Algérie – Les mauvais perdants
Imaginez des petits commerçants qui décident de boycotter un marché dominé par la grande distribution. Echec assuré. C'est ainsi que peut être résumée la décision des 14 partis politiques de boycotter la nouvelle législature. En réalité, 7 d'entre eux n'ont obtenu aucun siège de député. Ceux-là auraient mieux fait de réfléchir avant de se laisser entraîner dans le ridicule et signer un boycott de quelque chose qu'ils n'ont pas. L'autre moitié a, en tout et pour tout, 28 sièges sur les 462 que compte la nouvelle Assemblée. On vous laisse deviner l'effet que peut avoir un tel «poids» sur le fonctionnement de l'institution. Toujours dans le ridicule quand ces 14 partis décident de tout leur «poids» de «ne pas reconnaître le gouvernement issu de cette Assemblée». En définitive, il n'y a pas que les 7 premiers qui auraient dû réfléchir avant de rendre public leur accord mais l'ensemble des 14. S'ils avaient réfléchi, ils auraient évité l'effet boomerang de leur décision. Un effet qui les réveillera sans doute. Un peu tard, tout de même. Le leader du FJD, Abdallah Djaballah, qui a abrité la réunion, a cru voir un de ces effets. «Le retrait des députés n'aura aucun impact politique sur le terrain, puisque de toute manière, l'administration va les remplacer», a-t-il déclaré aux journalistes à l'issue du conclave. Il pensait naïvement que les journalistes ignoraient la difficulté des partis à exiger de leurs députés de renoncer à la vie parlementaire. Donc pas de retrait mais boycott des travaux. Plutôt absentéisme puisqu'il s'agit de garder le mandat et de ne pas assister aux travaux. Il a, cependant, oublié que le règlement intérieur de l'APN va être amendé pour combler le vide face au problème de l'absentéisme des députés qui a marqué durement les précédentes législatures. Il est clair que si un tel amendement, lorsqu'il avait été annoncé, avait fait sourire Mme Louisa Hanoune qui y voyait une «fonctionnarisation» des députés, il n'en demeure pas moins qu'il existe dans des parlements bien plus anciens que le nôtre. A titre d'exemple, en 2011 plus de 100 députés français ont été sanctionnés pour absentéisme. Le sixième des sièges de leur assemblée, alors que chez nous cette tendance était inversée. Donc M.Djaballah et les partis qui l'ont suivi déchanteront vite lorsque leurs députés feront le choix de leur désobéir pour ne pas perdre les avantages liés à leur mandat. Les députés y gagneront et la crédibilité du nouveau Parlement, aux yeux des électeurs, aussi. Un paramètre d'appréciation qui a visiblement échappé aux 14. Pardon! Aux 7. A ceux qui ont des députés. Cela ne nous empêchera pas de pousser plus loin les observations. Comment des chefs de parti peuvent-ils encore pousser à l'absentéisme au Parlement quand 35 millions d'Algériens ne cessent de le dénoncer? Ces mêmes partis qui se demanderont ensuite pourquoi les électeurs leur tournent le dos. La législature de 2012 bénéficie d'un état de grâce tant sa configuration augure d'un réel changement. Des parlementaires jeunes. Plus d'un tiers de femmes parmi eux. Des parlementaires indemnes des tares du passé. Des parlementaires qui portent sur leurs épaules les aspirations au changement de toute une nation. Contre l'enrichissement illicite, contre le trafic d'influence, contre la corruption, contre l'absentéisme, pour une plus grande écoute des préoccupations des citoyens, pour une plus grande interactivité. De tout cela, les 14 n'ont vu que leur «nombril». Au lieu de mieux se préparer pour les municipales qui auront lieu dans quelques mois, au lieu de penser déjà aux législatives de 2017 sachant que la confiance des électeurs se gagne au long terme, les 14, en voulant gagner vite et gros, n'auront réussi qu'à aggraver leurs pertes. Comme tous les mauvais perdants!
Source L’Expression
Le Pèlerin