Algérie - Tramway d’Alger - Le tram traîne toujours
Programmé pour desservir les quartiers Est d’Alger, depuis le carrefour des Fusillés (Hussein-Dey) jusqu’au centre de Dergana dans la banlieue, sur une ligne de 23 km, le tramway d’Alger demeure pour le citoyen un «éternel» chantier. Les essais dynamiques pour tester le matériel roulant sur la voie, lancés en mai dernier, sont quasi quotidiens. Parallèlement, l’avancement des travaux de terrassement, de mise en place des rails et de construction des 38 stations est très lent. A Bordj-El-Kiffan, le chantier longe le long de la rue Colonel-Amirouche allant jusqu’à Bab-Ezzouar. La chaussée rétrécit et les déviations improvisées exacerbent la circulation automobile. Sur tout le tracé du projet, c’est le même décor et les riverains commencent à se lasser de ces travaux qui «n’ont que trop duré». Rencontré à proximité de la cité du 8-Mai-1945 (Sorecal) à Bordj-El-Kiffan, un groupe de jeunes ne dissimulent pas leur mécontentement quant aux désagréments causés par les travaux du tramway. Pour Sid Ali, ce projet a rendu la circulation routière plus difficile qu’elle ne l’était. «Avant le lancement du tramway, il y avait moins d’embouteillages dans le quartier. Dès l’ouverture du chantier, la route est bouchée tout au long de la journée et l’accès à la cité est devenu difficile», explique-t-il. Il estime qu’une fois opérationnel, le tramway ne sera pas aussi utile qu’on le prétend. «Pour me rendre à Alger, je n’ai pas à faire l’escale à Ruisseau pour ensuite prendre un autre moyen de transport, bus, train ou taxi, afin d’atteindre le centre de la capitale.» Non moins pessimiste, son ami Abderrahmane, étudiant à l’USTHB, juge que «nous ne sommes pas encore à la hauteur de la culture du tramway. Il faut d’abord commencer par aménager les routes avant de penser plus haut».
Le projet de tous les désagréments
Qualifiant le chantier d’«éternel», les commerçants de la région affichent, eux aussi, leur «ras-le-bol». Les travaux enferment les lieux depuis des mois et rendent inaccessible, disent-ils, l’accès à leurs boutiques. Mourad, gérant d’un cybercafé, raconte les quotidiennes coupures d’électricité. «Depuis trois mois, on ne cesse d’enregistrer des coupures d’électricité dans la cité du 8-Mai-1945 et les commerces limitrophes, cafétérias, cybercafés, prêt-à-porter. Il arrive même qu’on nous prive d’eau potable ou de gaz quand les canalisations sont endommagées par les travaux», dit-il, avant d’ajouter : «Ce projet a carrément tué nos commerces. Nous demandons à ce qu’on soit indemnisés. » Tout autant furieux par tous les désagréments causés par ce chantier, un autre citoyen peste : «Ce projet n’est que de la poudre jetée aux yeux du peuple. Il ne réglera jamais le problème du transport urbain !» Pour lui, désengorger la capitale ne passe pas par la mise en place d’un tramway ou d’un métro. «Il faut penser d’abord à augmenter le parc d’autobus, élargir les routes existantes et créer de nouvelles voies de circulation», dit-il. Quant aux retards enregistrés dans l’avancement des travaux, les jeunes de la cité du 8-Mai-1945 ont leur mot à dire. Ils pointent du doigt les sociétés sous-traitantes. «Les sous-traitants travaillent comme des bricoleurs. Les retards s’accumulent suite à la mauvaise gestion et au gaspillage des matériaux utilisés qui règnent sur les lieux. A l’entrée de notre cité, un tronçon de 20 m en béton a été refait 4 à 5 fois. Ce sont des centaines de mètres cubes de béton qui ont été gaspillés», assurent-ils. Le volet écologique, selon eux, a été complètement ignoré par les responsables du chantier. «Des arbres, dont des ficus et des platanes, datant de l’époque coloniale, plantés tout au long de la rue Colonel-Amirouche ont été rasés dès le lancement du projet», déplorent-ils. Face à cette cité, des bâtisses en enfilade. Au rez-de-chaussée, des magasins font face au chantier du tramway. Le trottoir entièrement abîmé, les propriétaires se plaignent de l’étroitesse des lieux pour le stationnement réservé à leurs clients. Pourtant, dans avec un tel décor, certains citoyens restent tout de même optimistes. Deux gérants d’un magasin d’habillement pour homme affirment que la mise en marche du tramway va certainement réduire la pression sur les routes et débloquer les encombrements. «Ce moyen de transport public nous permettra de gagner du temps lors de nos déplacements sur Alger», dira l’un d’entre eux. Son ami d’enchaîner : «C’est un ancien projet qui refait surface des décennies plus tard et je pense qu’il facilitera aux citoyens de la région leur déplacement en banlieue. »
Le tramway, mais à quel prix ?
Le prix du ticket du tramway qui n’est toujours pas fixé obsède les citoyens. «Nous avons entendu dire que le ticket sera cher, chose qui n’arrangera pas toutes les catégories sociales», dira Mohamed, un habitant de Bordj-El- Kiffan. Il se rend quotidiennement à Alger, lieu de son travail. Mohamed affirme que si le prix du billet était accessible ou au même tarif que celui du bus, il préférerait emprunter le tramway. Mais dans le cas contraire, «je continuerai à opter pour le bus». Serrant la main de son fils pour traverser la route, Wahiba, mère de quatre enfants, estime que le tramway contribuera à éviter les pertes de temps. «Jusqu’à 40 DA comme prix du ticket, je suis pour ce moyen de transport. Il m’évitera les embouteillages et me permettra d’arriver à temps. Actuellement, je me déplace en taxi, je paye cher et je n’arrive jamais à l’heure», dit-elle.
Source Le Soir d’Algérie Rym Nasri
Le Pèlerin