Algérie - Un nouveau dispositif pour faire face à la crise 2011, l’année du lait
Le nouveau dispositif de fonctionnement de la filière lait, annoncé au mois de décembre de l’année écoulée et qui a suscité une grande polémique, sera officiellement mis en œuvre dans le courant de ce mois de janvier. 43 laiteries bénéficieront d’un moratoire jusqu’au 30 septembre 2011 pour intégrer le programme de développement de la production nationale de lait cru. De leur côté, les opérateurs privés déplorent l’indisponibilité de suffisamment de lait cru sur le marché national, ce qui rend l’adhésion extrêmement difficile pour certains et la réduction de l’importation de la poudre encore lointaine pour d’autres.
Dans un document rendu public hier, le ministère de l’Agriculture annonce officiellement l’entrée en vigueur du nouveau dispositif d’encadrement et de rationalisation du fonctionnement de la filière lait, au cours de ce mois de janvier. Sa mise en place se traduit par deux contrats d’adhésion spécifiques. Le premier, selon le document en question, porte sur «l’acquisition par les laiteries d’une quantité de poudre de lait subventionnée, en contrepartie d’un engagement pour le transformer dans les conditions d’hygiène requises, le mettre à la disposition des citoyens aux normes réglementaires et au prix de 25 DA dans une aire d’intervention définie à travers un réseau de distribution consolidé». Alors que le second consiste en «l’engagement de la laiterie à collecter le lait cru, à le pasteuriser et à le revendre à des prix libres, moyennant une information distincte et lisible sur le sachet. En contrepartie, la laiterie bénéficiera de la prime d’intégration de 4 DA et, si elle renonce à la poudre de lait importée et n’utilise que le lait cru, elle verra sa prime d’intégration passer à 6 DA par litre de lait intégré». Par ailleurs, le ministère de l’Agriculture précise que «les laiteries privées ont toute latitude pour acquérir des poudres de lait sur le marché international ou national à prix réel, de les transformer à leur convenance et de mettre sur le marché des laits de consommation et des produits laitiers à prix libres. Dans ce cas, la seule exigence est le respect des prescriptions techniques et des normes sanitaires en vigueur ». Selon toujours ce document, 139 laiteries entre privées et publiques ont retiré les cahiers des charges relatifs aux nouvelles conditions de partenariat avec l’Onil. La candidature de 112 laiteries (97 privées et 15 publiques) a été retenue pour engager les négociations de contrats de partenariat, alors que celle de 7 autres a été rejetée pour différentes raisons. Du point de vue de l’intégration, le département de Benaïssa souligne que «69 laiteries publiques et privées procèderont à la collecte de lait cru, alors que les 43 autres bénéficieront d’un moratoire jusqu’au 30 septembre 2011 pour intégrer le programme de participation au développement de la production nationale de lait cru », dans le but de réduire l’importation de la poudre. En attendant, les 43 laiteries en question bénéficieront de quotas de poudre de lait inférieurs à ceux des 69 autres. Après des crises cycliques qui ont secoué le secteur du lait depuis juin 2010, le département de Benaïssa a ainsi décidé de mettre de l’ordre dans la filière à travers, non seulement l’instauration de nouvelles règles, mais en plus, le limogeage de l’ex-DG de l’Onil, Hafid Djelouli, et son remplacement par un ancien cadre de l’Onab. La poudre subventionnée par l’Etat ne sera plus distribuée comme avant, et certains opérateurs privés qui ont payé leurs quotas de poudre à l’avance et qui attendent sa livraison depuis le mois d’octobre de l’année écoulée, ne savent pas encore dans quelle catégorie ils figurent. L’Onil, selon des sources proches, a commencé ce dimanche la convocation des responsables des laiteries pour leur communiquer l’acceptation ou le refus de leur candidature.
Réactions des opérateurs privés :
Hakim Bettouche, responsable de la laiterie Bettouche : «Une chose qui est passée inaperçue dans ce nouveau dispositif. Avant son lancement, on parlait de 88 laiteries privées et 15 laiteries publiques. Alors que dans le nouveau document, on parle de 97 laiteries de statut privé. D’une part, on veut réduire l’importation de la poudre et, d’autre part, on augmente le nombre de laiteries (au moins 10 nouvelles privées ont vu le jour avec ce nouveau dispositif). Cela veut dire que la quantité de poudre importée va forcément être augmentée, car logiquement il y aura plus de demande. Et puis, s’il est souligné dans ce nouveau dispositif que la priorité sera donnée aux laiteries qui font la collecte de lait cru (69 laiteries) et que les 43 laiteries restantes bénéficieront d’un moratoire jusqu’au 30 septembre 2011 pour intégrer le programme de participation au développement de la production nationale, il y a une chose qu’on a oublié de citer. C’est presque tout le monde qui est d’accord sur le principe, mais où va-t-on trouver du lait cru ? La laiterie Bettouche a pris attache avec pratiquement tous les collecteurs de lait cru recensés au niveau du ministère de l’Agriculture, mais personne ne s’est montré disponible. Ils sont tous déjà conventionnés avec certains transformateurs, ce qui veut dire que la production nationale de lait cru n’est pas en mesure de couvrir la demande de tous. S’il n’y a pas suffisamment de lait cru sur le marché national, comment l’Onil veutil nous soumettre à cette nouvelle politique ? A mon avis, il aurait fallu d’abord recenser les moyens du bord. La laiterie Bettouche est actuellement à l’arrêt et ce, depuis 15 jours. L’Onil doit à la laiterie Bettouche 1 200 tonnes de poudre payées à l’avance (quotas d’octobre, novembre et décembre), qu’elle n’a pas reçues à ce jour. Nous nous sommes maintes fois rapprochés de l’Office pour avoir des explications, mais ils ont même refusé d’accuser réception de notre courrier. Qu’ils nous disent seulement où se situe le problème, comme ça nous saurons quelle démarche entreprendre. »
Djaoued Brerhi, responsable de la laiterie Monlait : «Il est difficile pour nous de nous exprimer sur ce nouveau dispositif, car nous sommes à l’arrêt depuis plus d’un mois et nous n’avons reçu aucune convocation ou explication de la part de l’Onil, qui refuse toujours de nous approvisionner en poudre de lait. Pourtant, l’Office nous doit 830 tonnes payées à l’avance (quotas des mois d’août, septembre et octobre). Depuis quelque temps, les portes nous sont fermées et il y a absence de toute concertation. Pourtant, la laiterie Monlait, qui dispose de la plus grande capacité de production sur le territoire national, s’est engagée officiellement et par écrit à se soumettre aux nouvelles conditions, notamment l’importation de vaches laitières dans le cadre de l’encouragement de la production nationale de lait cru.»
Abdelkader Houiche, responsable de la laiterie Coprolait : «Nous sommes au courant du nouveau dispositif de l’Onil. Nous avons retiré le nouveau cahier des charges, mais nous n’avons reçu aucune convocation pour le moment. Nous attendons toujours et pendant ce temps, la laiterie Coprolait est à l’arrêt depuis une semaine. Nous savons que la candidature de 112 laiteries privées et publiques a été retenue et 7 autres candidatures ont été rejetées pour différentes raisons, mais nous ne savons toujours pas sur quel camp nous figurons.»
Source Le Soir d’Algérie Mehdi Mehenni
Le Pèlerin