Le Programme et les avis du « jour d’Algérie »
Plusieurs sites seront visités par les deux présidents
Tlemcen prête à recevoir Hollande et Bouteflika
L'accueil des deux présidents a été préparé avec soin. De grands panneaux les montrent avec des regards pleins d'espoir pour une nouvelle étape dans les relations algéro-francaises.
De l’aéroport en passant par de beaux paysages de la capitale de la culture islamique en arrivant au centre-ville, la perle de l’Ouest est prête pour accueillir le président de la République, Abdelaziz Bouteflika et son homologue français, François Hollande. L’accueil des deux présidents est déjà préparé avec soin, de grands panneaux montrent les deux présidents avec des regards pleins d’espoir pour une véritable nouvelle étape dans les relations algéro-francaises.
Il est écrit aussi «Pour l’amitié entre l’Algérie et la France». Ainsi, même s’il n’est plus question de traité d’amitié entre les deux pays, enterré à jamais après l’adoption de l’Assemblée française de la loi du 23 février de 2005 glorifiant la période coloniale. Alger et Paris semblent vouloir bâtir une amitié basée sur le respect mutuel et un partenariat gagnant-gagnant. Dans l’historique des visites récentes des précédents français, Jacques Chirac avait choisi Oran et Nicolas Sarkozy, Constantine et voilà que François Hollande préfère Tlemcen, ville de toutes les cultures et les civilisations. Un choix qui ne peut être le fait du hasard, car Hollande, tant cette ville est proche du cœur du président Bouteflika et sur le plan pragmatique, les opportunités d’investissements dans cette wilaya ne manquent pas sachant que 37 responsables d’entreprises feront le déplacement en Algérie. Toutefois, le choix de cette ville de 150 000 habitants à 520 km au sud-ouest d’Alger, serait fait «en concertation ‘entre Français et Algériens». Jusqu’à hier, le programme du déplacement des deux présidents à Tlemcen n’a pas été annoncé mais on parle déjà de la visite de onze sites touristiques. Le président Hollande aura à profiter de la beauté exceptionnelle de la capitale de la culture islamique. A cet effet, les responsables locaux ont remis Tlemcen à neuf pour recevoir l’invité de l’Algérie.
Il est à rappeler que le 6 décembre dernier, l’ambassadeur de France en Algérie, André Parant, s’est rendu lui-même à Tlemcen pour inspecter tous les sites retenus pour la visite de Hollande. Les sites historiques ne manquent pas dans cette belle ville , à l’instar du mausolée de Sidi Boumédiène, un saint patron de la ville, le palais d’El Mechouar, construit au Moyen- Âge par les princes zianides, la mosquée de Mansourah. A Tlemcen se trouve aussi la tombe du rabbin Ephraïm Enkaoua, une figure célèbre du judaïsme algérien. Ce personnage s’est établi à Tlemcen après avoir été persécuté en Espagne pendant la Reconquista. En 2005, 132 pèlerins français avaient été autorisés à se recueillir sur sa sépulture. Tlemcen renferme aussi le monastère Saint-Benoît où l’ancien archevêque d’Alger, Mgr Teissier, s’est retiré depuis quelques années. Cette ville qui englobe diverses civilisations berbères, arabes, françaises et hispano-mauresques ouvre ses bras au président français qui prononcera un discours à l’université Abou Bakr Belkaïd jeudi prochain avant de rencontrer la presse nationale et internationale, jeudi soir. En outre, l’université de Tlemcen réserve au président François Hollande un diplôme Honoris Causa.
Nacera Chennafi
Sellal parle de relations tournées vers l'avenir
Le contrat Renault signé lors de la visite de Hollande
Le Premier ministre Abdelmalk Sellal, a indiqué qu’entre l’Algérie et la France la coopération économique a été amorcée il y a déjà des années, confirmant, à ce sujet, que le contrat entre Renault et la Société nationale des véhicules industriels sera signé, lors de la visite de François Hollande en Algérie prévue aujourd’hui. En effet, l’usine financée à hauteur de 51% par l’Algérie et 49% par Renault, sera implantée à Oran (Ouest d’Alger). Outre la construction automobile, de jeunes algériens y seront formés avec la création de 6 000 emplois. «Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’industrie française gagne dans cette affaire. C’est un Win Win parfait. Nous restons solidaires avec les travailleurs français, et c’est une «belle œuvre qui va se réaliser» dans l’ouest algérien», a-t-il affirmé lundi soir sur France 3. En outre, Abdelmalek Sellal a estimé de bâtir avec la France une relation résolument tournée vers l’avenir, expurgée de «concepts éculés». «Nous attendons de cette visite l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations entre l’Algérie et la France, basé sur l’amitié et la coopération» et que les deux pays sont dans une «phase historique». «Nous ne pouvons pas oublier notre passé, tous les Algériens sont fiers de leur passé, de leur guerre de Libération nationale (...). Nous nous inscrivons maintenant dans une nouvelle phase historique. On doit se remémorer notre passé, c’est une chose claire, nette et précise, mais l’essentiel c’est de construire l’avenir», a-t-il précisé. Et le Premier ministre d’ajouter qu’il «ne faut plus qu’on reste dans les concepts éculés».
Crise au sahel : Alger et Paris «totalement d’accord»
Sellal a réaffirmé que sur le plan des objectifs, Alger et Paris sont «totalement d’accord».
«Mais, il faut bien comprendre que nous avons nos propres principes fondamentaux dont la non-ingérence dans les affaires internes d’un autre pays», a-t-il fait remarquer, expliquant que la vision d’Alger, dans cette affaire, est d’essayer, par le dialogue, d’isoler le mouvement nationaliste des mouvements terroristes, de renforcer le pouvoir central au Mali, et de régler le problème humanitaire.
Printemps arabe : «Que chaque peuple assume son destin»
Commentant l’évènement de ce qui a été qualifié de «Printemps arabe», il a estimé que «chaque peuple assume son destin», ajoutant : «Nous sommes contents quand la démocratie s’installe. Je pense qu’il faut laisser un peu de temps au temps avant de trancher définitivement sur cette question.»
Ahcène Hadjam
Discours de Hollande au Parlement
Les partis islamistes renoncent au boycott
Au final, les partis islamistes ne boycotteront pas le discours de François Hollande, jeudi matin devant le Parlement. Hier, les 14 partis politiques qui ont lancé une initiative à l'occasion de la visite du président français à Alger, ont animé une conférence de presse. Ils ont affiché des divergences sur les actions à mener pour se faire entendre. Bouguerra Soltani, chef du MSP, a expliqué qu'il n'empêcherait pas ses députés d'assister au discours de François Hollande. Le MSP, qui possède le nombre le plus important de parlementaires, explique sa position par le principe de la réciprocité. «Il ne faut pas oublier que le président Bouteflika, en voyage officiel en France, fut accueilli à l'Assemblée nationale», a expliqué Soltani. Le chef du MSP a expliqué vouloir d'abord écouter François Hollande avant de se prononcer sur d'éventuelles actions. Soltani a rappelé que la repentance n'est pas une demande partisane mais «une revendication nationale». Il appelle donc tous les partis politiques et les associations à s'unir autour de cette initiative. Tahar Benbaïbèche, président d'El Fadjr Al Jadid, s'est, quant à lui, attaqué aux pieds noirs et aux harkis, estimant qu'ils n'ont rien à faire en Algérie : «Ces personnes ont spolié notre terre et pris les armes contre les Algériens. Comment osent-elles demander aujourd'hui leur retour ?» s'est-il interrogé. La présidente du Parti de l'équité et de la proclamation (PEP), Naïma Salhi, a pour sa part proposé de «descendre dans la rue pour protester contre la visite de Hollande». Mais cette option a été rejetée par ses partenaires. Fatah Rebaï, secrétaire général d'El Islah, a préconisé des «actions concrètes», comme «adoption de la loi portant criminalisation du colonialisme». Au final, les 14 partis politiques se sont contenté de remettre leur déclaration commune à l'ambassade de France à Alger.
L.M.
Alger et Paris - Crise malienne : intervention contre non-ingérence
Les points de divergences entre l'Algérie et la France sont nombreux, mais c'est la question malienne qui divise le plus les deux pays. Face à la volonté affichée du gouvernement français d'intervenir au Nord-Mali, l'Algérie a longtemps défendu le principe de non-ingérence.
La question malienne ne peut certainement pas passer inaperçue des entretiens entre le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika et son hôte du jour, François Hollande. Le dossier malien va être un des sujets de discussion au cours de la visite de François Hollande en Algérie. Un sujet délicat, dit-on. Il n’est secret pour personne que les ardeurs de Paris de mener une guerre au nord du Mali sont toujours confrontées aux réserves ou opposition d’Alger. Les divergences entre Alger et Paris sont-elles de «façade» comme l’affirment certains ? Si pour la question de déloger les terroristes d’Aqmi, il n’y a plus de désaccord entre les deux pays. Par contre, des divergences réelles existent sur le temps et les modalités de l’action militaire à mener et contre qui la mener. Dans ce sens Alger a toujours préconisé le dialogue entre gouvernement malien et le groupe touaregs de la région qui se démarquent complètement du terrorisme, le MNLA et le groupe Ansar Eddine, en l’occurrence. «Le terrorisme dans le nord du Mali est une menace globale qui n’a pas de nationalité, ni de région ou de religion d’appartenance. Il est normal que le Mali bénéficie de l’appui de la communauté internationale pour son éradication», a déclaré récemment, dans un entretien, le président de la République à l’agence française AFP. Alger semble donc avoir changé son fusil d’épaule. Jusque-là opposées au principe même d’une intervention militaire au nord-Mali malgré un ballet diplomatique incessant des autorités américaines et françaises pour infléchir la position d’Alger, les autorités algériennes laissent désormais la porte ouverte à une intervention militaire au nord Mali. Un revirement de façade ? Pas si suûr. «Nous avons nos propres principes fondamentaux dont la non-ingérence dans les affaires internes d’un autre pays». C’est ce que le Premier ministre Abdelmalek Sellal a indiqué avant-hier soir en réponse à une question de France 3 relative à la position algérienne sur la crise au Sahel. La vision de l’Algérie est d’essayer, par le dialogue, d’isoler le mouvement nationaliste des mouvements terroristes, de renforcer le pouvoir central au Mali, et de régler le problème humanitaire, a-t-il estimé. En visite à Alger le 16 juillet dernier, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, a vainement tenté de convaincre les Algériens pour qu’ils s’impliquent dans une solution militaire à la crise malienne à laquelle Paris travaille depuis au moins l’élection de François Hollande. Dans cette épineuse affaire, Alger préconise un dialogue politique entre les autorités maliennes et les deux mouvements targuis, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawed) et Ansar Eddine
avec pour objectif d’isoler les djihadistes d’Aqmi et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest). Pour Alger, écarter Ansar Eddine de la négociation, comme le préconise Paris, ferait le jeu d’Aqmi qui n’aura aucun mal à rassembler sous une même bannière tous les groupes armés de la région. Les Algériens n’hésitent pas à évoquer devant leurs interlocuteurs africains le parallèle libyen où l’intervention de l’Otan s’est traduite par les conséquences que l’on sait. Dans cette guerre non déclarée l’Algérie aura sans doute réussi à convaincre ses pays voisins de se rallier à une solution négociée de la crise. La Mauritanie, le Niger ont refusé de s’associer à une intervention militaire au Mali. Les Etats-Unis sse sont ralliés également à la position algérienne. L’ONU, qui étudiera ce 21 décembre la proposition de la Cédéao sur le déploiement d’une force militaire de 3 000 soldats au nord du Mali, s’est montrée également prudente.
Mehdi Ait Mouloud
Interpellé par la veuve du martyr - Hollande lèvera-t-il le voile sur l’affaire Audin ?
Parmi les différents points portés sur l’agenda de François Hollande durant sa présence officielle à Alger, le recueillement à Alger-centre, place Maurice Audin, en mémoire au mathématicien français communiste opposé à la guerre, arrêté par les paras en pleine Bataille d’Alger en 1957 et jamais revue depuis. La disparition de ce militant de la cause algérienne, reste à ce jour un des épisodes les plus sombres de la Guerre d’Algérie en ce sens où 55 ans après l’Etat français n’a toujours pas reconnu son décès. Et pour cause, selon la thèse officielle française, Maurice Audin se serait évadé dix jours plus tard, le 21 juin, lors d’un transfert du centre de triage d’El Biar vers la villa Massilia, siège des parachutistes à l’époque. Sans doute est-ce dans cette perspective que sa veuve Mme Josette Audin à 81 ans, qui n’a plus revu son mari depuis ce jour, ne croit pas en cette version des faits, et dénonce l’assassinat sous la torture de son époux. Elle réclame justice et vérité auprès du chef de l’Etat. Depuis des années, elle se bat pour que lumière se fasse, interpellant ainsi le président français à l’occasion de sa visite algéroise pour que vérité se fasse sur la mort de son mari. Ainsi, dans une lettre adressée à François Hollande et publiée dans le Journal du Dimanche le dimanche 25 novembre dernier, Mme Audin écrira : «Comme le Président de la République J. C. (ndlr, Jacques Chirac) l’a fait pour condamner la rafle du Vel d’Hiv, j’espère que vous ferez aussi, au nom de la France, non pas des excuses pour des actes qui ne sont pas excusables, mais au moins une condamnation ferme de la torture et des exactions sommaires commises par la France pendant la guerre d’Algérie. Avec mes sentiments respectueux. Josette Audin.»
Cette lettre de Mme Audin, envoyée en août dernier, est venue remuer le couteau dans cette plaie combien profonde de part et d’autre de la Méditerranée causée par la barbarie du colonialisme français qui ne faisant aucune distinction quand il s’agissait de sévir au nom de cette idéologie qui leur était si chère qui n’est autre que celle de l’Algérie française. Ce qu’on a reproché à Maurice Audin en venant l’arrêter à son domicile algérois le 11 juin 1957 par une demi-douzaine d’hommes du 1er régiment de chasseurs parachutistes français ? C’était d’avoir hébergé un des premiers responsables politiques du Parti communiste algérien, Paul Caballero, connu pour ces actions indépendantistes. En outre, comme l’écrit Josette Audin dans sa lettre au président de la République, son mari n’a pas été la seule victime des exécutions sommaires et de la torture. Selon les historiens, près de 3000 personnes, principalement des Algériens, auraient disparu au cours de la bataille d’Alger, de 1957 à 1958. Exécutions, gégène (torture à l’électricité) ou «crevettes Bigeard» (personnes jetées d’un avion ou hélicoptère) se sont poursuivis jusqu’à la fin de la guerre en 1962.
Contre tout attente Josette Audin reçoit une réponse
«Plus de cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’Etat français doit faire face à ses responsabilités et au devoir de vérité qui lui incombe envers vous et votre famille d’abord, mais également envers l’ensemble des citoyens», écrit le chef de l’Etat français dans une missive reçue vendredi matin par Josette Audin. «J’ai par ailleurs demandé à Jean- Yves Le Drian, ministre de la Défense, de vous recevoir afin de vous remettre en mains propres l’ensemble des archives et documents en sa possession relatifs à la disparition de votre mari», conclut le président français. Josette Audin, qui s’était vu opposer un silence assourdissant par Nicolas Sarkozy en 2007, juge cette réponse «positive», même si elle attend de connaître les termes précis de «l’hommage» promis par François Hollande et la nature exacte des documents qui lui seront remis par le ministre de la Défense.
Lynda Naili Bourebrab
Algérie-France - Présence pesante du rétroviseur
«Il y a encore beaucoup de choses à dire, à faire sur la période de la colonisation. Mais ce travail a déjà commencé depuis de nombreuses années par les historiens des deux rives, et surtout par les nouvelles générations de chercheurs qui dévoilent les vérités sur cette histoire»
La visite aujourd’hui du président français François Hollande en Algérie, pour la première fois en sa qualité de chef d’Etat, est particulière pour les uns et les autres en ce sens que l’on s’attend à des réponses concrètes sur plusieurs dossiers retenus en haleine depuis des années. Ainsi, sur cette question d’Histoire et de mémoire collective, et au-delà d’une reconnaissance «avec lucidité» de François Hollande des massa-cres d’Algériens à Paris en ce jour du 17 Octobre 1961, d’au-tres gestes sont encore attendus de la part du président français qui vraisemblablement, sur ce sujet en tout cas, s’est démarqué de ses prédécesseurs.
L’historien Stora a affirmé qu’il prévoyait dans «les prochains gestes» du président Hollande, qu’il pourrait s’agir de discours qui abordent «la nature répressive» du système colonial, «ou de rencontres avec des acteurs de la guerre d’indépendance algérienne, ou des Français ayant participé à la bataille pour l’indépendance (...)». «Il y a encore beaucoup de choses à dire, à faire sur la période de la colonisation. Mais ce travail a déjà commencé depuis de nombreuses années par les historiens des deux rives, et surtout par les nouvelles générations de chercheurs qui dévoilent les vérités sur cette histoire», a-t-il souligné.
Le 17 octobre dernier, le président François Hollande avait affirmé que la République reconnaissait «avec lucidité» la «répression sanglante» qui s’était abattue sur les Algériens le 17 Octobre 1961 à Paris, un geste, du reste, officiellement salué par Alger.
Linda Amiri : «l’amorce d’une nouvelle page…»
Tout en estimant que le chef de l’Etat français, en faisant cette reconnaissance, se démarque de ses prédécesseurs en mettant fin à un mensonge d’Etat qui a perduré 51 ans, l’historienne Linda Amiri relève, quant à elle, que cette reconnaissance demeure «insuffisante sur le fond comme sur la forme». «Il s’agissait d’un communiqué de presse «un peu lapidaire» où le crime n’est pas qualifié, et où les responsables ne sont pas nommés. De fait, même si elle émane d’un président français en exercice, «cette reconnaissance ne peut clore le chapitre mémoriel de la guerre d’indépendance», a-t-elle opiné, concédant que c’est un «signe d’apaisement et, espérons-le, l’amorce d’une nouvelle page des relations entre la France et l’Algérie».
Source Le Jour d’Algérie
Le Pèlerin