelques mois de cela, trois frères ont procédé à une commande de 150 véhicules auprès d'un concessionnaire. Non seulement, cette commande a été acceptée sous le nom de personne physique, mais le plus étonnant c'est que le concessionnaire avait présenté une remise de showroom de 6 % alors qu'il s'agit pourtant de personne physique. Mieux, la personne physique ayant bénéficié de cette remise se voit offrir un autre avantage, celui de ne verser au départ que 10% du montant total de l'achat des véhicules. L'astuce est simple, le bénéficiaire est avant qu'il ne paye le montant restant, a déjà vendu tous les véhicules avant même de verser la totalité de la somme et avant même que les véhicules ne soient sortis de la maison. Autre détail important, la carte jaune, livrée par le concessionnaire (un document livré avant la carte grise), est émis au nom des acheteurs de seconde main. Ce qui ne pourrait pas être fait sans une complicité au niveau des concessionnaires.
Falsification en hausse
Il existe deux types de falsification. Dans une première étape, les réseaux de trafic falsifient les documents des véhicules, puis dans une deuxième étape recourent au trafic technique une fois les voitures volées. Par exemple, la couleur des voitures, les pneus, etc. Pour ce qui est des documents falsifiés, les trafiquants ont recours à la fraude en changeant les cartes grises et la fiche de contrôle technique. Généralement, ce genre de trafic dépend de la complicité des agents chargés de délivrer ces cartes et fiches. Quant au trafic technique, les réseaux de malfaiteurs utilisent plusieurs techniques modernes. Une fois le véhicule volé entre leurs mains, ils changent, dans un hangar clandestin, les plaques d'immatriculation originales par des fausses. Ils effacent ensuite le numéro de série de châssis du véhicule volé pour le remplacer par un autre. Enfin, les trafiquants changent souvent la couleur des voitures volées.
Exemples de pièges tendus par les trafiquants de voitures
Pour arriver à leurs fins, les réseaux de trafic font appel à différentes techniques pour piéger leurs proies. Selon le rapport de la Gendarmerie nationale, les réseaux utilisent neuf méthodes ou pièges pour voler les véhicules. Ils attirent d'abord les taxis clandestins, les taxis compteurs et les chauffeurs de bus, leur demandant de les accompagner vers une destination contre une somme intéressante. Au cours du trajet, les trafiquants demandent aux chauffeurs d'emprunter des raccourcis afin de gagner du temps, et c'est à ce moment là qu'ils passent à l'action, agressant les chauffeurs et volant leurs véhicules. Ce mode opératoire cible particulièrement les chauffeurs inter-wilayas et ceux qui exercent dans des stations urbaines. Le deuxième piège souvent utilisé par les trafiquants est l'encerclement de la victime. Les réseaux utilisent deux véhicules pour pouvoir encercler le propriétaire d'un véhicule afin de le coincer et voler son véhicule. La troisième technique consiste à voler les véhicules dans des endroits isolés, sur des routes peu fréquentées où beaucoup d'automobilistes ont été agressés et dépouillées de leurs voitures. La quatrième technique consiste en la surveillance des propriétaires de véhicules qui garent dans un endroit habituel. Faire un double des clefs est également une technique très en pratique chez les trafiquants. L'escroquerie fait aussi partie des techniques utilisées par les trafiquants qui, après avoir passé un accord avec un particulier possédant un véhicule à la vente, lui donnent rendez-vous pour ensuite le voler. Il y a également le recours aux belles «nanas» pour piéger les automobilistes. Cette technique semble très en vogue, et les réseaux ont pu commettre leurs forfaits grâce à l'aide précieuse de leurs complices. Ce n'est pas tout. Le rapport des gendarmes indique qu'une nouvelle technique est en train de se généraliser dans les réseaux : la complicité des propriétaires d'agences de location de véhicules. Grâce à cette nouvelle collaboration, plusieurs sociétés d'assurances ont été arnaquées. Comment ? C'est simple. Les véhicules assurés par ces agences sont désossés et leurs pièces détachées vendues. Puis certaines agences de location de véhicules alertent les sociétés d'assurances du soi-disant vol du véhicule. Le but est d'écarter tous les soupçons et gagner de l'argent à travers les sociétés d'assurances. Enfin, il arrive parfois que les trafiquants utilisent des armes à feu et des armes blanches pour arriver à leurs fins.
Source Les Débats Lotfi Itou
Le Pèlerin