Le pillage du patrimoine prend de l'ampleur
Pièces de monnaies, armes antiques, lampes à l'huile, manuscrits et autres sont là l'essentiel des 357 pièces archéologiques récupérées durant les trois premiers mois de l'année en cours par les unités de la Gendarmerie nationale en charge de la lutte contre les atteintes aux biens culturels et à la protection du patrimoine national.
C’est un trafic dont on ne parle pas souvent en dépit de son importance tant en termes d’ampleur qu’en termes de procédés, pourtant c’est de la contrebande bien organisée dont il s’agit où les criminels qui l’exercent activent en réseaux bien souvent internationaux. Il s’agit du trafic de pièces archéologiques faisant la richesse mais surtout l’identité historique du pays. Le trafic illicite des biens culturels comme une forme de criminalité spécifique prend, en effet, de plus en plus de l’ampleur, les trafiquants adoptant de nouveaux techniques et procédés dans un cadre structuré. Une «fonction» en forte activité dans l’Est algérien, que pratiquent les contrebandiers «en sous-marin», puisque officiellement et aux yeux de tous, ils sont commerçants, journaliers et même fonctionnaires. Ces derniers s’adonnent à la contrebande et à la vente des pièces archéologiques récupérées ou trouvées suite à des fouilles illégales. Plus ambitieux, ils exercent dans «l’export» de ces pièces en établissant des contacts à l’étranger dont les pays voisins en vue d’organiser leurs transactions. Sabres en bronze de l’époque coloniale 1852, pièces de monnaies en bronze de l’époque antique, numidienne et romaine, statuettes métalliques datant de l’époque punique, des médailles en bronze du XXe siècle, ustensiles de cuisine en argent et en bronze (chope, cuillère et assiette) datant de l’époque antique, des pièces de météorites et autres œuvres d’art.
Ainsi, pour les trois premiers mois de 2013, ce sont pas moins de 357 pièces archéologiques qui ont été récupérées après 23 affaires traitées durant les trois premiers mois de l’année en cours par les unités de la Gendarmerie nationale en charge de la lutte contre les atteintes aux biens culturels et à la protection du patrimoine national. Suite à quoi 14 personnes ont été incarcérées.
Une activité concentrée dans l’est du pays
Pour démonter la courbe ascendante de cette activité, durant l’année 2012, les unités de la Gendarmerie nationale, en collaboration avec les Cellules régionales de lutte contre les atteintes aux biens culturels de Souk-Ahras, Tipasa et d’Oran ont traité pas moins de vingt-cinq affaires ayant conduit à l’arrestation de quarante-trois personnes et la saisie de quatre cent quatre -vingt-quinze pièces archéologiques qui ont été remises aux directions de la culture. De leur côté, les unités de l’Armée ont découvert dix sites archéologiques qui ont été portés à la connaissance des autorités concernées. Alors qu’en 2011, 278 pièces archéologiques ont été récupérées et 27 mis en cause arrêtés sur 23 affaires traitées. A cela sont venus s’ajouter onze sites archéologiques découverts par les unités de la Gendarmerie nationale.
Dans le détail, ces affaires ont concerné les découvertes archéologiques, la vente illégale des objets archéologiques, les fouilles illégales, la dégradation, la destruction, la mutilation, l’abattage, la non-déclaration de la découverte, l’escroquerie et enfin la contrebande des objets d’art. Par régions, celle de l’Est vient en tête du palmarès, avec en premier lieu la wilaya de Souk-Ahras, suivie de Guelma, Batna et de Sétif, puis de Tipasa pour le centre du pays. De ce fait, il est évident que la concentration du trafic lié aux pièces archéologiques relevant du patrimoine national dans cette région trouve son explication dans le fait que bon nombre de monuments et sites historiques que recèle l’est du pays notamment localisés dans la région des Aurès et le Constantinois. Ce que viennent appuyer les statistiques données par la Gendarmerie nationale selon lesquelles l’activité des unités du
5e Commandement régional de la Gendarmerie nationale de Constantine a enregistré le nombre le plus élevé en matière de constatation des infractions liées aux atteintes aux biens culturels avec seize affaires traitées, soit un taux de 64% du nombre global. De ce fait, la Gendarmerie nationale qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre cette forme de contrebande, prend part actuellement au14e Salon international du tourisme et des voyages (Sitev) pour une sensibilisation optimale des citoyens sur la protection du patrimoine, ainsi que celle des zones touristiques, la saison estivale étant dans deux semaines.D’autre part, outre de coopérer avec le ministère de la Culture, à travers la restitution des pièces et objets récupérés, elle a organisé des formations de recyclage axées sur la lutte contre les atteintes aux biens culturels, (techniques d’investigation, procédures, processus criminalistique), au profit du personnel des unités spécialisées en police judiciaire.
Source L’Expression Le Jour d’Algérie
Lynda Naili Bourebrab
Le Pèlerin