Certains Pieds - Noirs n’aimeront pas….mais la vérité ne leur appartient pas car ceux qui ont fait la vie de l’Algérie n’étaient pas des adeptes de la violence.. L’extrémisme est la dernière des solutions…C’est parce que certains ont choisi cette voie que je suis là comme un damné à parler d’Algérie depuis la France, un pays certes accueillant mais loin de mes racines et de mes habitudes…
Le Pèlerin
Un formidable melting-pot.
Ceux-ci, au fil des années, ont solidement pris pied en Algérie. Ils viennent d'abord de France. Mais le territoire n'est guère attirant en raison de ses rébellions endémiques et de la dureté de son climat. Il faudra même attendre 1856 pour que les naissances l'emportent sur les décès. Tremblements de terre, épidémies de choléra, famines, soleil hurlant et pluies qui transforment les oueds paisibles en torrents meurtriers, sans oublier cet ennemi qui peut frapper à tout instant. Il faut donc organiser de véritables campagnes publicitaires pour attirer les volontaires, comme, en 1848, les ouvriers parisiens sans travail, partis du port de Bercy sur des péniches et dont le gouvernement a financé le retour à la terre. S'ajoutent ceux auxquels on ne demande par leur avis, comme les déportés de la révolution de juin 1848 ou de la Commune. Suivent ensuite les Alsaciens et les Lorrains qui préfèrent fuir leur pays annexé par les Prussiens ainsi que les Corses et les paysans du sud de la France, exclus de la révolution industrielle. Ce curieux mélange de réfractaires et d'hommes de la terre donnera à ces colons « une mentalité de petits propriétaires terriens [...] amalgame d'individualisme paysan et d'attachement à la liberté », comme l'écrit Benjamin Stora. C'est l'époque où l'Algérie se constelle de fermes fortifiées puis de villages et de bourgades dont les noms évoquent la grandeur française, celle des victoires militaires ou des grands penseurs : Jemmapes, Valmy, Marengo, Wagram, Solferino côtoient ainsi Voltaire, Tocqueville ou Victor Hugo.
Seules les références à la France émergent alors que ses citoyens sont loin d'être les seuls à coloniser ce nouveau monde. Un formidable melting-pot s'est créé en Algérie, agrégeant des populations venues d'Espagne, d'Italie, de Malte et qui vont devenir ceux qu'on nommera les « Européens », puis les « pieds-noirs ». Les Espagnols, originaires du sud de la péninsule, des régions d'Alicante et de Valence, s'installent, au plus près, dans l'Oranais. En 1911, il y a dans cette région deux Espagnols-naturalisés ou étrangers-pour un Français. Travailleurs endurants, sobres, ils sont cultivateurs quand les Siciliens, présents à l'Est, sont pêcheurs et les Piémontais, carriers ou maçons. Les Maltais tiennent de petits commerces ou sont cultivateurs ou éleveurs. En 1886, la population européenne est également partagée entre 219 000 Français d'origine et 211 000 étrangers et la loi du 26 juin 1889 naturalise tous ceux qui naîtront dorénavant en Algérie. Enfin les juifs, minorité de 20 000 personnes présente depuis des siècles en Algérie, deviennent des Français à part entière avec le décret du 24 octobre 1870 d'Adolphe Crémieux, ministre de la Justice.
C'est ce brassage de populations, totalement original dans l'Histoire, qui va donner à l'Algérie française ses plus doux accents. Personne mieux qu'Albert Camus n'a décrit ce que fut ce pays de cocagne. Il y a d'abord la mer, « en flammes sous le soleil », ces flots éblouissants dans lesquels les pêches de rougets et de mérous sont miraculeuses, mais aussi les parties de chasse dans la montagne où l'on déjeune, à l'ombre des oliviers, de soubressade et de rosé. Le soir, on profite de la douceur de l'air pour déambuler sur les boulevards ou sortir les chaises au seuil des maisons et regarder passer les jolies filles à la peau cuivrée. Le bistrot, où elles ne vont jamais, reste le royaume des hommes, qui discutent avec enthousiasme de politique mais aussi de football, sport roi pour toutes les communautés. Il y a aussi ces petites rues avec les chicanes « d'éventaires présentés par des marchands arabes et où se trouvaient pêle-mêle des cacahouètes, des pois chiches séchés et salés, des lupins, des sucres d'orge peints en couleurs violentes et des acidulés poisseux ».
A suivre
Dossier réalisé par François Malye
http://www.lepoint.fr/actualites-mon...e/924/0/247240
Le Pèlerin