L’Algérie, un pays des râleurs
Tout le monde se plaint, du plus démuni au plus nanti, de tout et de n’importe quoi. Y compris de continuer à vivre, si l’on voit les records mondiaux des accidents mortels de la route que notre pays accumule chaque année. Pourquoi les Algériens sont-ils devenus d’aussi grands râleurs ? A croire qu’il n’en existe pas un seul qui soit satisfait, content, en paix avec lui-même et son environnement. Le bouc émissaire, c’est le responsable, simple fonctionnaire ou politique. On l’accuse de ne pas faire son travail, de s’enrichir par la corruption et de passer son temps à comploter avec ses complices. Ses complices, on les retrouve tout au sommet de la hiérarchie. Tous des vendus, des pourris ! Ils ont accaparé le pétrole qui appartient au peuple et refusent de partager. C’est tout le royaume du Danemark qui est pourri, l’ensemble du système qu’il faut détruire. Voilà en quelques mots, le sentiment qui semble régner par ici dans quasiment toutes les franges de la population. Les classes populaires, moyennes ou les élites. Lire les opinions émises dans les journaux, écouter les discours des partis, regarder les émissions de télévision consacrées à la «parole des citoyens»… ou s’asseoir dans un café et écouter. Le même refrain, le même râle : l’Algérie est dirigée par des voleurs depuis l’indépendance, rien que ça. Inutile de s’interroger sur l’identité de ces voleurs, ce sont les «autres», ceux qui «dirigent», qui «manipulent» dans l’ombre, voire dans la clarté. Pas de nuancement, d’examen critique. Toute discussion sur le sujet expose son auteur à la suspicion. Il est clair que l’on a affaire à un sentiment plutôt qu’à la raison. A une idéologie diffuse sur fond de nihilisme plutôt qu’à la rationalité. Comment se fait-il ? C’est aux sociologues de se prononcer mais eux-mêmes, et les universitaires ou les chercheurs en général, ne sont pas toujours à l’abri du phénomène. Leurs études sur divers sujets concernant leur pays et leur peuple se résument quelquefois à un vomi de bile. On les voit alors râler autant et même plus fort que les autres. L’Algérie est sans doute un pays «déchiré» selon ce mot qui définit un désarroi culturel empêchant tout progrès. Quels sont notre identité et notre modèle de développement ? L’Occident ou bien l’Orient, sachant que les deux civilisations sont incompatibles ? Nous avons vécu jusqu’ici, par le fait de nos élites, sous l’influence occidentale (socialisme, nationalisme, libéralisme…) qui n’a su produire que des dictatures et de l’autoritarisme. Et, en tout cas, cette influence ne nous a pas basculé dans la modernité, loin de là. Aujourd’hui, le vide idéologique se fait ressentir, et il est question dans nos contrées arabes, à un «retour aux sources» islamiste. L’Etat algérien manque cruellement d’un sens, d’une idéologie. On attend de voir comment l’Egypte et la Tunisie vont se débrouiller, pour voir clair et suivre ensuite. Mais l’attente risque d’être longue et il y a des choses qui urgent.
Source Le Jour d’Algérie Brahim Djalil
Le Pèlerin