Un tournant dans la guerre au Mali
L’objectif de la campagne terrestre est de reprendre la localité de Diabali, tombée aux mains des djihadistes lundi dernier. Une réunion sur la situation humanitaire et des droits de l’homme au Mali est prévue, aujourd’hui, au Centre de crise du Quai d’Orsay en présence d’ONG.
Après une campagne d’attaques aériennes qui se poursuit depuis six jours, l’armée française a engagé, depuis mardi soir et pour la première fois, des troupes au sol. La France, qui prévoit d’augmenter le déploiement de ses forces à 2500 soldats, se lance désormais dans une guerre classique qui s’annonce longue. C’est un tournant majeur dans la guerre. «Les forces terrestres françaises sont en train de remonter vers le nord» du pays, a déclaré, hier, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. L’objectif de cette campagne terrestre est de «reprendre la localité de Diabali», à 400 km au nord de la capitale de Bamako, tombée aux mains des djihadistes lundi dernier. Des combats «au corps à corps» ont opposé, hier, des soldats français des forces spéciales aux combattants islamistes à Diabali. «Les forces spéciales sont actuellement à Diabali, au corps à corps avec les islamistes. L’armée malienne est également sur les lieux», selon l’AFP qui cite des témoins.
Le ministre français admet la complexité des opérations militaires et s’attend à une guerre difficile qui sera plus longue que prévu. «C’est un peu plus difficile à l’ouest, où nous avons les groupes les plus durs, les plus fanatiques, les mieux organisés, les plus déterminés et les mieux armés. Là, c’est en cours, mais c’est difficile. On était bien conscients depuis le départ que c’était une opération très difficile. On a affaire à plusieurs centaines, plus d’un millier – (entre 1200 et 1300) - de terroristes dans la zone, avec peut-être des renforts demain. C’est la raison pour laquelle les forces françaises frappent les bases arrière, en particulier Gao, où l’opération a parfaitement réussi. On est en situation tout à fait positive par rapport à la semaine dernière, mais le combat continue et ce sera long», a-t-il assuré. Sur le terrain, les troupes franco-maliennes rencontrent une résistance inattendue.
La preuve, la prise de la ville de Konna, qui avait précipité l’intervention militaire française, reste sous le contrôle des djihadistes. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a reconnu que Konna «n’avait pas encore été reprise par l’armée malienne».
Pendant que les opérations militaires se poursuivent, des forces africaines commencent à s’acheminer, mais le déploiement prévu par les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) peine à se mettre en place. Il pourrait prendre plusieurs jours. La Cédéao s’engage à envoyer près de 3500 soldats. Tandis que la guerre commence à s’installer durablement, l’implication des puissances étrangères et alliées stratégiques de la France se limite au minimum.
Elles se contentent de soutien diplomatique et d’aides logistiques. Paris est un peu embarrassé et n’arrive pas à sortir de «sa solitude». Les pays de l’UE tiennent une réunion exceptionnelle de leurs ministres des Affaires étrangères à Bruxelles. Londres et Berlin ont chacun mis à disposition deux avions de transport, mais n’envisagent pas de forces au sol. Les Etats-Unis apportent un appui en termes de renseignement.
Diplomatiquement, la guerre au Mali a rallié d’autres soutiens. C’est le cas de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) qui a apporté un soutien franc à l’intervention militaire, dans un brusque retournement de position. Elle avait appelé, lundi passé, à un «cessez-le-feu immédiat» après le lancement d’une opération française. L’organisation basée en Arabie Saoudite a affirmé, hier, dans un communiqué, son «soutien total et (sa) solidarité avec la République du Mali dans ses efforts pour récupérer les zones nord sous contrôle de groupes armés afin de restaurer son unité nationale et recouvrer son unité territoriale».
De son côté, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis depuis janvier 2012 pendant le conflit au Mali. «Divers groupes armés ont semé la terreur et infligé des souffrances à la population par tout un éventail d’actes d’une extrême violence à tous les stades du conflit», a déclaré, hier, le procureur de la cour, Fatou Bensouda, dans un communiqué. Un motif de satisfaction pour l’ONG Human Rights Watch (HRW). «Cette décision envoie un message important à tous les acteurs du conflit, dont les rebelles séparatistes, les combattants islamistes, les soldats du gouvernement et les troupes étrangères et que des abus de droits de l’homme ne resteront pas impunis», a indiqué l’ONG dans un communiqué. Sur le plan humanitaire, des dizaines de milliers de personnes fuient les zones de combat. Officiellement, les ONG enregistrent plus de 300 000 réfugiés.
Une réunion sur la situation humanitaire et des droits de l’homme au Mali est prévue, aujourd’hui, au Centre de crise du Quai d’Orsay en présence d’ONG.
En somme, au sixième jour du début de l’intervention militaire contre les groupes armés, c’est toute la région du Sahel qui est définitivement installée dans «une guerre globale».
Source El Watan Hacen Ouali
Le Pèlerin