La politique de voisinage
Une délégation de l’Union européenne est à Alger pour «faire le point» sur l’état des relations UE/Algérie mais surtout pour examiner la faisabilité d’un accord de «politique européenne de voisinage » avec l’Algérie, politique de voisinage pour laquelle, jusque-là, notre pays n’avait manifesté que très peu d’intérêt alors que cette politique est fondée sur le bilatéralisme et est négociable dans son adaptation aux contraintes et aux attentes du partenaire. Le Maroc et la Tunisie l’ont adoptée et n’en sont pas mécontents.
Nous savons que les relations de l’Europe à la Méditerranée n’ont jamais été faciles à concevoir et encore moins à construire de manière durable et solide. Et pour l’Europe, la Méditerranée c’est, bien sûr, le nord du continent. Mais c’est surtout la rive sud de ce «lac de paix». C’est en effet ici, au Sud, que la stabilité, la sécurité, la prospérité partagée se feront ou ne se feront pas. Rappelons qu’en 1995, il y a eu le processus de Barcelone. Beaucoup de tapages mais peu de résultats concrets. Le constat de la déception générale a été établi lors du 10e anniversaire du programme : les partenaires ont été unanimes à reconnaître qu’il fallait remettre l’ouvrage sur le métier et apporter toutes les corrections nécessaires. Certains partenaires, notamment ceux du Sud, ont été plus radicaux et ont demandé de revoir la copie de fond en comble d’autant que beaucoup d’éléments nouveaux sont apparus : le 11 septembre américain, le terrorisme qui frappe de plus en plus aveuglément, l’exacerbation des conflits régionaux, les boat-people maghrébins et africains. Bref, les menaces sur l’Europe sont nombreuses et l’enjeu n’est rien moins que la stabilisation de la rive sud au triple plan politique, économique et social, les trois aspects étant liés. Il y va (d’abord) de la prospérité et de la sécurité de l’Europe. Barcelone, sans être rangé dans les placards, est alors complété par la politique européenne de voisinage (PEV) lancée en mars 2003 et qui constitue «un nouveau cadre pour les relations avec les voisins de l’Est et du Sud et qui n’ont pas vocation à entrer dans l’Union européenne ». Après l’élargissement de l’UE à dix nouveaux pays, notamment d’Europe centrale et orientale, est élaboré le document d’orientation de la PEV en mai 2004. On y apprend que dix pays méditerranéens (Algérie, Palestine, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Tunisie), trois pays est-européens (Biélorussie, Moldavie, Ukraine) sont concernés par la PEV, auxquels on ajoute une recommandation sur trois pays «intégrables » au processus nouveau (Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan). La PEV mise sur l’idée qu’une nouvelle relation doit être instaurée avec les pays frontaliers afin de réduire les risques engendrés par les écarts importants de développement économique ainsi que par l’existence de plusieurs conflits déclarés. En fait, cette évolution est étroitement imbriquée au développement d’une politique de sécurité de l’UE. Comment l’UE peut-elle contribuer à la transformation des pays voisins en zone de stabilité et de prospérité sans recourir à la motivation de l’adhésion ? La question fondamentale que cherche à résoudre l’UE est celle de savoir comment pousser au changement les voisins tout en les tenant à distance. La PEV privilégie les relations bilatérales car elle y voit la démarche pratique et pragmatique sur le terrain qui facilitera des avancées concrètes y compris dans les zones divisées par un conflit. Différenciation et progressivité sont les concept-clés de la PEV. L’instrument central d’exécution de la PEV est le plan d’action national qui est négocié avec chaque pays et adopté conjointement pour une période minimale de trois ans. Ce plan d’action prévoit un calendrier de réformes à court, moyen et long terme ainsi que des indicateurs de résultats et constitue la feuille de route des priorités à mettre en œuvre. L’assistance européenne sera d’autant plus importante que les réformes pour lesquelles se seront engagés les partenaires dans les domaines prioritaires destinés à les rapprocher des valeurs de l’UE progressent et seront effectivement mises en œuvre : réformes économiques, respect des droits de l’Homme, démocratie, Etat de droit, gouvernance, lutte contre le terrorisme, non-prolifération des armes de destruction massive, efforts en vue du règlement pacifique des conflits régionaux, migrations. L’assistance de l’UE concerne le financement mais aussi la coopération technique ainsi que la participation aux programmes européens. Pour être éligible à un programme de PEV, les pays du Sud doivent avoir mis en œuvre l’accord d’association signé avec l’UE ; ensuite la commission prépare des rapports sur chacun des pays qui seront soumis au conseil ; enfin, la commission élabore un plan d’action à court et moyen terme (3 à 5 ans) qui fixe des réformes politiques et économiques adossées à un calendrier. La mise en œuvre des plans d’action doit faire l’objet de rapports annuels d’évaluation. Six pays arabes de la rive sud ont déjà signé des plans d’action
Le financement de la PEV
En 2007, un nouvel instrument de voisinage et de partenariat est mis en place (IEVP). Cet instrument juridique et financier succède aux programmes Meda et Tacis. Pour la période 2007/2013, le budget pour la PEV est de 12 milliards d’euros. L’UE prévoit aussi la création d’un fonds d’investissement auquel pourront participer les pays membres et une nouvelle facilité «gouvernance» dotée de 300 millions d’euros (Med a avait pour la période 2000-2006 un budget de 5,3 milliards d’euros). La répartition pluriannuelle entre pays et régions est de deux tiers pour le Sud et un tiers pour l’Est. La marge d’accroissement des financements sera fonction de la mise en œuvre des objectifs agréés bilatéralement entre l’UE et les pays voisins. Les principaux domaines de la coopération prévue par la PEV sont nombreux et variés :
• Relations commerciales et ouverture du marché
• Application des règles du marché intérieur dans ces pays
• Mise en place d’une politique relative aux migrations légales
• Coopération renforcée afin de prévenir et combattre les menaces terroristes
• Implication plus grande de l’UE dans la prévention des conflits et la gestion des crises
• Promotion des droits de l’Homme et de la coopération culturelle
• Intégration des nouveaux voisins dans les réseaux transeuropéens de transport, d’énergie et de télécoms de l’UE et dans l’espace européen de recherche.
La PEV : ce qu’il faut pour l’Algérie
La politique européenne de voisinage, parce qu’elle est bilatérale et construite autour des contraintes et attentes du partenaire, est incontestablement plus utile pour notre pays que la nébuleuse Union pour la Méditerranée. Les Algériens sont très efficaces dans le bilatéral. Alors allons-y.
Source Le Soir d’Algérie Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Le Pèlerin