Hippocrate trahi
«Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice…» C’est un des engagements contenus dans une des formulations du serment d’Hippocrate. Ce texte n’a pas valeur de loi astreignante. La pratique médicale moderne est régie et encadrée par des règlements ainsi qu’un code d’éthique et de déontologie. Toutefois, les praticiens, eux-mêmes, considèrent ce serment comme le principe de base de la déontologie médicale. Et si la législation inscrit la grève comme un droit pour tous les travailleurs, elle exige toutefois des grévistes de fournir un minimum de services. Or, on assiste aujourd’hui à une grève dans le secteur de la santé qui fait table rase et du serment et de la législation. Il ne s’agit pas de juger de l’opportunité et/ou du bien-fondé des revendications qui portent essentiellement sur le payement d’indemnités- des grévistes, mais, quand bien même elles seraient légitimes, elles ne justifient pas pour autant la paralysie totale du secteur. Ça ne dédouane pas le corps médical des conséquences dramatiques, voire fatales, que provoquera son refus d’assurer un service minimum. Car, si les représentants des grévistes affirment qu’il est assuré, dans la réalité il n’en est rien. Le plus dramatique et déplorable c’est d’entendre des grévistes justifier cet état de fait. Déjà, avant, ça ne marchait pas, avec la grève c’est encore pire, disent-ils. Ça nous rappelle la conclusion inopportune d’un ancien ministre de la Santé qui, se voulant fin et spirituel, dira, pour illustrer les avancées accomplies, qu’avant les Algériens mourraient devant la porte de l’hôpital, aujourd’hui, ils meurent à l’intérieur, oubliant qu’il est le premier responsable de cette situation. Il n’est pas question de rendre le corps médical responsable de la dégradation du secteur sanitaire, mais, pour autant, les hommes qui, en connaissance de la situation, ont embrassé la noble mission de soigner des malades et de tout faire pour sauver des vies, devraient, aussi bien par respect au serment auquel ils disent adhérer qu’à la loi, déployer tous les efforts, voire consentir quelques sacrifices, pour offrir un service minimum performant, même plus qualitatif que la normale, quand «ça ne marche pas». Quant aux revendications salariales, elles peuvent bien être défendues par des arrêts de travail ponctuels au lieu de grèves générales paralysantes. On n’a pas le droit de faire de la santé de ses concitoyens une monnaie d’échange et un moyen de pression. L’Etat, de son côté, est le premier responsable dans ce qui est advenu du secteur sanitaire algérien et de ceux qu’il emploit. Comment accepter qu’un pays soit, un demi-siècle après son indépendance, dans l’incapacité de soigner ses malades et de fournir à son corps médical tous les moyens de le faire dans les meilleures conditions ?
Le constat est tombé comme un couperet de la bouche d’une sommité qui a affirmé dernièrement que la santé algérienne n’est ni curative ni préventive.
Source La Tribune Hassan Gherab
Le Pèlerin