Les démocrates face à leur destin
Sauront-ils, à l’occasion de la future consultation électorale, trouver une martingale qui leur permettra de compter dans l’équation politique post-législative ?
Rien que quelques mois nous séparent du rendez-vous fatidique des élections législatives. Rendez-vous capital, eu égard au contexte dans lequel il intervient, marqué par un bouleversement géostratégique inédit dans la région, les législatives prochaines s’annoncent d’ores et déjà comme porteuses d’un risque du retour de la mouvance islamiste aux premières loges.
Sinon, un renforcement des partis au pouvoir responsables dans une large mesure de la crise nationale. Encouragés par la poussée islamiste dans les pays arabes, les partis politiques algériens labellisés d’islamistes se frottent les mains et se voient déjà au gouvernail du bateau Algérie. Solidement chevillés dans les arcanes du pouvoir, le FLN et le RND qui jouissent de puissants relais dans l’administration entendent, pour leur part conforter, leur place.
Face à cette éventuelle configuration du futur paysage politique, quelle place dès lors pour les démocrates algériens ? Une alternative démocratique à l’impasse politique actuelle et au risque de dérives théocratiques est-elle possible ? Difficile de se hasarder à quelques prédictions.
Minée par les divisions, étouffée par le pouvoir, exclue des médias publics, handicapée par les luttes de leadership, la mouvance démocratique algérienne n’a jamais réussi, à ce jour, à transcender ses clivages et ses divergences.
En dépit de leur profession de foi, les démocrates se sont montrés incapables d’être à la hauteur des espoirs placés en eux par de larges pans de la population.
Chef de file de la mouvance démocratique, dès l’apparition du pluralisme, le RCD a multiplié, sans succès, les initiatives pour le rassemblement des démocrates. Ses appels répétés à la fédération des forces patriotiques, républicaines et démocratiques n’ont pas trouvé d’écho. Ils se sont toujours heurtés au refus des autres partis. Même vœu pieu au sein du FFS, plus vieux parti d’opposition. Même s’il réitère inlassablement ses appels au rassemblement des forces démocratiques “autonomes”, il n’hésite pas à cultiver quelques paradoxes, donnant souvent l’impression de vouloir faire cavalier seul. Ses accusations récurrentes contre les autres partis selon lesquelles ils auraient “un fil à la patte”, autrement dit non “autonomes” dans le vocabulaire de ce parti, ont fini par semer la suspicion qui grève toute idée de rassemblement et d’initiative.
Le PT, qui appartient à la même famille politique a préféré, par calculs ou opportunisme, évoluer à la périphérie du pouvoir, n’hésitant pas par moment à stigmatiser les autres partis démocrates, tandis que les autres personnalités représentatives, au lieu et place d’un investissement sur le terrain ou peut-être par pragmatisme, préfèrent scruter la météo du sérail. Bref, la méfiance entre les uns et les autres, les diverses approches de sortie de crise, les problèmes structurels et de gestion des appareils et le culte de la personnalité ont fini par plomber toute perspective de convergence.
Et rien de plus édifiant de cette difficulté, pour les démocrates algériens, à s’entendre sur un “Smig” démocratique que l’échec de la CNCD, dernier né pour fédérer les énergies. Pourtant, force est de constater qu’ils font la même lecture de la crise. “Le Conseil national extraordinaire tenu le 16 décembre constate que plus d’un demi-siècle d’échecs de violences, d’opacités et de régressions n’ont pas suffi à faire admettre à la caste dirigeante que le système responsable d’un tel désastre est condamné par l’histoire, les exigences politiques nationales, les évolutions régionales et les nouvelles relations internationales. Le RCD fait le choix de la lucidité et du patriotisme. Il en appelle à l’ensemble des citoyens pour se mobiliser, chacun à son niveau, afin d’engager, pendant qu’il en est encore temps, le pays dans un changement démocratique et pacifique”, écrit ce parti dans un communiqué rendu public à l’issue de son Conseil national. “Les forces compradores qui ont confisqué l’indépendance algérienne veulent réaménager la façade d’un pouvoir de violence et de prédation et ainsi lui donner un vernis démocratique. Nous avons le devoir de nous y opposer démocratiquement et pacifiquement en mobilisant les énergies capables de nouer entre les militants du parti un contrat éthique et politique, qui les mette en mesure de le proposer aux Algériens et aux Algériennes demain”, notait récemment le chef historique du FFS, Hocine Aït Ahmed dans un message adressé au Conseil national de son parti. Invité aux consultations sur les réformes, l’ex-chef du gouvernement Sid- Ahmed Ghozali avait prononcé une sentence à méditer. “Je m’adresse au pouvoir, visible et invisible, pour dire que, si on persiste à ne pas regarder les choses en face, on se dirige tout droit vers un choc.”
Peut-on, dès lors, assister à un sursaut d’orgueil de la part des démocrates à l’occasion des prochaines échéances électorales ? S’il faut se garder de quelques spéculations, il reste que le tournant est historique. Il y va de l’avenir démocratique du pays, mais surtout du serment de fidélité à Abane et autre Ben M’Hidi.
Au moment ou s’écrit ailleurs l’histoire, les démocrates algériens ne doivent pas dire, plus tard, que nous ne savions pas.
Source Liberté Karim Kebir
Le Pèlerin