Les architectes se réveillent
Des dizaines de milliards ont été consentis pour résorber le déficit en logements. Des efforts qui restent toutefois à relativiser. D’autant que les normes de qualité escomptées en termes de tissu urbanistique normalisé et cohérent, ne sont pas toujours respectées. Il faut dire qu’ils sont nombreux les experts ou même les simples citoyens à avoir, depuis de nombreuses années déjà, attiré l’attention sur cet aspect de cités construites, ou à construire, loin des normes d’urbanisme leur offrant un semblant d’attrait…
Un buget historique de 63 milliards de dollars lui a été consacré
Et c’est justement à cet effet que les premiers concernés n’ont eu de cesse d’appeler à les faire participer à cette aventure du : les architectes. Il logement qu’a entrepris l’Algérie depuis quelques années faut dire que jusque là, mises à part quelques interventions de-ci de-là, ces derniers n’ont pas spécialement brillé par des projets portant sur des propositions concrètes dans ce sens. Nous apprenions récemment que c’est chose faite. Ainsi, l'Ordre national des architectes semble enfin sortir de sa léthargie en s’impliquant concrètement dans le cadre de la politique de l'urbanisme en Algérie à travers des propositions, étudiées, réfléchies et portées par un véritable projet. Afin, a fait savoir récemment son président, Djamel Chorfi, de «contribuer à préserver le cachet architectural national en associant les entreprises nationales dans différents programmes et projets du secteur». Evoquant les erreurs commises du fait du caractère urgent des projets urbains en Algérie depuis les années 1990, M. Chorfi avait indiqué qu’«il est temps de cesser d'opérer dans l'urgence et de rationaliser les dépenses en accordant plus de temps à la phase d'études».
Pour ce même responsable, l’Organisme qu’il préside a examiné avec le gouvernement, lors de la tripartite, une série de propositions portant attribution des divers projets urbanistiques aux opérateurs qui n'appartiennent pas à l'entreprise ayant remporté le marché pour la réalisation du projet.
L'étude des projets urbanistiques était, auparavant, confiée à l'entreprise ayant remporté le marché dont la plupart sont des «firmes étrangères, ce qui explique la faiblesse de contrôle par l'Etat des phases d'études et de réalisation menées par l'opérateur». «Il n'y avait pas de contrôle sur les entreprises étrangères ayant bénéficié de contrats principaux leur accordant le droit de prendre en charge le projet». L'opérateur chargé des études, a-t-il dit, est souvent le conseiller technique du maître d'ouvrage d'où la nécessité de réfléchir à rendre les opérations d'études totalement indépendantes des marchés afin que l'Etat puisse jouir d'une plus grande capa-cité de contrôle et que la partie chargée de l'étude soit un opérateur impartial et garant de la qualité du projet». Par ailleurs, M. Chorfi a insisté sur l'impératif de tirer profit des expertises et compter sur les compétences et les entreprises nationales dans le cadre de divers programmes de logement.
Des spécialistes en parlent
«L'Algérie a déployé beaucoup d'efforts en matière de logement, mais a développé un tissu urbain anti-social et sans mémoire», déplore Mohamed Larbi Merhoum, deux fois lauréat du prix national de l'architecture. A l’image de cet architecte, ils sont nombreux à considérer en effet que «le défi de l'urbanisation soulève beaucoup d'enjeux pour la ville qui doit être à la fois accueillante, en facilitant l'accès au logement. Vitale, en assurant un environnement sain. Connectée, à travers un réseau de transport performant». Pour Naïma Chabbi-Chemrouk, professeur à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme, les pratiques architecturales et urbaines évoluent dans un contexte fortement marqué par des contradictions sociétales et environnementales. Par conséquent, la synergie entre la qualité de vie et l'impératif de vivre ensemble n'est pas facile à concrétiser, relève-t-elle. Ainsi, ils restent nombreux à appeler au renforcement des liens entre les différents acteurs du secteur pour concevoir des solutions adaptées aux réalités et aux défis algériens en matière de construction. Pour eux, la conception des plans urbanistiques du logement en Algérie ne peut être une affaire de «politiques», mais bien une affaire «de professionnels». Récemment c’était l’architecte Saïd Younsi, qui évoquait le sujet indiquant que souvent «le politique s’immisçait dans le travail de l’urbaniste en donnant des instructions sur ce qui devait se faire». Il avait «l’urbanisme n’est pas une culture générale. Mais une ainsi tenu à préciser que spécialité à part entière».
«C'est la population qui fait la ville» - Urbanistes et architectes sont un animes :
« Les citoyens doivent s’impliquer davantage dans le développement de leur environnement urbain, pour arriver à une meilleure intégration sociale dans les villes». Pour l'architecte Halim Faïdi, lauréat du prix national de l'architecture en 2012, il est nécessaire d'impulser la participation citoyenne durant toutes les phases d'édification des ensembles urbains afin de «relever le défi majeur de vivre ensemble et vivre mieux». «C'est la population qui fait la ville. Le rôle de l'Etat est d'assurer la régulation du secteur. La tâche de la conception et de la construction des villes doit être cédée aux citoyens à travers l'implication des PME de BTPH, la formation et la valorisation des métiers de l'urbanisme», a-t-il plaidé. M. Faïdi préconise, dans le même sillage, de favoriser le dialogue entre l'administration et les citoyens, affirmant que les centres urbains devraient être un «espace d'échange et d'équité sociale». Selon lui, il est nécessaire de mixer les différentes formules de logements dans les zones urbaines projetées dans le programme quinquennal, afin d’éviter la «ghettoïsation par couches sociales» et de créer une «mosaïque sociale et culturelle»
Démarches attendues
Parmi les démarches entreprises récemment qui visent la restructuration du tissu urbain des villes, la mise en place d’un nouvel établissement dédié au renouvellement urbain. Cet organisme devrait se voir confier la tâche de coordonner les actions de restructuration du tissu urbain prévues dans le cadre d'une nouvelle politique de la ville. Outre cette démarche, c’est la loi sur la ville (actuellement à l'examen au niveau du gouvernement) qui est attendue. Il s'agit, selon les explications fournies par le secteur, de compléter la législation fixant les règles d'urbanisme en Algérie. Cette dernière remonte, il faut le rappeler, à 1983.
Le secteur le mieux loti !
L’urbanisation est d’autant plus une urgence que le parc national de logements a, depuis plus d’une dizaine d’années, connu un bond dans ses diverses formules (aidées ou non) jamais enregistré.
Quatre millions de nouveaux logements. Soit, plus que l'ensemble des projets réalisés en près de 40 ans (1962-2000). Il faut dire que la stagnation économique consécutive à la baisse des prix pétroliers, qu’a connue le pays durant les années 80 et tout au long de la décennie 1990, marquée par le terrorisme, avait largement contribué au fléchissement d’une dynamique déjà ralentie par un certain nombre de mauvais choix stratégiques. Une situation qui n’a pas manqué d'accentuer le phénomène de l'exode rural et la prolifération des bidonvilles près des zones urbaines. Ce qui n’avait en outre pas manqué d’impacter nombre d’entreprises publiques de réalisation, alors principal outil dans les programmes de logement, mises à mal par ce contexte de crise pour l'économie algérienne et que le plan d'ajustement structurel recommandé par le FMI a failli mettre à genoux. Aujourd’hui, un total de 7 941 681 unités recensées à octobre 2013, dont près d'un million de logements hérités de la période coloniale, sont en attente d’un véritable plan d’urbanisation. D’autant qu’au vu de ces chiffres le taux d'occupation prend des proportions qui risquent d’échapper à tout contrôle. Pour comprendre cet état, il faut revenir aux investissements publics dans le secteur. 6 000 milliards de dinars (75 milliards de dollars) durant la période 2005-2014. Les crédits alloués au secteur dans le cadre du programme quinquennal 2005-2009 avaient atteint 2 275 milliards de dinars. Pendant la période 2010-2014, le secteur de l'habitat bénéficie du plus gros budget parmi tous les secteurs d'activités.
Outre la révision des points noirs qu’enregistre le secteur, notamment en matière de capacité nationale de réalisation et de distribution de logements, c’est l’aspect urbanistique qui préoccupe les spécialistes. Mais aussi les citoyens qui, désormais, ne se contentent plus de juste accéder au logement. Ainsi, le droit d’accès à des cités urbanisées fait désormais partie des revendications. Une revendication, somme toute, légitime. Ils sont nombreux en effet à espérer un autre regard sur cet aspect. D’autant qu’avec 1 200 milliards de dinars de financement bancaire, supplémentaires prévus prochainement, le logement devrait se voir propulsé au sommet du podium des secteurs économiques les mieux lotis de tout les temps en ! Algérie. Un montant historique de 63 milliards de dollars
Impliquer davantage le privé
«Il n’est plus question pour l’Etat d’intervenir tout seul dans le domaine de l’urbanisme». C’est à travers cette petite phrase lancée récemment par le premier responsable du logement en Algérie, que la couleur a été annoncée. Et c’est sur quoi devrait porter la toute nouvelle politique de l’habitat, qui se veut «plus souple que celle en vigueur», et qui devrait être introduite au cours de l’année 2014. «C’est une nouvelle vision qui a pour but d’associer obligatoirement le secteur privé dans les projets de construction urbanistique de l’Etat», indique à ce sujet le ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, Abdelmadjid Tebboune. Une démarche qui vise selon le secteur à impliquer davantage les privés dans ce volet de la construction. Il s’agit notamment d’assouplir les documents relatifs aux projets de construction comme le permis de construire et le permis de lotir. Dans cette logique, ils sont nombreux à entrevoir une prochaine étape à venir pour tous ceux qui concourent à la réalisation de projets d’urbanisme, d’aménagement et de construction. Il s’agit à l’image de beaucoup de pays à travers le monde, de la mise en œuvre d’une politique d’urbanisme de projet pour sortir de l’urbanisme de normes. Une démarche qui devrait permettre l’innovation tout en donnant la main aux porteurs de projet. Ces derniers devront ainsi nécessairement se plier au respect de nouveaux reflexes. Parmi lesquels la concertation avec le premier concerné par leurs projets : à savoir le citoyen.
Petites notions
La notion d’urbanisme (1815 apparaît avec l’ingénieur et architecte catalan (Espagne), Ildefons Cerdà paru en 1867. Théorie générale de l'urbanisation, -1876) et son ouvrage L'objectif de l'urbaniste est de donner une lecture de la ville ou d'un territoire en maximisant le potentiel géographique en vue d'une meilleure actifs, harmonie des usages et du bien-être des utilisateurs (résidents, touristes). Son travail porte pour l’essentiel sur l'aménagement des espaces et privés. Son rôle est d'anticiper les besoins des populations afin de publics proposer un développement urbain efficace. En tant que champ professionnel, les pratiques et techniques de l'urbanisme découlent de la mise en œuvre des environnement, zones d'activités politiques urbaines (logement, transport, économiques et centres commerciaux).
Les nouvelles villes
Parmi les grands projets en cours de réalisation qui ne risquent pas de faire long feu : cinq nouvelles villes. Il si aucune mesure urbanistique réelle n’est prévue s’agit de Sidi Abdellah (Alger), Bouinan (Blida), Boughezoul (Médéa), El-Menea (Ghardaïa) et la nouvelle ville de Hassi-Messaoud (Ouargla). A ajouter à ces dernières, les grands pôles urbains en cours à l’image du pôle de Drâa Erich (Annaba), le grand pôle urbain d'Oran ou encore de Médéa.
Source Infosoir Lyes Sadoun
Le Pèlerin