Routes et autoroutes : beaucoup d’argent pour peu de résultats
La qualité déplorable des routes est toujours de mise, en dépit de tous les projets réalisés.
Les travaux publics est l’un des secteurs auquel des enveloppes colossales ont été allouées pour la réalisation de nouveaux axes routiers, des ouvrages d’art ainsi que la réfection des tronçons dégradés. Depuis le début des années 2000, le gouvernement a même fait de ce créneau son fer de lance, dans un objectif global d’améliorer les conditions de circulation, de réduire les accidents et même de donner un souffle nouveau aux échanges économiques entre les différentes régions du pays. Au vu de l’ampleur du défi à relever, des entreprises étrangères de renommée ont été appelées pour réaliser des projets conjointement avec la mobilisation des entreprises publiques et celles créées par les jeunes dans le cadre des divers dispositifs mis en place par l’Etat. Mais aujourd’hui, la situation demeure «critique» dans ce secteur, car la plupart des routes et autoroutes sont dans un état lamentable, portant ainsi un lourd préjudice aux automobilistes et continuant d’être l’une des causes des accidents. Il suffit, en effet, de circuler à l’intérieur de n’importe quelle ville du pays pour se rendre compte que beaucoup reste à faire et que la dégradation n’a épargné aucune région, même les localités qualifiées de «huppées». Des nids-de-poule partout, des trous atteignant parfois un demi-mètre de profondeur, des ralentisseurs placés de manière anarchique çà et là, des panneaux de signalisation quasiment inexistants... Une réalité qui suscite le courroux des usagers de la route, qui appellent à une prise en charge sérieuse de cette question de grande importance. «Il faut que les autorités insistent sur la qualité des travaux et ne confient pas les projets à n’importe quelle entreprise, car nous avons constaté que la plupart des entreprises font dans la précipitation juste pour montrer qu’elles respectent les délais de réalisation et, par conséquent, prendre en charge de nouveaux projets», lancent certains automobilistes en colère. A Alger, la capitale, par exemple, les nids-de-poule sont érigés en règle dans la majorité des quartiers et plusieurs actions de protestation ont été organisées pour dénoncer cet état de fait tant dans la capitale que dans d’autres régions du pays, sans que cela se traduise par un changement de stratégie de travail par les autorités. «Seuls les entrepreneurs sont gagnants dans ce bâclage. Sinon, comment expliquer qu’une route réhabilitée «renoue» avec les défauts quelques jours après la fin des travaux ?», s’interrogent nos interlocuteurs. Ce qui est encore plus intrigant c’est cette inexistence de panneaux indiquant la dégradation de la chaussée. L’automobiliste roule «tranquillement» jusqu’à ce qu’il soit surpris par un trou ou un ralentisseur ! Une surprise dont les conséquences sont souvent désastreuses.
Trop de ralentisseurs !
Action - Afin de limiter la vitesse des automobilistes, les autorités locales de différentes localités ont procédé, ces dernières années, à la mise en place d’un nombre impressionnant de ralentisseurs.
Toutefois, cette action est caractérisée par une grande anarchie puisque ces ralentisseurs, appelés communément dos-d’âne, sont dans la plupart des cas placés dans des endroits non appropriés. Au lieu de les placer à l’approche des endroits qui connaissent une grande circulation de piétons, comme près des établissements scolaires ou des hôpitaux, ces dos-d’âne tendent à devenir la règle au niveau des axes routiers. Parfois, même dans des virages ! Il semble que les autorités locales ont tendance à les généraliser pour imposer un certain seuil de vitesse à ne pas dépasser. Si dans la journée les ralentisseurs sont visibles, ce n’est pas le cas la nuit. Ces dos-d’âne consistent, en effet, à des blocs de bitume, parfois d’une hauteur impressionnante. Au lieu de les peindre en blanc pour qu’ils soient visibles en toute circonstance, ou au moins installer des panneaux d’indication avant d’y arriver, rien n’a été fait dans ce sens. Pourtant, il s’agit là d’une opération de très grande importance, sans laquelle l’objectif escompté risque d’être hypothéqué. «C’est comme si les responsables nous demandaient de deviner les lieux où sont placés des ralentisseurs ! C’est vraiment absurde», déplorent plusieurs automobilistes interrogés à ce sujet à Alger, Blida, Boumerdès et Bouira. Une colère partagée, sans doute, dans l’ensemble des wilayas, puisqu’il s’agit d’une procédure réalisée à la hâte et sans prendre en compte tous les paramètres nécessaires. Une situation qui s’avère, il faut le dire, très préjudiciable pour les usagers de la route. «Il y a à peine quelques semaines, j’ai été surpris par un immense ralentisseur à la sortie de Bordj El-Bahri. Comme je roulais à 90 km/h, car la circulation était fluide, j’ai été pris au piège. Le plancher de ma voiture a subi des dégâts et j’ai failli même foncer droit sur un arbre à cause de la panique», témoigne Mourad habitant à Boudouaou. «Normalement, c’est à la partie qui a procédé à l’installation de cet immense ralentisseur de manière aussi anarchique de prendre en charge la réparation de mon véhicule. A quand cette gestion approximative d’un aspect lié directement aux vies humaines ? La sécurité des automobiles a-t-elle si peu d’ importance aux yeux des autorités ?», s’interroge notre interlocuteur. La situation devient encore plus dangereuse, puisque la plupart des axes routiers ne sont pas dotés, jusque-là, d’éclairage public. Seuls ceux qui se sont habitués à rouler sur les mêmes routes peuvent se mettre à l’abri des fâcheuses surprises des dos-d’âne.
Ralentisseurs/ Rien n’a changé depuis…2001
Le placement des ralentisseurs a fait l’objet de plusieurs textes réglementaires, mais qui sont, malheureusement, restés «noir sur blanc». L’anarchie demeure le maître mot, avec tout ce que cela provoque comme conséquences désastreuses sur les usagers de la route. En 2001, un texte de loi a été adopté pour mettre de l’ordre dans le placement de ces dos-d’âne, mais plus de douze ans plus tard, rien n’a changé. Il s’agit, en effet, de l’article n° 27 de la loi 04-16 de 2001 qui définit les modalités et les conditions y afférentes. Cet article de loi définit les ralentisseurs comme «des dispositifs matériels destinés à la réduction de la vitesse sur certaines voies». Leur implantation est «soumise à l’autorisation préalable du wali, sur proposition du président de l’Assemblée populaire communale», stipule le même texte, expliquant que «les ralentisseurs doivent être implantés selon des normes et mesures unifiées à travers le territoire national». Ce qui est encore frappant est que même des particuliers procèdent au placement de ralentisseurs devant leur domicile, comme pour protéger leurs enfants des dangers des véhicules roulant à vive allure, sans être inquiétés. Et la loi attend son application…
Autoroute Est-Ouest, l’autre mauvais
exemple
Défaillances - Annoncée en fanfare au début des années 2000, l’autoroute Est-Ouest n’est non seulement pas achevée dans sa globalité, mais elle a même commencé à dévoiler ses défauts.
Un tronçon dépassant 25 kilomètres de longueur au niveau de Lakhdaria fait objet de travaux de réfection depuis plus de deux mois, l’axe entre Kheraïssia et Birtouta (Alger) a pris plus de trois mois pour sa réhabilitation et d’autres parties de cette immense autoroute subissent encore les mêmes travaux. Fin octobre 2013, les deux tunnels de Bouzegza – entre les wilayas de Boumerdès et Bouira – ont été fermés pendant près d’une semaine pour le même motif. Les centaines de milliers d’usagers de la route se sont ainsi rendu compte que ce mégaprojet n’est pas encore arrivé à son terme. Une bagatelle de 11,2 milliards de dollars a été dévorée, une multitude d’entreprises de différentes nationalités ont participé à sa mise en œuvre, mais plus de dix ans après son lancement les 1 216 kilomètres d’autoroute sont, encore, loin d’être atteints. Pourtant, sa date limite de livraison a été annoncée, rappelons-le, pour 2009, mais voilà que quatre ans plus tard, le projet traîne encore. Les automobilistes doivent encore faire preuve de patience et se contenter de ce qui a été réalisé, jusque-là, en attendant mieux. «Depuis sa mise en service, la partie disponible de cette autoroute n’a jamais fonctionné convenablement ! Il y a souvent des travaux dans un tronçon quelque part. Je n’arrive pas à comprendre comment un tel projet qui a nécessité de gros budgets n’a pas été réalisé selon les normes mondiales. Et pourquoi des études sérieuses n’ont pas été faites sur le sol pour pallier ces glissements de terrain répétitifs qui sont derrière la dégradation de la chaussée ?», s’interroge Aâmi Akli, un chauffeur de taxi interwilayas, qui dit avoir sillonné toutes les régions du nord et de l’intérieur du pays durant ses 28 ans de service. Le manque de stations-service et d’aires de repos constitue l’autre point noir de cette autoroute. Le problème se pose avec acuité notamment dans la partie ouest, où les stations-service se comptent sur les doigts d’une main. Par exemple, entre Blida et Oran – sur une distance de plus de 300 kilomètres –, il n’y a qu’une seule station, celle de Yellel dans la wilaya de Relizane ! L’automobiliste est, donc, appelé à prendre ses précautions, surtout en termes de carburants pour échapper à toute mauvaise surprise. «Nous nous sommes habitués à ce genre de désagréments. Avant de prendre cette autoroute, nous remplissons le réservoir et nous prenons des bidons de 10 ou de 20 litres comme secours. Nous attendons toujours la concrétisation de toutes les structures annoncées depuis plusieurs années, par les hauts responsables du secteur», affirment certains automobilistes rencontrés à la station de Yellel.
Des travaux interminables
Les autorités locales ne ménagent aucun effort pour la réhabilitation des axes routiers dégradés. Les travaux engagés çà et là en sont le meilleur indice. Des entreprises publiques et privées sont souvent mobilisées pour pallier les insuffisances, sur, bien évidemment, le budget de l’Etat. Mais, malheureusement, les mêmes défauts reparaissent quelques semaines à peine après l’achèvement des travaux, ce qui renseigne sur cette culture de «bâclage» qui se généralise. Les défauts sont constatés notamment en hiver, ou quelques gouttes de pluies provoquent des trous sur des tronçons qui viennent, pourtant, d’être bitumés. Aucune cité n’est épargnée par ce phénomène face auquel les autorités s’avèrent impuissantes. Même les manifestations de colère des citoyens face à ces anomalies persistantes n’ont pas eu l’effet escompté, puisque la même attitude perdure. Pourquoi ce gaspillage de l’argent public sans atteindre les objectifs escomptés ? Comment se fait-il que les autorités confient des projets d’une telle importance à des entreprises, sans aucun contrôle ? Et pourquoi les entreprises défaillantes n’ont-elles pas été sanctionnées pour servir d’exemple ?... Ce sont autant d’interrogations qui taraudent l’esprit des citoyens, premières victimes d’un laxisme flagrant. Les exemples ne manquent pas. Les dernières pluies qui se sont abattues sur les régions de l’est du pays ont mis à nu les graves défaillances. L’arrivée de l’hiver va certainement dévoiler d’autres lacunes
Source Infosoir Anis Hani
Le Pèlerin