Du déni de massacre à la polémique
Ainsi, les médias français n’ont pas manqué de revenir sur cette «reconnaissance», à l’instar du «Figaro» qui estimera que «c’est la première fois que la plus haute autorité de l’Etat engage la France sur ce sujet, même s’il ne va pas jusqu’à présenter des excuses». Pour le «Figaro», «François Hollande s’engage sur le terrain de l’histoire de la guerre d’Algérie, délicat entre tous pour les politiques». Et de poursuivre toutefois que «le Président ne se hasarde pas à avancer un chiffre quant au nombre d’Algériens tués le 17 octobre 1961. Cette question divise en effet les historiens. De façon plus étonnante, l’hôte de l’Elysée ne dit mot du contexte historique de ce drame. Polémique assurée, alors que le chef de l’Etat prévoit de se rendre en voyage officiel en Algérie en décembre». Et pour le journal de revenir sur cette date du 17 octobre 1961 où «le FLN décide alors d’organiser une manifestation contre le couvre-feu dans la capitale. Passant outre l’interdiction de la manifestation par le préfet de police de Paris, Maurice Papon, des milliers d’Algériens se rassemblent. La répression est sauvage et aurait fait entre 30 et 200 victimes». Soulignant à ce sujet que «longtemps, ce drame a été perçu comme un épisode de la guerre d’Algérie parmi beaucoup d’autres et n’a pas rencontré un écho particulier dans la mémoire collective».
Pour Médiapart, «c’est la première fois qu’un chef d’Etat français prononce ces mots réclamés depuis des décennies par les militants de la reconnaissance. François Hollande en avait fait la promesse l’an dernier, au lendemain de sa désignation comme candidat du Parti socialiste, en se rendant au pont de Clichy». Et d’ajouter que «toutes ces initiatives pourraient conduire le président de la République à aller encore plus loin dans la reconnaissance officielle de la politique française pendant la guerre d’Algérie». Citant le réalisateur Mehdi Lalloui, ce dernier dira : «C’est un premier pas mais c’est un premier pas très important». «Cette déclaration du président de la République va nous permettre d’ouvrir une nouvelle page sur la guerre d’Algérie et un chemin vers une véritable réconciliation, qui était impossible avec les non-dits et les silences. Pour nous, c’est une victoire», estimera-t-il. Par ailleurs, les rangs des partis de gauche, Europe Ecologie-Les Verts, le PCF ou le Parti socialiste ont eux aussi affiché leur soulagement. C’est ainsi que le premier secrétaire par intérim du PS Harlem Désir avait, plus tôt dans la journée, publié un communiqué appelant à la reconnaissance officielle du 17-Octobre. Tout comme plusieurs autres députés, comme Mathieu Hanotin et Pouria Amirshahi. «C’est bien, pour la mémoire collective de notre pays, qu’une des pages les plus sombres de notre histoire ne tombe pas dans l’oubli. Derrière, s’ouvre la possibilité de refermer la page de la guerre d’Algérie», explique Hanotin, élu de Seine-Saint-Denis. «C’est très bien. C’est un jalon posé. Maintenant, il faut que cela soit suivi par des actes concrets comme la création d’un comité d’historiens, l’accès aux archives ou la reconnaissance comme crime d’Etat», a avancé Amirshahi, élu député dans la circonscription des Français de l’étranger qui comprend, entre autres, l’Algérie.
Pour sa part, Benjamin Stora, connu pour ses nombreux écrits sur la Révolution algérienne, a affirmé mercredi soir sur BFM TV que «beaucoup d’Algériens attendaient».
Quant au journal «Libération», titrant avec «17 octobre 1961, la mémoire s’enflamme», il écrira que «si on avait encore besoin de preuves pour démontrer que la France a bien du mal avec son histoire coloniale, il suffisait d’entendre les principaux leaders de droite réagir au bref communiqué rendu public la veille et signé François Hollande». Jugeant en effet, qu’«il n’y a rien de très surprenant à ce que François Hollande assume officiellement cette position».
L’UMP dénonce vivement la «mise en cause de la police»
Toutefois, ce sentiment de soulagement n’aura pas fait l’unanimité de la scène politique et associative française. C’est ainsi que l’UMP (Union pour un mouvement populaire) parti de Sarkozy, a vivement dénoncé la reconnaissance de Hollande. Il est «intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République tout entière», a lâché le chef de file des députés UMP, Christian Jacob. «S’il n’est pas question de nier les événements du 17 octobre 1961 et d’oublier les victimes, il est intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République tout entière», a-t-il ajouté, précisant que la «tentative» de François Hollande de «politiser les enjeux de mémoire est dangereuse pour la cohésion nationale».
De plus, la droite française, traditionnellement opposée à toute reconnaissance des massacres perpétrés par la France pendant la guerre d’Algérie, aura prochainement de nouvelles occasions de monter au créneau: La reconnaissance officielle par François Hollande du 17-Octobre devrait être suivie de plusieurs initiatives législatives. Dès la semaine prochaine, le Sénat va examiner deux textes. Le 1er sous forme d’une résolution déposée par le groupe communiste, stipule que «le Sénat, (…), considérant les travaux historiques et scientifiques qui établissent la réalité des violences et meurtres commis à l’encontre de ressortissants algériens à Paris et dans ses environs lors de la manifestation du 17 octobre 1961, souhaite que la France reconnaisse ces faits (et) souhaite la réalisation d’un lieu du souvenir à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961». Cette résolution sera débattue le 23 octobre prochain et pourrait être votée avec les voix socialistes. Le 2e texte, cette fois une proposition de loi, prévoit «d’instituer le 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 en Algérie, une journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des morts civils et militaires de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie 1952-1962». Elle a en réalité déjà été adoptée par l’Assemblée nationale… en 2002. Transmise au Sénat par la gauche plurielle, elle n’avait jamais été mise à l’ordre du jour d’une Assemblée dominée par la droite. Ce n’est qu’à l’automne dernier, au lendemain de la victoire de la gauche aux sénatoriales, qu’elle est revenue au goût du jour.
Source Le Jour d’Algérie Lynda Naili Bourebrab
Le Pèlerin
Les trpois phrases publiées mercredi par l'Elysée et signées par François Hollande reconnaissant avec «lucidité» les massacres d'Algériens le 17 octobre 1961, et rendant hommage à la mémoire des victimes de la sanglante répression policière auront suscité une vive polémique en France.