La visite de François Hollande semble promise à un succés des relations entre la France et l'Algérie
François Hollande le tournesol algérien
«Hollande l’Algérien», titre Le Nouvel Observateur de cette semaine. Usage d’une figure de style, avec deux antonymes, qui exprime à priori l’inconcevable. Ce n’est sans doute pas une antilogie qui est une antithèse poussée jusqu’à l’absurde. C’est plutôt un oxymore qui suggère l’empathie, la sympathie, voire même un certain tropisme algérien. Hollande, un tournesol et l’Algérie un centre de lumière, de pesanteur et de gravité ? L’image est plaisante mais la réalité est tout autre. Le locataire de l’Elysée n’est d’évidence pas algérien, au sens où il aurait déjà une politique algérienne digne de ce nom ou des sympathies politiques suffisamment prononcées pour que l’on puisse dire de lui qu’il serait pro-algérien ou algèrophile absolu. Qu’il aime l’Algérie et les Algériens, nul doute. La présence dans son entourage actuel et durant la campagne électorale des dernières présidentielles, ainsi que dans le gouvernement de Franco-algériens et de Français d’Algérie, en atteste. George Morin, Monsieur Algérie au PS de 1986 à 1993, lui-même originaire de Constantine, évoque, en guise de boutade, un « gang de Constantinois », composé de lui-même, de l’historien Benjamin Stora et de Fawzi Lemdawi, le pote algérien du président et son actuel conseiller à l’Elysée. Et c’est l’Algérie qui fut le point de départ de sa carrière politique. L’Algérie, pays de son karma et de son samsâra présidentiels ? En quelque sorte, oui, c’est la terre de son incarnation et de sa réincarnation politiques. C’est là, en effet, que tout a commencé pour lui, là où tout s’est déclenché et réenclenché dans sa carrière politique. Fils d’un notable Normand, aux sympathies pro-OAS assumées, François Hollande effectue, au départ, son premier séjour en… Algérie en 1978. Enarque en devenir, il débarque en février de la même année à Alger pour accomplir à l’ambassade de France un stage d’études de huit mois. Il va alors à la rencontre des coopérants français et sillonne l’Algérie en long et en large. En compagnie d’un certain Hubert Colin de Verdière qui deviendra plus tard ambassadeur à Alger. Un excellent souvenir pour lui de l’Algérie de Boumediene. L’Algérie, il y reviendra vingt-huit ans plus tard dans le costume de Premier secrétaire du PS. Il est reçu durant trois heures par le président de la République. Pied de nez sibyllin digne d’un florentin comme Abdelaziz Bouteflika pour signifier au président Jacques Chirac à quel point il n’avait pas apprécié la loi de 2005 qui glorifie la colonisation. Sous le charme, le Premier secrétaire du PS d’alors signe avec le FLN, ennemi d’hier, un accord inédit de partenariat politique. Il dénonce le système colonial et se dit prêt à travailler à la conclusion d’un «traité d’amitié» s’il est élu en 2007. Quatre ans plus tard, il est de retour à Alger. Il n’était pas alors le deus ex machina du PS ni la diva des sondages. Faute d’avoir été reçu par le chef de l’Etat qui ne voulait manifestement pas s’immiscer ouvertement dans le contexte électoral français, il est donc accueilli en décembre 2010 par un second couteau du FLN. Mais il est reçu par l’ancien président Ahmed Ben Bella, sage très écouté par le président Bouteflika et marabout de la politique qui porte la baraka à ceux qui lui rendent visite. Mais c’est à l’ombre protectrice de la Bonne Mère algérienne, Notre Dame d’Afrique, que François Hollande, inspiré par la magie divine de la basilique, crée le concept de « présidence normale » qui lui attirera les bonnes faveurs des électeurs français. L’Algérie, ou plutôt la mémoire coloniale le poursuivra et le rattrapera encore en 2011. Comme un signe du destin, au lendemain même de sa victoire aux primaires socialistes, le
17 octobre 2011, il jette des fleurs dans la Seine, en signe de recueillement à la mémoire de dizaines d’Algériens jetés vivants dans la Seine. Le futur «président normal» améliorait ainsi sa côte d’amour au sein de la communauté algérienne de France et en Algérie même. Plus tard, à la veille du second tour de l’élection présidentielle, le FLN, par la voix de son SG, estime que la victoire de François Hollande était de nature à changer les relations entre les deux pays. Encore une fois, un soutien subliminal mais franc du florentin Bouteflika. Le Président algérien sera l’un des tout premiers chefs d’Etat à le féliciter, de vive voix, au lendemain de son triomphe élyséen. François Hollande, contrairement à ses prédécesseurs, décide donc de se rendre en Algérie avant d’aller au Maroc. Des ministres de premier plan sont dépêchés à Alger pour préparer sa visite et adoucir encore le climat des relations bilatérales. Le rondouillard et madré Jean-Pierre Raffarin, généralement bien vu à Alger, est, par la même occasion, maintenu dans son rôle de facilitateur d’affaires entre les deux pays. Et, pour placer son voyage en Algérie sous les meilleurs auspices possibles, il rencontre à Malte le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal. En marge d’une réunion sur la Méditerranée, les deux hommes, qui ont en commun d’être zen et des hommes de synthèse, se parlent dans une atmosphère amicale, voire bonhomme. Mais François Hollande l’équilibriste, l’homme du consens de velours et des synthèses de satin, envoie à Rabat son Premier ministre. Chargé de gérer d’éventuelles susceptibilités royales, le placide Jean-Marc Ayrault signe même 26 accords de coopération et revient avec 280 millions de contrats dans sa serviette. Au Maghreb, tel qu’on l’observe, François Hollande, à l’instar de ces devanciers, quand il épouse Alger, se sent du coup obligé de ménager la maîtresse marocaine et inversement.
Source La Tribune Noureddine Khelassi
Le Pèlerin