Algérie - Le devoir de servir
Le rendez-vous du 10 mai approche à grands pas et une multitude de partis - dont une quinzaine de nouvelles formations agréées ces dernières semaines - sont partants pour arracher l'un des 473 sièges de la future Assemblée nationale populaire (APN). A priori, c'est une excellente chose, dans la mesure où le débat sera ouvert et multiforme avec, nécessairement, à l'arrivée, la décantation du champ politique national d'une part, la clarification de la donne politique d'autre part. Il était donc attendu des joutes électorales loyales où l'intérêt de l'Algérie serait, selon la formule consacrée, «au-dessus de toute considération». Cela est la théorie, car la réalité, hélas, est bien autre. Comment, en effet, pouvait-il en être autrement quand des partis recrutent leurs «candidats» par annonce ou par «appel d'offres»; lorsque un leader politique propose contre 100 millions de dinars les têtes de listes (éligibles) de son parti pour le scrutin du 10 mai; quand, pour être en conformité avec le quota de femmes imposé par la loi, les partis redécouvrent - 23 ans après l'ouverture de l'espace politique national et l'avènement du pluralisme politique - l'autre moitié de la population algérienne? Où est donc la conviction politique qui devait seule présider au choix de candidats et de candidates devant composer la future Assemblée nationale? On estimait que la politique est une chose assez importante, pour qu'elle soit traitée avec sérieux et sincérité, censée défendre un idéal, des idées et des convictions que les militants s'attacheraient à faire partager à d'autres citoyens. Il est vrai qu'en ces temps de crise de la pensée politique, il était vain d'attendre que la lumière vienne de ceux-là mêmes qui ne cessent de crier à la fraude, alors que la première fraude est encore celle de tromper l'électeur sur la «fiabilité» du candidat qui lui est proposé. Faire de la politique, c'est d'abord, croire à quelque chose, avoir un projet de société, un programme politique à proposer et à faire partager. Car demain, ceux qui seront dans l'hémicycle auront alors à défendre ce projet, ce programme, tenter de les faire prendre en compte sous forme de proposition de loi. Comment cela peut-il se faire lorsque le candidat se recrute par voie d'affiche? Est-ce cela la politique? Est-ce cela le «député» dont la fonction a été de lever la main et dont les émoluments, mirobolants, ont constitué l'un des scandales de l'APN sortante? Non, vraiment, sous quelque angle que l'on conçoit le fait, on ne peut que relever que dans le contexte singulier du multipartisme à l'algérienne, la politique navigue dans les eaux troubles de l'opportunisme qui sert de fonds de commerce à toute une faune dont la conviction politique se limite à un bon «job» et à «lever la main» durant son mandat parlementaire. Ce postulat est parfaitement illustré par la manière avec laquelle ont été adoptés, sans débat, les amendements à la Constitution en 2008. Hélas, nombre de leaders politiques ont perdu, dans les moments sombres qu'a traversés le pays, la compréhension de notions simples que sont l'humilité et le devoir de servir. Le devoir de servir! Allons, en voilà encore de grands mots, nous dira-t-on. Que nenni! La conviction politique et le devoir de servir vont de pair, l'un sans l'autre, cela n'a pas de sens en politique. Surtout si l'on excipe du fait que l'enjeu, supposé, des élections est d'ancrer dans la société le principe d'alternance au pouvoir, incontournable, si l'on veut asseoir la démocratie. Il est donc question de débat d'idées, basé sur la critique et l'évaluation des programmes, critère sine qua non pour l'instaurer, seul à même de donner aux électeurs de faire le (bon) choix citoyen de leurs représentants en toute connaissance de cause. Voilà le dilemme où nous plonge le scrutin législatif version 2012!
Source L’Expression N. Krim
Le Pèlerin