Le moral des familles est au plus bas. A quelques jours de l’Aïd, les privations et les frustrations se succèdent.
«C’est l’enfer», s’insurge un chef de famille, à peine la cinquantaine. Rencontré au bureau de poste de Kouba à Alger, il donne l’impression d’être perdu. Il ne sait plus où donner de la tête.
«Imaginez-vous que je ne peux même pas retirer mon argent. Il n’y a pas d’argent dans le distributeur automatique», se plaint-il désabusé.
Venu de bon matin retirer sa paie pour faire ses courses, ce fonctionnaire repart les mains vides et le coeur lourd. «On ne va pas fêter l’Aid cette année», dit-il. En montrant du doigt la file interminable d’usagers qui attendent pour encaisser leur argent.
«Nous sommes pris en otage», s’indigne-t-il. Un retraité lui emboîte le pas: «Comment peut-on expliquer qu’un pays qui investit 286 milliards de dollars n’ait pas de liquidités?» s’interroge-t-il.
Exacerbé par l’attente, il libère sa parole pour vomir sa colère. «C’est bizarre, c’est honteux et même inadmissible qu’il y ait ce genre de problème à la veille de l’Aïd», déplore-t-il.
«Où va ce pays?», répète-t-il encore. Une question qui n’a pas laissé indifférent le fonctionnaire qui abonde dans ce sens pour dénoncer qu’on se bouscule pour un sachet de lait à 4 heures du matin.
Pour lui, il n’y a plus rien à dire. A moins de 72 heures de la fête, les familles sont prises en otage. Hier, les bureaux de poste étaient pris d’assaut dès les premières heures de la matinée. «Je n’ai rien acheté jusqu’à présent», affirme une jeune dame. «C’est la troisième fois que je retourne à la poste pour retirer mon argent, en vain», avance-t-elle déconcertée. «Nous sommes entre le marteau et l’enclume», intervient une vieille dame voilée. La fête de l’Aïd est compromise pour elle. «Nous n’avons rien acheté, ni les habits pour les petits ni le mouton», nous apprend-elle. «Cela fait une semaine que je cours pour retirer mon agent», a-t-elle tenu à préciser pour décrire son cauchemar. Pour le dernier week-end d’avant l’Aïd, la plupart des pères de famille ont passé la journée devant les guichets. Les plus chanceux ont réussi à encaisser leur argent et prennent la direction des magasins. «Ouf! C’est un parcours de combattant», soupire une jeune femme qui a réussi à toucher sa paie. Or, le calvaire n’est pas fini. Le plus dur reste à venir. Les prix donnent froid dans le dos. Une virée dans les magasins permet de constater la flambée des prix. «J’ai effectué des dépenses de pas moins de 5000 dinars rien que pour répondre aux besoins de mon enfant», confie une jeune maman, rencontrée dans un magasin de chaussures avec son fils, âgé à peine de trois ans.
«Je plains les familles nombreuses», reconnaît-elle. La dernière paire de chaussures est soldée à pas moins de 1000 dinars. Pour les habits, les prix montent en flèche. Pantalons, robes, chemises dépassent la barre des 1500 dinars.
De quoi avoir le tournis! D’ailleurs, la plupart des familles se renseignent sur les prix et rebroussent chemin.
Les signes d’angoisse et de désarroi étaient visibles sur les visages. Confrontés à des prix exorbitants et aux caprices de leurs enfants, les parents sont dans l’embarras. «On veut faire plaisir aux enfants, c’est leur fête mais les dépenses pèsent trop sur le budget», avoue un couple accompagné de trois enfants. «On a beau se serrer la ceinture, mais on n’arrive pas», commente la maman. Pour elle, même avec deux salaires, il est difficile de joindre les deux bouts.
Le mouton, les habits, les friandises et les courses sont les différentes dépenses qui grèvent notre budget. Rien qu’au marché des fruits et légumes, sur les étals sont affichés des prix inabordables. Les légumes et les fruits se lancent dans une folle surenchère. Le kilo de pomme de terre est cédé à 60 dinars. La laitue, la tomate et la courgette s’alignent sur la barre de 100 dinars. Les carottes et les navets sont à 80 dinars le kilo. Le prix de l’oignon oscille entre 40 et 50 dinars le kilo. Les fruits sont encore plus chers. Inutile d’espérer une baisse. Le kilo de clémentine est à 130 dinars et l’orange à 150 dinars.
La banane atteint 150 dinars. «Rabbi ikoun maâna» (Que Dieu soit à nos côtés), lance-t-elle dans un long soupir. Le sucre promet encore plus de surprises. Il est à 100 dinars le kilo mais son prix pourrait être augmenté de 15 dinars.
«Nous n’osons même pas parler de viande. Les légumes étant déjà inabordables», affirme une femme au foyer. Avec la crise du lait et le manque de liquidités, le moral des Algériens est au plus bas. Leur portefeuille ne se porte pas mieux.
Source L’Expression Nadia Benakli
Le Pèlerin