Algérie – Et si l’université devenait le catalyseur de la contestation?
La protestation estudiantine d'abord limitée à un petit nombre d'universités et de grandes écoles est en train de faire tache d'huile. Face à cette contestation grandissante, le mutisme des pouvoirs publics concernés est incompréhensible. Il justifie en tout cas la décision des étudiants protestataires de poursuivre et de radicaliser leur mouvement.
En fait, encore une fois ces pouvoirs publics ont manifestement opté pour la politique du pourrissement, escomptant parvenir ainsi à essouffler le mouvement. Le calcul est à risque car en exacerbant la colère des campus, l'attitude des autorités peut conduire les étudiants à manifester leur mécontentement de façon plus visible à travers des démonstrations dont le terrain ne se limitera pas aux champs clos des campus universitaires. Dans le contexte d'ébullition politique et social qui prévaut dans le pays, une descente dans la rue des étudiants pourrait être le catalyseur et le déclencheur d'un mouvement de contestation de plus grande ampleur.
L'erreur des autorités serait de croire que la grogne des étudiants, parce qu'elle est motivée par des revendications socio-pédagogiques ne concernant que le monde universitaire, n'est pas de nature à interpeller et à faire réagir le reste de la société. C'est pourtant des campus et initialement sur la base de revendications similaires qu'est partie la révolte qui au Yémen est en train de saper le régime de Ali Abdallah Saleh. Ce que les partis politiques et associations représentatives de la société civile ne parviennent pas à réaliser à savoir faire descendre les gens dans la rue, les étudiants peuvent fort bien le rendre possible.
Le silence observé par les autorités face aux doléances des étudiants grévistes qualifié par eux à juste titre de méprisant vaut à leur mouvement des ralliements qui le transforment en une démonstration de force qui peut conduire ces autorités à être tentées par la manière forte pour la briser. Il s'ensuivra inévitablement un enchaînement aux conséquences imprévisibles. Peut-être que le pouvoir se berce de l'illusion que la contestation politique n'ayant pas pris dans le pays malgré les exemples de celles ayant abouti en Tunisie et en Egypte, il a encore moins à redouter celles ayant des objectifs sociaux ou des fondements socio-pédagogiques comme c'est le cas de celle des campus universitaires. Sauf que dans le pays contestations politique et socio-syndicale se chevauchent indubitablement dès lors que les acteurs de ces dernières se font à la conviction que le pouvoir auquel elles adressent leurs doléances et revendications leur fait la sourde oreille.
La politisation de la revendication sociale est de ce fait devenue quasi systématique dans le pays. C'est pourquoi tout mouvement social dans n'importe quel secteur est en capacité d'être déclencheur d'une explosion plus grave. En jouant sur le pourrissement de cette sorte de mouvement, le pouvoir s'expose à plus ou moins brève échéance à être confronté à une situation autrement déstabilisante pour lui que celle que la CNCD et autres alliances politiques cherchent à provoquer.
Source Le Quotidien d’Oran Kharroubi Habib
Le Pèlerin