50 ans d’indépendance par Selma Belaala, chercheuse à l'université de Warwick
Le 19 mars 1962, au lendemain des accords d'Evian, un cessez-le-feu était signé entre le gouvernement français et le FLN algérien. Chercheuse à l'université de Warwick (Royaume-Uni), Selma Belaala revient sur cinquante ans d'indépendance.
Quel bilan peut-on faire de ces cinquante années?
Malheureusement, la guerre civile qui a ensanglanté le pays dans les années 1990 occulte toute cette histoire. Car elle pose la question, fondamentale, des raisons qui ont poussé de nombreux jeunes Algériens à rejoindre le mouvement armé islamiste et à travers lui, à adhérer, pour un temps, à une idéologie qui remet en cause les valeurs mêmes de l'Etat-nation algérien tel qu'il s'est construit après l'indépendance.
Cette remise en cause perdure-t-elle encore?
Dans les régions du nord-est et en Kabylie, il y a une claire remise en cause de l'Etat-nation – et pas seulement du régime – de la part de mouvements islamistes fondamentalistes.
Finalement, le régime est peu remis en cause?
Le système est remis en question, mais le régime est toléré par une partie de la société. En partie, en raison de la guerre civile des années 1990, qui a bouleversé le pays. En outre, elle s'est terminée sans témoignages sur cette partie cruciale de l'histoire politique du pays, sans qu'il y ait de réconciliation, entre les islamistes violents et leurs victimes par un processus démocratique. Du coup, les Algériens qui conservent la mémoire de la violence, ne veulent pas prendre de risques et préfèrent choisir de préserver le minimum de sécurité que leur assure la politique du président Bouteflika. Entre le peuple et le Président, il y a un accord tacite qui consiste à préserver une sécurité minimum en contrepartie d'une sujétion à laquelle il est soumis et de son exclusion des ressources économiques du pays.
Comment voyez-vous l'avenir de l'Algérie?
Le pays est enfermé par sa classe politique dans une idéologie populiste nationaliste. Il y a, du coup, au sein de la population, un profond manque d'intérêt pour l'avenir. On peut même dire que c'est un pays qui s'est arrêté de regarder vers l'avenir.
Source 20minutes.fr recueilli par Armelle le goff
Le Pèlerin