La lutte contre la désertification en point de mire
Malgré les efforts colossaux fournis par l'Algérie pour juguler le phénomène de désertification, qui décline sa menace sous différentes facettes, la dégradation des écosystèmes ne cesse de connaître de nouveaux développements.
Rien qu'à considérer l'amenuisement du couvert végétal, tel qu'il est observé au cours de ces dernières années dans la partie nord du pays, l'inquiétude ne manque pas saisir les défenseurs de la nature, les spécialistes en environnement et les pouvoirs publics. L'alerte a été donnée depuis les années soixante-dix du siècle dernier sur la fragilité du patrimoine biotique et l'avancée irrésistible du sable qui en arrive à «phagocyter» des milliers d'hectares de terres arables et fertiles chaque année. Au Centre du pays, les signes du recul de la verdure sont manifestes au niveau des régions de Ksar El Boukhari-Berrouaghia et de Sour El Ghozlane, respectivement dans les wilayas de Médéa et Bouira. Ces zones pré-steppiques de l'Algérois rejoignent inexorablement le domaine de la steppe, avant-dernière étape d'un épuisement général qui, s'il se produisait, en ferait un espace complètement aride, à l'image des zones sahariennes. Cette régression, visible à l'échelle d'une génération, s'est produite en l'espace de trois décennies. Entre-temps, cette zone et ses prolongements oriental et occidental jusqu'aux frontières ont fait l'objet d'une attention soutenue des techniciens algériens et des pouvoirs publics. C'est ainsi que ce couloir a été déclaré ceinture verte à partir du début des années 1970, ouvrage confiée aux jeunes soldats de l'ANP, puis aux services des forêts à la fin des années 1980. Plus de vingt ans après la fin des travaux, l'évaluation de l'expérience algérienne en matière de lutte contre la désertification n'est pas encore effectuée d'une manière exhaustive.
C'est au printemps dernier que la direction générale des forêts a exhumé ce dossier de Barrage vert pour une évaluation sereine de façon à envisager sa réhabilitation et son extension. Ce sont là les objectifs de l'étude qui est confiée, il y a quelques mois, au Bureau national des études en développement rural (BNEDER). Ces objectifs (réhabilitation et extension de la ceinture verte) ne peuvent naturellement être atteints sans l'établissement d'un état des lieux détaillé de l'ouvrage long de 1.500 km et large d'environ 20 km. Ce diagnostic est d'autant plus nécessaire que cette précieuse expérience algérienne – aujourd'hui sollicitée pour être dupliquée à grande échelle en région subsaharienne (ligne Djibouti- Dakar, sur 7.000 km) – a eu ses détracteurs et ses défenseurs zélés.
Les enjeux liés à la désertification sont de portée aussi bien nationale que continentale et mondiale. Le dernier sommet de RIO+20, tenu au Brésil le 22 juin dernier, a été l'occasion, pour les experts et les représentants des Etats, de rappeler les principes fondateurs de la lutte contre la désertification, particulièrement ceux pour lesquels la communauté mondiale s'est concertée lors du sommet de Rio en 1992.
Dégradation constante des écosystèmes
A l'échelle africaine, la Conférence sur la lutte contre la désertification a réuni en 2010 à Alger une quarantaine de responsables de pays africains concernés par l'action de lutte contre la désertification en vue de se concerter sur l'alignement des programmes d'action nationaux de lutte contre la désertification sur la stratégie de la convention des Nations unies.
Les membres de la conférence ont tenu à soulever plusieurs contraintes liées à l'alignement de leur Programme d'action national (PAN), notamment le manque de communication entre les parties concernées, le déficit d'intégration et les difficultés de financement. 50% des pays africains n'arrivent pas à aligner leurs programmes faute de financement. «L'alignement des programmes d'action nationale permet aux pays de mettre en cohérence les programmes de lutte contre la désertification avec les cadres d'investissements nationaux et les différentes politiques sectorielles et créer des synergies avec des sources de financement», selon le responsable chargé de la coopération au sein du Mécanisme mondial de la lutte contre la désertification.
La plateforme africaine de recommandations et de revendications élaborée à l'occasion a été présentée à la conférence de Johannesburg et à celle de Séoul. Sur le plan organisationnel, la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) est considérée, depuis 1992, comme l'outil conceptuel et réglementaire que sont appelés à utiliser, sur le plan de la philosophie comme sur le plan législatif, les pays du monde affectés par le phénomène de désertification.
L'on sait que, d'après les estimations des experts, les déserts représentent quelque 4 milliards d'hectares dans le monde comprenant les déserts de sable (comme le Sahara), les espaces de glace (pôles) et tous les territoires hostiles et improductifs sur le plan biotique.
Notre pays, qui fait partie de l'UNCCD a inscrit depuis plus de 30 ans l'action contre l'avancée du désert saharien comme l'une des priorités de sa politique environnementale telle qu'elle est menée par les pouvoirs publics. Les techniciens et les pouvoirs publics algériens ont, dès le début des années 1970, délimité un territoire, considéré à l'époque comme zone tampon, à partir duquel une stratégie de lutte devait être menée. Il s'agit du territoire des Hauts-Plateaux enserrés entre les monts du Tell et les monts de l'Atlas saharien. Ce territoire, au bout de trois décennies, a fini par être lui-même fragilisé au point où la menace s'est étendue vers le nord du pays d'autant plus que, au cours des quinze dernières années, des pans entiers du patrimoine forestier national ont disparu, laissant à découvert des milliers sur la région tellienne.
Le constat des experts conclut au fait que la désertification est un phénomène aux manifestations nombreuses et variées. Néanmoins, la forme la plus manifeste et qui réclame des mesures urgentes demeure la régression ou la disparition totale du couvert végétal par des facteurs multiples, mais souvent dus à l'action de l'homme (défrichements, incendies, surpâturages, conduites culturales mal adaptées,…).
Stratégie de survie
Outre la réhabilitation et l'extension du Barrage vert, qui demeure un projet important mais qui s'étalera sur plusieurs années, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a greffé des actions et des opérations de protection des espaces fragiles dans les projets de proximité (PPDRI). Ces actions, relevant de la stratégie de lutte contre la désertification, s'adressent aux populations habitant des localités rurales et tendent à réhabiliter ces territoires menacés par la désertification. Se sont des actions de reboisement, de fixation de berges, de réhabilitation des parcours (plantations ou ensemencement destinés à augmenter l'offre fourragère), d'aide à la femme rurale (apiculture, aviculture, artisanat) et d'autres actions susceptibles de rehausser le niveau de vie des ménages.
En effet, le constat établi aussi bien par les gestionnaires des territoires que par les spécialistes en sociologie rurale, les actions destructrices que l'homme est amené à faire contre la nature sont presque toujours dictées par ce qu'on appelle la «stratégie de survie», celle par laquelle, dans une situation de misère sociale, l'homme exploite les ressources naturelles de manière inconsidérée, c'est-à-dire jusqu'à leur total épuisement. Dans ce genre de situation, rehausser le niveau de vie des populations, c'est contribuer indéniablement à la préservation de l'environnement (sol, eau, couvert végétal, patrimoine cynégétique, faune sauvage,…) contre les menaces anthropiques.
A elle seule, la disparition du couvert végétal, particulièrement ligneux, entraîne, comme par un effet domino, d'autres conséquences destructrices de l'écosystème : perte de la couche fertile du sol, anéantissement des niches d'animaux sauvages, particulièrement ceux qui sont en voie de disparition et protégés par la loi, recul des rendements des productions agricoles, paupérisation des communautés humaines et, enfin, exode rural vers les villes et même vers les autres continents (ce dernier phénomène est aujourd'hui connu à sous le nom de «migration climatique»).
Source Les Débats Saäd Taferka
Le Pèlerin