Le ton en est donné
Quelque trois mois nous séparent de la campagne électorale officielle pour les législatives. C’est à la fois court et long… pour les partis. Court, sûrement, très court même pour ceux d’entre eux qui attendent le feu vert du ministère de l’Intérieur, non pas pour organiser leur congrès constitutif, cette formalité dont en principe ils se sont tous déjà acquittés, mais pour se lancer dans la course aux sièges de l’Assemblée. Même si c’est aujourd’hui qu’ils reçoivent leurs agréments, ce n’est pas évident qu’ils puissent disposer de suffisamment de temps pour se préparer convenablement à la consultation. Ils n’en seront pas moins désavantagés par rapport à leurs compétiteurs établis depuis plus longtemps.
Mais trois mois, cela reste quand même un délai plutôt long dans une compétition électorale. Un parti qui se lancerait dès maintenant dans la campagne, dans l’idée par exemple qu’il s’arrogerait de la sorte une belle avance sur ses rivaux, pourrait très bien se trouver à bout de souffle au moment où débute la vraie campagne. Il se verrait dépasser par ses concurrents, lui qui croyait les avoir semés. Sa précipitation risque de lui être d’autant plus préjudiciable qu’il ne dispose pas en l’occurrence de toutes les données relatives à la campagne. Il ne sait toujours pas qui y sera et qui n’y sera pas, ce qui constitue tout de même une condition essentielle.
En dehors même des nouveaux partis, dont la participation ne dépend pas d’eux mais de l’administration, qui a l’air encore de se demander quel sort final leur réserver, il en est au moins deux autres, et non des moindres, qui à ce jour n’ont pas encore tranché cette question à leur niveau. J’ai nommé le FFS et le RCD. Les deux sont susceptibles d’opter pour le boycott des législatives. Mais comme ils n’ont pas pour habitude d’apporter les mêmes réponses aux mêmes problèmes, il est raisonnable de penser que cette fois-ci aussi ils vont d’une certaine façon se faire un point d’honneur de prendre le contrepied l’un de l’autre. A la condition toutefois que ce soit le FFS, à tout seigneur tout honneur, qui se prononce d’abord. S’il dit, par exemple, qu’il entre dans la compétition, il y a des chances pour que le RCD, invoquant la fraude «massive et généralisée», décide lui par contre de ne pas y prendre part. Mais si le FFS, détrompant à peu près tous les pronostics, finit par se raviser, dénonçant par avance la fraude, dont il aura constaté bien sûr toutes les prémices, nul doute alors qu’on verra le RCD laisser tomber ses préventions pour entrer en lice. Sans pour autant bien sûr cesser de mettre en garde contre les terribles conséquences d’une fraude monumentale.
De tous les partis, reconnus et non reconnus, c’est le PT qui est entré le premier en campagne, sur des chapeaux de roue qui plus est. Ne supportant pas l’espèce d’arrogance dont font preuve les partis islamistes – sous leur double espèce, reconnus et non encore reconnus, le plus exaspérant de tous appartenant justement à la deuxième catégorie, le parti de Djaballah – qui s’en vont répétant qu’ils sont sûrs cette fois-ci de l’emporter, il sort sa plus grosse artillerie pour leur barrer la route, les démolir plutôt, avant même qu’ils ne s’élancent dans la course. Ce faisant, il donne le ton de la campagne. Ce ne sera pas programme contre programme. Propositions contre propositions. Mais invectives contre invectives. Diatribes contre diatribes. Accusations contre accusations. Soit d’être à la solde de l’étranger, comme Louisa Hanoune l’affirme de bien des organisations, mais davantage encore de Djaballah, qui se ferait financer par les Américains. Soit à celle du pouvoir. Ce que disent déjà assez clairement les bords pris comme cibles de prédilection par Louisa Hanoune.
On le voit donc, bien que la campagne n’ait pas commencé, on sait déjà quels en seront les thèmes majeurs, sinon exclusifs. Cet avant-goût dispensé par Louisa Hanoune prélude à l’ambiance qui règnera quand elle battra son plein. Pour autant, les accusations portées par Louisa Hanoune risquent beaucoup de paraître sans grande saveur devant celles que pourront se balancer le RCD et le FFS si d’aventure ils se présentent en même temps.
Source Le Jour d’Algérie Mohamed Habili
Le Pèlerin