Economistes et chefs d’entreprise réclament plus
En juillet 2009, l’Algérie a rejoint le club rachitique des pays arabes comme le Koweït, les Emirats arabes unis, Bahreïn, la Syrie et le Qatar, qui ont adopté vendredi et samedi comme journées de repos hebdomadaire.
Une année après, économistes et chefs d’entreprise livrent leur point de vue. Même s’ils affirment, pour certains, que la nouvelle formule a eu un « impact positif » sur l’économie nationale, ils exigent avec insistance toutefois de franchir la dernière étape : adopter le week-end universel. Actuellement, président du conseil d’administration des Nouvelles conserveries algériennes (NCA), Slim Othmani, n’a pas attendu la décision du gouvernement. Aujourd’hui, le temps semble lui donner raison. « C’était pour des raisons économiques et d’efficacité logistique, d’autant plus que nos intrants sont importés d’Europe », a fait savoir M. Othmani, contacté hier par téléphone. Depuis, l’entreprise fonctionne presque au diapason avec ses principaux fournisseurs de matières premières et d’emballage. Pour M. Othmani, la nouvelle formule de repos hebdomadaire arrange sa société. Faut-il aller alors plus loin ?
Notre interlocuteur laisse entendre que l’instauration du week-end universel risque de provoquer la résistance des milieux islamistes. « Le problème se pose, mais on ne veut pas entrer dans cette polémique », dira-t-il. Même son de cloche auprès de Mohamed Naït Abdelaziz. Lui se veut pragmatique à tout-va. « La mise en œuvre du week-end semi-universel a eu un impact positif », se félicite le président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), en estimant qu’il est de la mission des institutions de l’Etat, particulièrement les Douanes algériennes, de quantifier les retombées de l’instauration du nouveau repos hebdomadaire sur l’économie locale. S’il dit tout le bien qu’il pense du repos hebdomadaire actuel pour avoir déjà salué la décision du gouvernement, le président du CNPA réclame plus qu’une « demi-mesure ». « C’est une première étape pour aller vers l’instauration du week-end universel. L’Algérie aura tout à gagner. Si les opérateurs et les banquiers sont d’accord sur cette nécessitée, il ne faut pas hésiter », insiste-t-il.
Pour lui, l’argument religieux brandi par certains milieux pour justifier indéfiniment la maintien du repos le jour saint ne tient pas la route. « œuvrer le vendredi, ne va pas à l’encontre de la religion. Au contraire, l’Islam incite les gens à travailler », tranche-t-il, en plaidant pour que les institutions religieuses puissent sensibiliser la population sur cette question pour dépasser toute forme de polémique. Il faut « réfléchir à un consensus » dans le sens où il doit y avoir une séparation entre la sphère religieuse et l’économique, plaide M. Naït Abdelaziz Interrogé sur le sujet, Mourad Ouchichi, économiste, est plutôt sceptique. « Le week-end semi-universel est une spécificité algérienne. Rien ne justifie ce choix ni sur le plan économique ni religieux, si ce n’est répondre aux besoins d’un jeu d’équilibre », explique-t-il.
« Polémique irrationnelle »
Comprendre l’établissement tacite d’un deal entre les tenants du pouvoir en place et les milieux islamistes. Contrairement aux deux intervenants précédents, M. Ouchichi soutient que l’application du nouveau congé hebdomadaire a eu au contraire des dégâts sur l’économie, les entreprises algériennes et le moral des citoyens. « L’Algérie perd toujours une demi-journée de travail. A l’université comme à l’école, l’absentéisme est palpable durant les séances d’après-midi. Charger les horaires jusqu’à 18h perturbe beaucoup l’assimilation des bacheliers et des élèves », dit-il à titre d’exemple, en qualifiant par ailleurs d’« irrationnelle » la polémique attisée et continuellement entretenue par les adeptes de l’Islam rigoriste qui ne veulent pas travailler ou aller à l’université le vendredi. « Rien ne justifie pourquoi on ne travaille pas pendant cette journée », dénonce-t-il.
Pour conclure, cet économiste souligne que toute démarche d’ordre économique doit s’établir sur la base d’arguments scientifiques. Pour sa part, Salah Mihoubi, docteur en économie, rejoint la réflexion du président de la CNPA. « On est moins coupé du monde », commente-t-il. En instaurant le nouveau week-end en juillet dernier, le gouvernement, selon lui, a coupé la poire en deux entre « les obligations religieuses et économiques ». « L’expérience est concluante. Les gens ont accepté le principe sans problème », observe-t-il, en faisant savoir qu’il est temps de réfléchir à la manière de basculer vers le week-end universel. « Nous devons franchir ce pas, d’autant plus que les pesanteurs ne sont plus celles du passé », conseille cet ancien cadre de la Banque d’Algérie.
Source El Watan Hocine Lamriben
Le Pèlerin