Algérie - L’antiterrorisme sans politique antiterroriste
Un ratissage de grande envergure enserre la Kabylie depuis quatre ou cinq jours. Comme pour les précédents, les informations sur l’opération, abondantes au début, se feront de plus en plus rares pour qu’enfin, le quadrillage prenne fin sans même qu’on ne s’en aperçoive, dans la discrétion et sans bilan.
Le ratissage commence toujours par des faits, des chiffres et des lieux précis : des terroristes, dont des “émirs”, parfois la direction d’Aqmi, sont encerclés dans des maquis précis, puis, après des jours de siège, le camp est levé, sans plus de détails. Cette fois-ci, la rumeur court sur la mort, rééditée, de Droukdel, comme il en fut souvent de Hattab, tout au long de son règne avant qu’il ne réapparaisse à… la Chaîne I de la radio d’État en apôtre de la Réconciliation nationale. Alors même que la terreur connaît une certaine recrudescence en Kabylie et à ses confins, l’ancien chef du GSPC, déposé par ses compères, aujourd’hui converti aux “appels à la raison”, fait figure de symbole de “la paix revenue”.
Décidément, la Réconciliation nationale apparaît comme bien plus porteuse d’avenir pour les terroristes que pour leurs cibles. Une telle démarche a la particularité de renvoyer dos à dos les terroristes et les forces de défense de la nation ; à la fin virtuelle de cette drôle de guerre, le résistant ou l’agent de l’ordre ne seront pas, statutairement, plus patriotes que le terroriste. Ce sera juste la fin heureuse d’un malentendu, après quoi les frères qu’ils sont tous “re-fraterniseront”. Et c’est avec cette représentation qu’on voudrait avoir et l’arrangement avec l’islamisme conquérant et l’illusion de l’avoir vaincu !
Et pour convaincre les islamistes armés de sa bonne volonté, l’État a commencé par désarmer l’autodéfense citoyenne. La résistance et l’autodéfense sont, malgré une gêne évidente, progressivement dissoutes : la disparition de l’antidote devrait signifier que le mal a disparu aussi ! Le pouvoir a fini par anesthésier entièrement une société où le terrorisme a justement pu s’implanter parce qu’elle était déjà moralement déroutée. Aujourd’hui, les groupes se baladent dans des espaces qui, s’ils ne leur sont pas favorables, ne leur sont plus à risque.
Ce que le GIA n’a pas réussi, à cause de la clarté du débat qui, il y a vingt ans, mettait chacun devant ses responsabilités, Aqmi est en phase de le réussir grâce à la formidable entreprise de confusion qu’est la Réconciliation nationale. Le pouvoir a voulu désolidariser l’islamisme de la cause antiterroriste pour le disculper de sa meurtrière responsabilité.
En voulant banaliser la lutte antiterroriste, pour la désocialiser et la dépolitiser, et éviter la question de la responsabilité politique quant au malheur absolu qui frappe le pays depuis vingt ans, mais aussi en obligeant le citoyen à une neutralité morale vis-à-vis du terrorisme et de ses victimes, en le désolidarisant de la cause antiterroriste, le pouvoir a précipité les forces de l’ordre dans cette immense solitude sur le terrain.
La lutte antiterroriste, maladie honteuse du régime de la réconciliation, est gérée comme une simple tâche d’ordre public. Les vaines annonces d’éradication du fléau montrent bien qu’elle demeure une question éminemment politique. Il y a, à l’évidence, un problème de vision”.
Source Liberté Mustapha Hammouche
musthammouche@yahoo.fr
Le Pèlerin