Du mur de Berlin au printemps arabe
25 ans après, des zones d'ombre subsistent toujours sur le vent de révolte qui s'était emparé de la capitale algérienne le 5 octobre 1988. Manifestations spontanées pour les uns, désordre programmé pour d'autres, difficile de trancher même après un quart de siècle. Seule la restitution des faits et le contexte dans lequel ils se sont produits permettent de ne pas faillir à l'honnêteté intellectuelle. En réalité, le 5 octobre a commencé deux jours avant. C'est le 3 octobre, en effet, que le «départ de feu» a eu lieu. Cette nuit-là, le «Souk El Fellah» (grande surface socialiste) de Bab El Oued est saccagé après avoir été pillé. Après un semblant de calme le lendemain, «l'incendie» a repris et a gagné plusieurs quartiers d'Alger. C'était l'époque du parti unique et du socialisme spécifique. Le 6 octobre, le président Chadli Bendjedid a proclamé l'état de siège. Les Algériens qui n'avaient pas vécu pareille violence depuis l'indépendance étaient perplexes. Quelques jours après, ils décou-vrent l'islamisme et ses partisans qui organisent une marche stoppée par une fusillade, venue de «nulle part», devant le siège de la Dgsn, toujours à Bab El Oued. Le chiffre officiel de 169 morts est contesté. On parle de 500 morts. Quoiqu'il en soit et malgré différentes phases, en dents de scie, on peut affirmer que le 5 octobre marque le début de la marche de l'Algérie vers l'épreuve suprême du terrorisme des années 1990. S'il est difficile sur le plan strictement interne d'établir des responsabilités, on relèvera tout de même que le vent du changement soufflait sur toute la planète à cette époque là. En Urss, la perestroïka (restructuration en russe) avait commencé en 1985 en même temps que la Glasnost (transparence). Il en fut de même pour l'Algérie, avec une légère avance sur le calendrier soviétique, qui consacra son ouverture démocratique et la fin du socialisme par la révision de la Constitution en février 1989. La chute du mur de Berlin, qui marque la fin du communisme en Urss, aura lieu en novembre de la même année. La transition qu'allait connaître l'Algérie sera plus tragique. Il paraît clair que nos dirigeants de l'époque ne pouvaient ignorer l'évolution de l'état du monde. Une évolution dont les prémices remontent à la guerre menée par l'Urss en Afghanistan contre les islamistes. C'est précisément en mai 1988 que les troupes soviétiques ont commencé à se retirer d'Afghanistan marquant l'échec de l'influence communiste en pays musulman. La même année, George Bush père succède à Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis. Il ne fera qu'un seul mandat et sera battu par le démocrate Bill Clinton en 1992. 1988 c'est aussi l'année de la réélection de François Mitterrand pour un second septennat. Le même Mitterrand qui avait piqué une colère en direct devant les caméras de télévision à l'annonce de la démission surprise du président Chadli Bendjedid en janvier 1992. Une colère telle qu'il n'a pu maîtriser son émotion et lâcha, furieux en pointant son index menaçant, «il faut que le processus démocratique se poursuive!». Ceci alors même que l'Algérien lambda n'avait pas encore mesuré l'effet de cette démission sur l'interruption des élections législatives dont le premier tour avait été remporté par les islamistes. La suite, tout le monde la connaît. Ce fut l'assassinat du président Boudiaf en juin 1992. Ce fut le GIA contre le MIA (mouvement islamique armé du FIS). Ce fut le Gspc et son allégeance à Al Qaîda. Bref tout le sang et les souffrances imposés à l'Algérie par le terrorisme. Un terrorisme contre lequel l'Algérie continue de lutter. Alors, le 5 octobre 1988 pour l'Algérie? C'est la démocratie avant le mur de Berlin! C'est aussi le «printemps arabe» avant tous les pays qui le vivent aujourd'hui! L'histoire se chargera bien, un jour, du reste!
Source L’Expression Zouhir Mebarki
Le Pèlerin