Sud algérien - Datte d’Algérie –
La «Deglet Nour» - On pourrait faire mieux
La "Deglet Nour"
Prestigieuse datte et richesse pour l’exportation: Deglet Nour délaissée par l’état
L’obtention des subventions promises par l’Etat sont toujours en souffrance, affirment la plupart des exportateurs de dattes qu’ils soient publics ou privés. L’Algérie se trouve à la 28e position dans le classement des pays exportateurs de dattes, pourtant elle est le deuxième producteur mondial après l’Irak. L’un des principaux problèmes qui entravent la commercialisation de la prestigieuse datte, Deglet Nour, à l’étranger est sans conteste le financement, maintes fois promis par les pouvoirs publics et jamais réalisé, ne serait-ce qu’à 50%. C’est ce qui se dégage des propos de différents intervenants dans la filière que nous avons interrogés sur le sujet. Tous rappellent que, dans le cadre de la mise en application du Programme pour le renforcement des capacités humaines et l’assistance technique (PRCHAT) de l’agriculture, le ministre de tutelle, lors de sa dernière visite à Biskra, a été on ne peut plus clair, disant que « l’Etat accompagnera le producteur et l’exportateur sérieux, il sera son ‘‘Rfig’’ ».
En d’autres termes, les pouvoirs publics, par le biais de subventions, changent de rôle et deviennent accompagnateurs de toute action visant à améliorer la production, le stockage, la promotion et la commercialisation des dattes en général et de Deglet Nour en particulier. Sur un autre plan, le Fonds de soutien à la promotion des exportations (FSPE), lors de sa parution (ordonnance n°95-27 du 27/12/1995) avait été très bien accueilli par tous les opérateurs.
Promesses non tenues
Mais lors de son application par les services du ministère du Commerce, la plupart des exportateurs de dattes, qu’ils soient publics ou privés, ont vite déchanté dans la mesure où les dossiers déposés auprès des services concernés pour l’obtention de subventions promises sont toujours en souffrance. Un autre problème lié au financement est celui qu’abordera dans le détail Ghemri Youcef, le président de l’association des exportateurs. L’écueil concerne « la mise à niveau de la plupart des installations des unités de conditionnement ». Il dira : « Les marchés extérieurs sont devenus très exigeants sur la question du processus et pas seulement sur la question du conditionnement, comme l’apparence de l’emballage, par exemple, la fabrication, les machines, la certification, les labos de contrôle, etc. Cette mise à niveau nécessite des crédits et un accompagnement des pouvoirs publics si l’on veut gagner et conserver des parts de marché, quelle que soit la qualité intrinsèque de nos produits. Nous avons besoin de crédits bonifiés ou sans intérêt pour maintenir à flots la filière face à une concurrence de plus en plus féroce. »
Par ailleurs, l’on apprend que Deglet Nour va bénéficier d’un label, une appellation d’origine contrôlée avec circonscription géographique. Les préjudices du troc Un cahier des charges, précisera le directeur des services agricoles, Zahaf Tahar, sera remis aux opérateurs dans lequel est défini un ensemble de caractéristiques que doit présenter la variété Deglet Nour pour être homologuée. Il ajoutera que « des critères allant de l’apparence esthétique aux qualités intrinsèques du fruit, physiques, organoleptiques, de même que le biotope, le climat, et l’environnement du palmier ont été décrits dans l’opuscule destiné aussi bien aux producteurs qu’aux exportateurs. » Pour Hassan Soltani, P.-D.G. de la Sudaco, ex-office national des dattes, « la compétitivité du label Deglet Nour de Tolga ou d’Algérie est aujourd’hui doublement compromise sur le plan de la qualité et sur celui du prix par un phénomène récurrent et qui tend à se généraliser ; en effet, des quantités importantes de dattes de qualité ou très prisées à l’étranger, achetées à nos producteurs par des intermédiaires algériens peu scrupuleux transitent illicitement par nos frontières en direction de la Tunisie. »
Par ailleurs, la pratique du troc, qui consiste à échanger la « degla baidha », dont raffolent les populations du Sahel contre des cartouches de cigarettes dites américaines, perdure, semble-t-il, à nos frontières méridionales et ce, malgré les mesures prises pour faire face à tout trafic s’effectuant au sud du pays. D’où la nécessité, pour les pouvoirs publics, de renforcer les divers dispositifs mis en place pour contrecarrer cette situation très préjudiciable à l’économie du pays.
Lakhdar Rezzag Bara. PDG de l’entreprise Souf-dattes - « Il faut un plan de relance pour la filière »
Lakhdar Rezzag Bara est le président-directeur général de l’entreprise Souf-dattes spécialisée dans le conditionnement et l’export de dattes, notamment Deglet Nour. Dans cet entretien, ce professionnel nous parle de la datte algérienne, ses variétés et surtout ses problèmes, car elle peine à se tailler une place sur le marché international, alors que 80 à 85% de la production totale tunisienne – 145 000 tonnes – arrivent sur les étalages de 56 pays.
A quel niveau situez-vous la production nationale actuelle en dattes ?
La production nationale habituelle est de 500 000 à 600 000 t/an. Ces seuils restent tributaires des conditions climatiques. Prenons le cas de la récolte de cette année : malgré la production de 600 000 tonnes, le taux de rebuts se situe entre 60 à 70% dans plusieurs régions.
Avec le volume de production actuellement réalisé, existe-t-il de réelles opportunités qui s’offrent à l’Algérie à l’export ?
Oui, et je pense que seule la filière dattes reste un atout majeur pour toutes opportunités d’exportation depuis notre pays. Mais cette filière continue de connaître une série de contraintes à l’export qui entravent son positionnement sur le marché international, alors que dans les pays voisins, l’exportation se porte beaucoup mieux.
Où se situent les contraintes ?
Les difficultés pèsent en amont et en aval de la filière. En amont, des périmètres irrigués, relativement modernes, ont pu voir le jour depuis une dizaine d’années. Leurs promoteurs restent à court de maîtrise technique et d’expériences, notamment pour la production de dattes de qualité exportable. Certains intrants utilisés demeurent non conformes à la qualité requise par la réglementation des pays importateurs que nous ciblons. Malheureusement, tout reste à faire dans ce domaine. La filière dattes ne dispose d’aucune organisation professionnelle en mesure de permettre toute forme de relance ou de redynamisation du secteur.
Au sein du secteur, nous privilégions les circuits courts : de la production au conditionnement, en vue de réduire les intermédiaires spéculateurs peu favorables aux intérêts des producteurs. Par ailleurs, les circuits courts permettent un gain en temps et en qualité. Malheureusement, il n’existe, à ce jour, aucun réseau de collecte structurée sous forme de centres de collecte de proximité, unique moyen pour pallier les problèmes induits par la dispersion géographique des palmeraies et les distances importantes entre les différents bassins de production.
… Et en aval ?
Le maillon principal dans le process du conditionnement de la datte reste la chaîne de froid. La capacité de volume de froid actuelle demande à être développée et surtout à être mise aux normes du marché de l’export, notamment en matière de dispositifs de traçabilité. A ce jour, les exportateurs de la datte se sont lancés sur fonds propres par le développement de leurs portefeuilles clients sans aucune opportunité de participation à des manifestations commerciales internationales. Est-il possible de continuer ainsi alors que toute démarche export devrait s’inscrire dans un calendrier national soutenu par les services publics en vue de participer aux principaux salons professionnels concernés ? Comment de telles entreprises pourraient-elles participer à un salon international de l’agroalimentaire avec toutes les charges lourdes induites (location de stand, rendez-vous d’affaires, transport de produits…).
Ne pensez-vous pas que malgré leur excellente qualité, les dattes algériennes peinent à être imposées sur le très exigeant marché international ?
Comme d’autres produits exportables, la datte est soumise à une mise à niveau qualité suivant la démarche HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) qui confirme que les produits sont sans danger pour la santé et respectent les normes de salubrité les plus élevées. Pour ce faire, les unités de conditionnement devraient engager des investissements colossaux. Les opérateurs dans la filière devront envisager également de développer « la filière datte biologique » avec toutes les étapes de certification nécessaires. Un tel marché se trouve déjà occupé par les pays voisins.
Dans votre secteur, y a-t-il eu introduction d’un label de qualité ? Peut-on dire que les dattes algériennes sont soumises à l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) ?
Nous avons appris que le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a procédé à la validation de la demande et d’attribution d’une Indication géographique (IG) de la datte « Deglet Nour de Tolga » au profit de l’Association des producteurs de dattes de 10 communes de la wilaya de Biskra. Nous souhaitons l’extension de cette démarche vers notre secteur à El-Oued qui produit plus de 150 000 t/ an de Deglet Nour.
Tout le monde sait qu’aujourd’hui notre pays a perdu tous les labels de qualité qui existaient avant 1962. Qu’en pensez-vous ?
Je dirais que malgré les efforts considérables déployés au profit de cette filière, je pense aussi qu’il est temps de mettre en place un plan de relance pour la filière dattes en Algérie. En ma qualité de chef d’entreprise de conditionnement et d’exportation de dattes, je pense qu’il s’agit entre autres de créer une cellule de services agricoles par unité d’export, avec des cadres spécialisés et des moyens adaptés qui aura pour mission l’appui à l’organisation et à la production pour la filière export. Il faut également communiquer les exigences du marché international aux producteurs à la recherche de nouvelles parts de marché.
Premier produit hors hydrocarbures
Employant plus de 50% de la population active, et drainant chaque année plus de 20 000 ouvriers agricoles saisonniers au moment des opérations de pollinisation, de la récolte et du conditionnement des dattes, la culture des palmiers dattiers est un secteur économique névralgique, non seulement pour les habitants de Biskra, mais aussi pour le pays. Les dattes sont le premier produit d’exportation hors hydrocarbures. La France, la Russie, l’Ukraine, le Moyen-Orient, et depuis peu la Chine et le Canada, sont les pays importateurs de dattes. A Biskra, une vingtaine d’opérateurs activent dans l’exportation de ce produit. Un créneau qui est loin d’avoir épuisé toutes ses ressources. Bien au contraire, le conditionnement des dattes, qui a toujours été le talon d’Achille de ce secteur, et la qualité des fruits, connaissent une amélioration constante. Malheureusement, ce secteur stratégique que représentent la production et la commercialisation des dattes est loin d’être structuré. L’absence d’un marché central de la datte à Biskra n’est-elle pas une aberration ?
2% seulement de la production exportés vers l’étranger
Il est nécessaire de mettre en place des marchés de gros afin de couper l’herbe sous le pied des spéculateurs.
L’Algérie exporte seulement 2% de sa production de dattes, soit environ 12 000 t sur 600 000t, a indiqué hier le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, lors d’un point de presse qu’il a animé en marge d’une réunion qui a regroupé les différents acteurs de la filière. Avec une telle quantité, l’Algérie n’arrive qu’en 28e position dans le classement des pays exportateurs de dattes. Pourtant, elle est le deuxième producteur mondial après l’Irak. « Il est anormal qu’un pays qui génère 600 000 t d’un produit très demandé dans le monde ne puisse exporter que 10 000 à 12 000 t », a regretté M. Benaïssa. Il a signalé qu’il existe des « exportations informelles ». Il s’est interrogé sur le fait que ce circuit parallèle puisse s’approvisionner en quantité importante.
Le ministre impute cette situation à l’absence d’organisation. Lors d’une précédente réunion, des groupes de travail avaient été mis en place pour se pencher sur les différents aspects liés à cette activité. Ils ont exposé hier les propositions visant à améliorer la production et sa commercialisation. Il s’avère que les entreprises de collectes, de conditionnement et d’exportation sont confrontées au problème de financement. Le groupe de travail chargé de cette question a proposé d’élargir le crédit de campagne sans intérêt (0%) à ces opérateurs. Ce prêt sera d’une durée de 18 mois. Les bénéficiaires seront soumis, cependant, à une obligation de résultats puisqu’ils sont tenus d’augmenter les quantités exportées d’au moins 20%.
Un autre groupe de travail a étudié la possibilité de labellisation des variétés de dattes algériennes pour protéger la production locale. Un arsenal juridique sera élaboré avec la contribution des organismes spécialisés, tels que l’Institut algérien de normalisation (Ianor) et l’Institut national algérien de la propriété industrielle (Inapi). Il est, notamment, prévu la promulgation d’un décret pour la labellisation des produits du terroir dont les dattes. Un processus de ce type est en cours pour la Deglet Nour. Ces produits pourront aussi faire l’objet d’un arrêté spécifique du ministère de l’Agriculture. Pour ce qui est de la promotion des exportations, les professionnels ont préconisé d’assurer un encadrement technique des producteurs pour réaliser une production de qualité pour améliorer sa compétitivité sur les marchés étrangers.
Ils estiment en outre nécessaire de mettre en place des marchés de gros, afin de couper l’herbe sous le pied des spéculateurs. Ils ont plaidé pour le financement de la mise à niveau des unités de conditionnement tout en encourageant les structures de stockage. Ils réclament aussi un allégement des charges de 7%. La création d’un comité interprofessionnel de la filière datte est envisagée.
Un label fort convoité
Deglet Nour, signifiant littéralement « doigt de lumière », est une datte à la robe dorée et à la chair translucide. Si Biskra est la reine des Ziban, la Deglet Nour est la reine des dattes des Ziban.
Elle est effectivement demandée par le monde entier. Les pays producteurs de dattes que sont l’Algérie, la Tunisie, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Egypte et les Etats-Unis revendiquent le droit d’utiliser ce nom mythique. Nous aurait-on spolié encore une fois d’un patrimoine sans que les pouvoirs publics ne protestent auprès des instances internationales telles que la FAO, l’OMC ou les organismes prenant en charge ce genre de litige ? « Deglet Nour est une appellation purement algérienne désignant la meilleure variété de dattes au monde, dont se sont accaparés de nombreux pays pour mieux écouler leurs propres productions », font remarquer les producteurs algériens.
En effet, de nombreuses voix s’élèvent pour dire que seule la terre des Ziban, avec le savoir-faire ancestral des agriculteurs locaux qui ont su, génération après génération, sélectionner les meilleures variétés de dattes et en affiner les qualités pour obtenir l’authentique Deglet Nour, peut produire cette variété de dattes. Elles soutiennent à l’unanimité qu’aucune région du monde ne peut produire la vraie Deglet Nour, dont le terroir est Tolga, et qu’en principe personne d’autre ne devrait pouvoir utiliser cette dénomination. « Même si l’Algérie semble avoir perdu depuis longtemps son monopole sur ce nom, les amateurs de dattes ne s’y tromperont pas, ils sauront séparer le bon grain de l’ivraie », assure un agronome, qui ne craint pas la concurrence des autres pays, « car, ajoute-t-il, notre pays n’est pas encore en mesure de contrecarrer les pratiques commerciales parfois douteuses de certains pays qui utilisent la notoriété de nos dattes.
La seule réponse est de développer ce secteur sur des règles mondialement connues pour arracher des marchés et imposer nos produits au lieu de nous lamenter sur les actes des autres.»
Source El Watan Bachir Mebarek / F. Gaïdi / H.M./ Nora Boudedja
Le Pèlerin