Une vérité pénible à dire
Depuis l’enlèvement des diplomates algériens à Gao, il ne s’est pas passé de jour, pour ne pas dire d’heure, sans que la nouvelle de leur libération, ou de leur quasi-libération ne soit claironnée, par un média ou par un autre, en version écrite ou virtuelle, mais qui tous communient dans une sympathie diversement marquée pour le MNLA. Mais davantage encore pour sa déclaration d’indépendance, saluée par certains comme un événement majeur dans la région, comme un tournant ouvrant sur l’avenir.
Pour un peu on croirait qu’ils en sont partie prenante, que c’est un peu leur indépendance qui vient d’être proclamée. Des journaux ont annoncé la libération des otages à grosses manchettes, contre toute vraisemblance d’ailleurs. Leur enlèvement a pourtant été revendiqué, et par une organisation salafiste, le MUJAO, à qui est déjà arrivé, en ce qui la concerne, de faire un autre type de déclaration : rien de moins qu’une déclaration de guerre à notre pays. Et elle l’a fait non pas en paroles mais par l’acte, par un attentat-suicide, à Tamanrasset, au mois de mars, ciblant le siège de la Gendarmerie nationale. Des semaines donc avant l’enlèvement des diplomates. Ce dernier forfait, en somme, n’a fait qu’entériner la déclaration de guerre déjà faite.
Le seul journal à avoir rappelé ces éléments d’information, pourtant essentiels, c’est Le Jour d’Algérie, dans l’édition d’hier, sous le titre :«Ce MUJUO en guerre contre l’Algérie». Sofiane Abi, l’auteur de l’article, a été aussi le premier à avoir le courage de dire tout haut ce que tout le monde, à l’exception des pro-MNLA, (mais pour être les plus bruyants, ceux-là n’en sont pas moins une minorité), pense tout bas, à savoir que la perspective de la libération des otages, hélas, ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Le MNLA et ses porte-parole en Algérie ont beau nous en donner l’assurance, et même l’annoncer pour les heures qui viennent, la réalité ne conforte pas leur optimisme. Quelquefois on se demande si c’est le sort de nos otages qui les préoccupe le plus. Si ce ne sont pas plutôt les conséquences de cet acte de guerre sur l’avenir politique du MNLA qui retiennent le plus leur attention.
Certes, le MNLA ne demanderait pas mieux que de voir libérer les otages par leurs ravisseurs, qu’ils connaissent bien d’ailleurs. Il paraît même qu’un nombre appréciable de ses soldats n’étaient pas bien loin du consulat quand les terroristes du MUJUO, leurs alliés à tout le moins objectifs, y ont fait irruption pour commettre leur forfait. Si le fait était avéré, cela voudrait dire qu’ils étaient complices, et donc coupables ne serait-ce que pour non-assistance à personnes en danger. Mais de plus lourdes suspicions pèsent sur les indépendantistes touaregs. On ne peut s’empêcher en effet de penser qu’ils ont estimé ne pas devoir intervenir, le risque étant trop grand pour eux d’avoir à se battre dès ce moment sur deux fronts – à supposer que ce ne soit pas sur plusieurs, au cas où le MUJUO ne serait pas aussi isolé qu’il y paraît, mais appartiendrait à une coalition de groupes salafistes. L’Organisation principale en serait dans ce cas AQMI que cela ne serait pas pour étonner outre mesure.
Tout cela assène une même leçon : il ne faut pas se bercer d’illusions quant au sort pouvant être réservé à nos otages. Ils sont bien en danger de mort. Et ce ne sont pas les bonnes relations du MNLA avec leurs ravisseurs qui les garantiraient contre ce sort funeste. On a bien vu le peu d’entente entre les deux groupes : les rebelles touaregs n’ont plus tôt proclamé leur indépendance que le groupe djihadiste répliquait en instaurant la charia sur tout le territoire «libéré», joignant sans plus attendre l’acte à la parole.
Aussi, ne faut-il compter que sur l’ANP pour obtenir la libération des otages. Il n’y a qu’elle dans la région pour avoir les moyens et la volonté de réaliser cette opération. De la réussite ou de l’échec de celle-ci dépend la vie des otages. Mais dans un cas comme dans l’autre, ni le MUJUO ni le MNLA n’ont un grand avenir dans le Sahel.
Source Le Jour d’Algérie Mohamed Habili
Le Pèlerin