Algérie - Les prix, le mouton et Merlinpinpin
Temps difficiles pour les petites monnaies. Le sacrifice du mouton pour l'Aïd El Adha sera, cette année encore, très coûteux. Encore de la matière pour la pauvre ménagère qui rame à contre-courant. La guerre des prix est pour elle déclarée depuis longtemps, et pas seulement à l'approche des grandes fêtes traditionnelles ou religieuses. Car si les prix aiment bien prendre de la distance par rapport au pouvoir d'achat des Algériens, avec des hausses de plus de 10 % pour les produits agricoles frais et quelque chose comme 2 à 5% pour les viandes et les poissons en ce mois de novembre, décidément pluvieux et venteux, comme au bon vieux temps, le porte-monnaie ne suit pas, sinon très difficilement. Car il faut bien comprendre que, dans la société algérienne, en particulier, et maghrébine en général, les fêtes religieuses comme l'Aïd El Adha s'accompagnent également par des achats de vêtements neufs pour les enfants, parfois même leurs parents n'y résistent pas. Cela fait des frais supplémentaires. Avec la cote des moutons qui ne cesse de monter d'année en année, on en est arrivé en 2010 à ce que le prix d'une bête, qui «ne remplit pas beaucoup les yeux», question épaisseur et longueur de cornes biens enroulées sur elles-mêmes, oscille entre 20 et 30.000 dinars. Un prix devenu anodin, car des moutons à moins de 15.000 dinars, cela n'existe que dans les zones d'élevage, très loin des grands centres urbains. Faut dire que le sacrifice d'une bête, comme le veut la Sunna, est devenu problématique pour nombre de ménages algériens car, souvent, ils doivent faire des choix cornéliens. Et comme la dépense est en elle-même incompressible côté mouton de l'Aïd, les choix restent variés pour les autres frais, notamment les vêtements pour les petits enfants. Mais ce qui défie l'entendement dans une économie qui se veut rationnelle, c'est que le marché des ovins comme celui des produits agricoles est dominé par des lobbies qui n'ont jamais pu être inquiétés. Autant au temps de la glorieuse économie planifiée, avec les grandes surfaces étatiques qui vendaient à bas prix le «Ghelmi» mais accessibles pour les gros bras seulement, alors que le reste des Algériens pataugeaient dans la boue ou bouffaient de la poussière des marchés à bestiaux pour aller gagner leur mouton après d'âpres négociations, qu'aux temps actuels d'une économie débridée, sans âme véritable, où il n'existe ni contrôles, ni règles de marché proprement dites. Le Souk aux bestiaux, enfin aux ovins, quoi ! Car c'est vraiment un souk que notre marché des ovins, où la seule règle est la débrouille pour décrocher le gros lot, c'est-à-dire une bête bien en jambes, et surtout pas chère. C'est un gage que tous les Algériens tentent de gagner, au moins pour dire que «mon mouton, je l'ai eu à un prix raisonnable». Et puis, il y a l'autre phénomène : la hausse des prix des produits agricoles, un fait économique qui survient toujours à la veille des grandes fêtes religieuses. Là aussi, la ménagère est prisonnière d'un système économique et commercial à condamner avec la plus grande fermeté : non seulement les prix enregistrent une surchauffe exagérée, mais les produits agricoles frais disparaissent des étals la veille des fêtes religieuses, comme par enchantement. A croire que Merlinpinpin joue avec les nerfs des Algériens à chaque Aïd, qu'il soit celui d'El Fitr ou d'El Adha. Et le même cycle se répète à l'infini.
Source Le Quotidien d’Oran Yazid Alilat
Le Pèlerin